La vie est rude pour les fils et filles de stars. Alors que beaucoup suivent les pas de leurs célèbres parents, tous n'en ont pas le talent. Parfois la magie opère et le succès est au rendez-vous. Honor Swinton Bryne fait partie des heureuses élues. À l'affiche de The Souvenir Part II, elle crève l'écran dans le rôle d'une jeune étudiante en cinéma aussi discrète que réservée éprise d’un charmant junkie. Fille de l'aristocratique Tilda Swinton et du dramaturge écossais John Byrne, Honor Swinton Byrne a été à bonne école. Avec son frère jumeau Xavier, elle passe son enfance sur les bancs d’une école alternative en Écosse où règne l’écoute de soi et la confiance - à l’opposé du système scolaire classique. Jane Austen, Nancy Mitford, Virginia Woolf…Honor Swinton Byrne connait ses classiques sur le bout des doigts. De sa bonne éducation elle a également conservé un phrasé élégant, ponctuant chacune de ses répliques par de délicieux “My Lord”.
Même si sa mère l’emmène tôt sur les plateaux de tournage, la petite Honor ne se destinait pas à devenir actrice. À l’âge de 19 ans, à peine le baccalauréat en poche, Honor Swinton Byrne se voit proposer ce rôle autobiographique par Johanna Hogg. Excitée, elle n’hésite pas une seconde. D’ailleurs pourquoi hésiterait-elle ? La cinéaste britannique n’est autre que sa marraine et une amie de jeunesse de Tilda Swinton, rencontrée sur les tournages de Derek Jarman. En 1986, Tilda Swinton figurait même dans le film de fin d’étude Caprice de la Londonienne. The Souvenir est donc bien une affaire de famille mais le talent se transmet-il par ADN ? Pour le cas Swinton, la réponse est oui.
Veste de costume, talons vintage, cheveux tirés… Honor Swinton Byrne irradie de naturel dans son interprétation de Julie, ce “petit moineau upper class” que décrivait Libération dans le portrait consacré à la comédienne lors du Festival de Cannes. Honor Swinton Byrne incarne son personnage avec une telle aisance qu'on pensait qu'elle était la même à la ville. Mais non. Honor Swinton Byrne est tout l’opposé de son discret personnage. Avec sa chevelure de sirène californienne et son allure glamour et féminine, Honor Swinton Byrne ressemble à une Américaine fraichement débarquée sur le Vieux Continent. Dotée d’un esprit d’indépendance, la jeune femme est volubile et bien décidée à imposer ses choix de carrière. Inscrite en deuxième année de psychologie à la faculté d’Edimbourg, elle tâche résolument de faire entendre que ses deux casquettes ne sont pas incompatibles. D’ailleurs, elle voit ses études comme une “boite à outils” pour se comprendre, elle et ses proches.
Afin d’interpréter ce personnage à fleur de peau, Honor Swinton Byrne s’est beaucoup inspirée de sa vie et de ses chagrins d’amour – bien moins tragiques, concède-t-elle. Pourtant, si elle semble partager bien des déboires amoureux avec la sage Julie, elle n’en a pas la tolérance. C’est avec tendresse et bienveillance qu’elle décrit son personnage dont elle aime la complexité. “Tous mes amis ont vu The Souvenir et il n’y en a pas un qui n’a pas pu s’identifier avec ce personnage même s’ils ne le comprenaient pas. Je mets au défi n’importe qui de m’affirmer haut et fort qu’on ne peut pas s’identifier – même sur un seul point – avec Julie” affirme-t-elle. Quand on l'interroge sur la relation toxique entre les deux amants dépeinte par Johanna Hogg, Honor Swinton Byrne la qualifie d'intemporelle. Loin d'y voir une affaire de domination, elle décrit au contraire l'enlisement et l'égarement des personnes, tous deux responsables du malheur de l'autre. Selon elle, le cinéma fonctionne comme une thérapie : “Quand les gens vont au cinéma, j’ai envie qu’ils se sentent réconfortés, qu’ils se comprennent davantage eux-mêmes et même qu’ils se sentent moins seuls.”
Si Honor Swinton Byrne joue dans un film lent et contemplatif, elle apprécie surtout les thrillers psychologiques. Les intrigues bien serrées, les frissons, les émotions fortes… elle adore. Son réalisateur préféré ? Sans hésiter Bong Joon-ho. Récompensé d’une Palme d’or en 2019 pour son film Parasite, ce cinéaste est d'ailleurs un familier des Swinton. Sa mère a joué à plusieurs reprises pour le Sud-Coréen dans Snowpiercer, le Transperceneige (2013) et Okja (2017). Dans The Souvenir, Tilda Swinton est également de la partie. Surprise : elle incarne Roselyn – la mère de Julie. Quand on lui demande si ce n’était pas difficile de tourner en compagnie de sa propre mère, Honor s’esclaffe “Non ! C’était totalement naturel, pas du tout un effort, c’était vraiment comme un jeu.” Au cinéma, elle affirme que les relations bagarreuses entre mère et fille l’ennuient et dans la vie elles s’entendent – semble-t-il –à merveille.
Si Honor Swinton Byrne ne tire pas de gloire de sa prestigieuse lignée – elle est aussi fille d’aristocrates – elle ne cache à personne qu’elle adore sa mère dont elle a quasiment vu tous les films. “C’est la meilleure. Je suis totalement fan d’elle” s’exclame-t-elle. Honor Swinton Byrne se souvient notamment de la première fois qu’elle a regardé la saga Narnia où sa mère interprétait un des rôles principaux. La petite Honor est restée traumatisée pendant des années suite à la mort du personnage qu’interprétait sa mère. De là à penser que c’est pour cette raison qu’elle a choisit d’étudier la psychologie… Malgré sa notoriété grandissante et la réussite de cette première aventure cinématographique, la jeune femme studieuse confie bientôt retourner à ses partiels de psycho.
The Souvenir Part II (2021) de Johanna Hogg. En salle le 2 février.