1. Who’s Knocking at my Door (1967) de Martin Scorsese
En 1967, le réalisateur de Taxi Driver (1976), alors âgé de 25 ans, écrit et réalise son premier long-métrage, dont l’intrigue se déroule dans les rues de Little Italy – le quartier italien de New-York –, où il a grandi, étant fils d’immigrés siciliens. Dans ce film autobiographique de 90 minutes, le cinéaste dépeint le quotidien de J.R (Harvey Keitel), un Italo-Américain catholique menant une vie simple, proche de sa famille et d’un groupe de copains machos. Alors qu’il rencontre une jeune fille – dont on ne connaîtra jamais le prénom – à bord du ferry qui mène à Staten Island, il s’éprend peu à peu d’elle, jusqu’à ce qu’elle lui avoue avoir été violée par un ex petit-ami. Dégoûté, J.R. la rejette, avant de lui dire qu'il “la pardonne”, ce qui va profondément choquer la jeune femme… Abordant non-seulement le quotidien de la communauté italienne de New York – quartier qui va l’inspirer tout au long de sa carrière –, ce premier film traite de la culpabilité catholique, comme un prélude à Mean Streets (1973), qui abordera aussi ce sujet, et grâce auquel il rencontrera Robert de Niro.
2. La Balade Sauvage (1973) de Terrence Malick
Pour son premier film, Terrence Malick s’inspire d’une histoire vraie. Lorsque Kit Carruthers (Martin Sheen), 25 ans, et Holly (Sissy Spacek), de dix ans sa cadette, se rencontrent, leurs destins basculent. Alors que le père d’Holly désapprouve l’amourette, il tue le chien de l’adolescente. Pour se venger, Kit assassine le père d'un coup de fusil dans le dos. Les deux amants fous entament ensuite une longue balade champêtre aux airs de cavale à la Bonnie and Clyde, et le caractère psychotique de Kit Carruthers – inspiré d’un vrai serial killer se prenant pour James Dean – les poussent à laisser de nombreux cadavres derrière eux. Tourné au cœur des plaines majestueuses du Dakota du Sud, le drame – dont la musique inspirera la B.O. de True Romance – pose les jalons de la vision intime et naturaliste du cinéma de Terrence Malick.
3. Fear and Desire (1953) de Stanley Kubrick
Après deux courts-métrages, Stanley Kubrick estime avoir suffisamment d’expérience pour s’essayer au format long. A l’aide d’un maigre budget de dix mille dollars (avancés par ses parents et son oncle), il réunit une équipe de quatorze personnes, et, à l’issue du tournage, s’attèle seul au montage. Fear and Desire, tourné noir et blanc, met en scène une guerre fictive entre deux nations volontairement inconnues. Alors que leur avion se crashe dans les bois, quatre soldats cheminent entre les arbres pour retrouver leur campement. Au détour de la forêt, ils tombent nez-à-nez sur une jeune femme pêchant au bord d’une rivière. Les quatre hommes décident d’en faire leur prisonnière, et Sidney (Paul Mazursky) – le plus dérangé de la bande – est chargé de la surveiller, tandis que le reste du groupe continue d’explorer les environs. Lorsque ces derniers reviennent, la jeune femme est morte… et Sidney éclate d’un rire terrifiant. Le film, construit autour de la figure du soldat, thème cher à Kubrick, a connu une diffusion limitée auprès du grand public, le réalisateur ayant demandé la destruction de presque toutes les copies existantes. Pourtant, une restauration en 2011 a permis au film une première sortie en Blu-ray aux Etats-Unis en octobre de l’année suivante.
4. Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980) de Pedro Almodóvar
Au cœur du Madrid post révolution sexuelle, Pedro Almodóvar nous emmène dans le quotidien frivole et mouvementé de trois amies : Pepi, une femme indépendante et moderne, Luci, une femme au foyer masochiste et Bom, une rockeuse lesbienne. Alors que Pepi fume un joint dans son appartement barriolé, elle reçoit la visite surprise d’un policier, qui l’avait aperçu depuis l’immeuble d’en face. Pepi lui fait alors une proposition cocasse : il oublie ce qu’il a vu en échange d’une sodomie, la jeune femme voulant conserver sa virginité. Le film, jugé vulgaire voire indécent, est incendié par la critique en Espagne, puis aux Etats-Unis. A propos du premier film du réalisateur de Volver (2006), le Washington Post écrira : “Un film d’amateur, un navet pornographique qu’il vaut mieux voir vêtu d’un préservatif géant.”
5. Following (1998) de Christopher Nolan
A Londres, un jeune écrivain sans-le-sou est victime du syndrome de la page blanche. Pour trouver l’inspiration, il prend l’habitude de filer des inconnus dans les rues de la ville, jusqu’au jour où il rencontre l’élégant Cobb, un cambrioleur philosophe, qui dérobe pour que les victimes prennent conscience de ce qu’ils ont perdu. Alors que le jeune homme – dont le prénom n’est jamais dévoilé – éprouve une fascination grandissante pour le criminel, il se prend lui aussi au jeu du cambriolage… Tourné à Londres en noir et blanc, Following a été écrit, réalisé, et partiellement monté par Christopher Nolan, qui répète les scène sans relâche avec ses comédiens, pour ne pas gaspiller sa précieuse bande de film 35mm, qu’il a achetée lui-même. Le film, acclamé par la critique, compile les procédés narratives préférés du cinéaste, entre un héros naïf, un récit non-chronologique et un plot twist final.
6. Les Quatre Cents Coups (1959) de François Truffaut
Film emblématique de la nouvelle vague, Les Quatre Cents Coups relate le quotidien pénible d’Antoine Doinel, jeune parisien de douze ans, entre sa relation tumultueuse avec ses parents et les petits larcins qu’il commet avec les gamins de son âge, qui lui valent d’être reclus au sein d’un centre pour mineurs délinquants. Mais sa soif de liberté le pousse à s’enfuir, puis à traverser la campagne, jusqu’à atteindre la mer… Grâce à sa mise en scène géniale et novatrice – qui obtient un prix au Festival de Cannes –, et à la performance touchante du jeune acteur, Jean-Pierre Léaud, le film connaît un grand succès : le mois de sa sortie, fin juin 1959, il a déjà été vu par 450 000 personnes.
7.The Duellists (1977) de Ridley Scott
Alors que la plupart des réalisateurs se contentent d’un petit budget pour leur premier film, Ridley Scott voit déjà les choses en grand, et dispose de 900 000 dollars pour réaliser son premier long-métrage. Le drame historique, nommé aux BAFTA pour le prix des meilleurs costumes, relate la tragédie vécue par le lieutenant hussard Gabriel Féraud, en 1800 à Strasbourg. Fervent bonapartiste et obsédé des duels, il manque de tuer le neveu du maire de la ville lors d’un affrontement à l’épée. Alors qu’il obtient le prix du meilleur premier film au Festival de Cannes, le long-métrage est remarqué pour la qualité de sa photographie et de ses scènes de combat.
8. The Loveless (1982) de Kathryn Bigelow
Dans son premier film, qu’elle co-réalise avec Monty Montgomery, la réalisatrice de Point Break (1997), Kathryn Bigelow capture l’essence des années 80. Tout en jean bleu et cuir noir, on y découvre les péripéties d’un gang de motards hors-la-loi, qui se retrouve impliqué dans une rixe par hasard, alors en halte dans un diner. Porté par un jeune Willem Dafoe et par le musicien Robert Gordon – qui compose également la musique du film –, le long-métrage a été comparé à The Wild One (1953), un “film noir”, un genre cinématographique qui sublime le crime et en exacerbe les aspects sexuels.
9. Reservoir Dogs (1992) de Quentin Tarantino
Tout y est : des personnages psychotiques, des dialogues à n’en plus finir, des litres d’hémoglobine, une bande-son agrémentée des titres les plus groovy des années 70… Alors que huit hommes sont en fuite après avoir braqué une bijouterie, l’un d’eux est grièvement blessé. Enfermés dans un entrepôt qui leur sert de quartier-général, ils réalisent qu’une taupe se cache parmi eux... Dans ce huis-clos ultra-violent au casting exceptionnel, comptant notamment Harvey Keitel, Steve Buscemi, Tim Roth et Michael Madsen, Reservoir Dogs pose non seulement les bases du cinéma millimétré et sanguinolent du réalisateur, mais inspirera l’une des séries les plus plébiscitées des années 2000, Breaking Bad. Outre les plans caméra à l’épaule et l’ambiance anxiogène et ensoleillée, Mr White et Mr Pink, deux des cambrioleurs, ont donné leurs noms aux célèbres Walter White et son acolyte junkie, Jesse Pinkman.
10. J’ai tué ma mère (2009) de Xavier Dolan
Xavier Dolan a vingt ans lorsqu’il réalise son premier film, qui lui vaudra d'être considéré comme un génie, parfois sans même savoir que le jeune cinéaste avait écrit le scénario à seulement seize ans. Après avoir investi toutes ses économies dans le film, et recruté lui-même les comédiens, il y interprète aussi le rôle principal, Hubert Minel. Encensé pour son esthétique délicate et recherchée, le long-métrage se veut porteur d’un message universel, dépeignant la relation compliquée entre Hubert, lycéen québécois de seize ans, et sa mère, Chantal. Un jour, au beau milieu d’un accrochage dans la voiture familiale, Chantal demande à Hubert de marcher jusqu’au lycée. Une fois arrivé, il raconte à sa professeure d’éducation artistique que sa mère est morte. En prononçant ces mots, il avait tué sa mère...
11. Barking Dogs Never Bite (2000) de Bong Joon-ho
Dans cette comédie dramatique déjantée, Bong Joon-ho s’attaque déjà aux rapports de classes. Yun-ju, un jeune professeur, et sa femme enceinte, Eun-Sil, traversent une mauvaise passe, dans leur couple et dans la vie. Agacé par les aboiements incessants d’un chien, Yn-ju arpente les couloirs de son immeuble pour localiser le bruit, jusqu’à apercevoir un Shih Tzu esseulé. Yun-ju entreprend d’abord de le jeter dans le vide ; mais, surpris par une vieille dame, il décide finalement de l’enfermer au sous-sol…un sort subi dix-neuf ans plus tard, par le mari de la gouvernante dans le génial Parasite. Tout comme son dernier film, Barking Dogs Never Bite sublime un quotidien morne et désespéré à l'aide d'évènements loufoques et dérangeants, jusqu’à bouleverser la vie des protagonistes.