“Que se passe t-il dans l'esprit humain ? Qu’est ce qui pousse les gens à coucher ensemble, ou au contraire, à se haïr ?” : les plus grands psychanalystes et les producteurs d'émissions télévisées se sont tour à tour posés ces questions. Pourtant, près d’un siècle séparent les premières analyses comportementales – menées par Freud et Lacan – des téléréalités. Et leurs leitmotivs ne sont pas les mêmes : les psychanalystes étudient les réactions humaines en allongeant leurs patients sur leurs fameux divans rouges, alors que les chaînes de télévision poussent des jeunes adultes à se réunir sur des maxi sofas – répondant chaque jour aux missions imposées par une mystérieuse voix – enfermés pendant des mois, et ce, aux yeux des curieux du monde entier. À la croisée des études très sérieuses des comportementalistes et de la manipulation des blondes siliconées sur TF1 ou M6, on retrouve l’expérience du radeau Acali, menée en 1973 par Santiago Genovés.
Six femmes, cinq hommes, un radeau d’acier de douze mètres sur sept, pas de radio et aucun livre à bord… Afin d’étudier les comportements humains, onze parfaits inconnus sont isolés sur un bateau pendant trois mois en vue d'embarquer pour une aventure jamais imaginée auparavant : traverser l’Atlantique, de Gran Canaria jusqu’au Mexique, en confiant toutes leurs pensées à l'anthropologue espagnol à l'origine de l'expérience. Sexe, violence, haine, amour : comment savoir ce qui s'est passé sur ce radeau perdu au beau milieu de l'océan ?
Afin de raconter cette odyssée insolite, le réalisateur suédois Marcus Lindeen a demandé aux participants de revenir sur leurs expériences face caméra. À travers l'utilisation d'images d'archives, d'une reconstitution du fameux bateau et d'une succession de témoignages des derniers vivants ayant parcouru l'Atlantique – dont quatre sont décédés depuis –, le documentaire The Raft met en lumière une expérimentation bien moins connue que celle menée par le psychologue Milgram, qui analysait le processus de soumission à l'autorité entre 1960 et 1963. Dévoilant aussi bien un contexte marqué par la guerre du Vietnam, dont est ressortie l'image pacifique du "flower power”, que les dérives de l'anthropologue qui a tenté sans succès de pousser ses cobayes vers la violence, Marcus Lindeen fait finalement la part belle à la bonté humaine.
Bande-annonce de “The Raft” (2019) de Marcus Lindeen