Numéro : Il est des actrices et des acteurs dont la vocation remonte à l’enfance. Pour d’autres, ce métier est simplement quelque chose qui leur arrive, sans qu’ils l’aient vraiment voulu. Qu’en a-t-il été pour vous ? Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes dit : “J’ai envie de faire ce métier pour le restant de mes jours” ?
Penélope Cruz : J’ai toujours su que je voulais être actrice. J’ai fait dix-sept ans de danse et, pendant toutes ces années, j’ai beaucoup douté, beaucoup hésité entre une carrière de danseuse et l’envie de tenter ma chance en tant qu’actrice. Mais il me semble que, de toute façon, ces deux univers sont intimement liés.
Durant votre enfance et votre adolescence, avez-vous vu beaucoup de films ? Quels sont les réalisateurs, actrices ou acteurs qui vous ont le plus marquée ?
Énormément de films, oui. Mon père avait acheté un magnétoscope Betamax, et j’avais droit à ma propre carte de vidéoclub. Après l’école, je louais pratiquement un film par jour. C’est comme ça que j’ai découvert Billy Wilder, Pedro Almodóvar, Meryl Streep et tous mes héros en général.
En quoi votre expérience de danseuse a-t-elle influencé votre façon de jouer ? Selon vous, ces deux formes d’expression artistique sont- elles proches ?
La danse m’a formée, à bien des égards. Pendant toutes ces années où j’ai dansé, j’ai développé une éthique et une discipline par rapport au travail. Cela représentait énormément d’efforts, et c’est ce qui m’a permis d’être prête lorsque, plus tard, j’ai dû passer de longues heures d’affilée sur un plateau de tournage.
Vous avez commencé très tôt une carrière internationale, en dehors de l’Espagne, sous l’œil de nombreux réalisateurs et dans des styles très différents, du film indépendant au blockbuster. Qu’est-ce qui vous a conduite dans cette direction ?
Dès le début de ma carrière, ou presque, j’ai eu la chance de pouvoir travailler dans pas mal de pays, et en quatre langues. Je me rends compte que c’est un immense privilège, qui m’a permis de découvrir un grand nombre de cultures fantastiques, tout en travaillant.
Comment définiriez-vous votre relation avec Almodóvar ? Que voit-il en vous, à votre avis ?
Lui et moi, nous sommes comme des membres d’une même famille. Il m’a énormément inspirée et il a été très important, dans ma vie comme dans mon travail. Je l’adore, et j’adore chaque instant passé avec lui. D’un simple regard, nous savons ce que l’autre est en train de penser. Sur un tournage, c’est toujours un bonheur d’avoir une communication aussi évidente, avec un tel degré de confiance. Je dirais qu’il est mon âme sœur cinématographique.
Justement, dans le dernier Almodóvar, présenté à Cannes, quel est votre rôle ?
Jouer dans Douleur et Gloire a été un honneur et une grande responsabilité. Mon personnage est largement inspiré de la propre mère de Pedro.
Lorsqu’on travaille avec autant de régularité que vous, depuis plus de vingt ans, on fait forcément des choix qu’avec le recul on aurait peut-être évités. Qu’avez-vous appris de vos erreurs ?
Nous commettons tous des erreurs, et j’espère que chacune d’entre elles nous permet d’apprendre, en permanence. Nous sommes des étudiants de la vie, et pour moi, l’important est de me montrer honnête envers moi-même, et ouverte – afin de continuer d’apprendre et de progresser.
Vous avez été la toute première actrice espagnole à remporter l’Oscar, pour votre rôle dans Vicky Cristina Barcelona. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?
C’était l’un des meilleurs moments de mon existence. Je me suis sentie tellement fière d’être la première femme espagnole à remporter un Oscar. Je l’ai vécu comme un immense honneur.
“Douleur et Gloire” de Pedro Almodóvar – Bande-annonce
Vous êtes apparue dans une excellente série télé autour de Gianni Versace et de son assassin. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette expérience ? Envisagez-vous de participer à une autre série, pour la télévision ou les plateformes en ligne ?
Pour moi, Donatella Versace symbolise la quintessence de la femme forte. Sa solidité et sa personnalité extraordinaire sont une réelle source d’inspiration. J’ai été très touchée par ce qu’elle a traversé, et j’admire profondément le courage dont elle a fait preuve en reprenant les rênes d’un empire comme Versace. Lorsqu’on m’a demandé d’incarner Donatella à l’écran, je l’ai tout de suite appelée pour avoir son avis. Elle m’a dit qu’elle n’était pas impliquée dans la production de la série, mais que si quelqu’un devait jouer son rôle, elle serait ravie que ce soit moi. Sans ce coup de fil, j’aurais été incapable de dire oui. J’avais besoin de sa bénédiction. Je crois qu’elle sait à quel point je l’apprécie et la respecte.
Pensez-vous que les rôles de femmes aient évolué récemment, dans les films d’auteur comme à Hollywood ? Sont- ils devenus plus intéressants ?
Les choses commencent à bouger doucement, mais il faudrait beaucoup plus d’équilibre encore ! Je suis très impatiente de faire le film que je dois tourner cet été avec Jessica Chastain et un groupe d’actrices incroyables.
Que pensez-vous du mouvement en faveur de la diversité et de l’inclusion qui prend de l’ampleur à Hollywood et ailleurs dans le monde ? Avez-vous espoir que cela produise aussi de meilleurs films ?
Ce mouvement n’est pas cantonné à l’industrie cinématographique. C’est un sujet beaucoup plus général. Les initiatives visant à donner davantage de pouvoir aux femmes se multiplient – dans le cinéma notamment, mais aussi envers des femmes du monde entier. Certaines marques y contribuent, et je suis très fière d’être associée à cette démarche, grâce à Nadja Swarovski qui incarne elle- même, d’une certaine façon, cet empowerment des femmes. Elle est mère, comme moi, et elle est très attentive aux conséquences de ses actions, pour éviter tout impact négatif sur l’environnement, notamment au travers des projets de conscious luxury, pour un luxe doté de conscience.
Comment est née cette idée de collaborer sur une collection de joaillerie ?
Cela s’est fait très naturellement. J’avais déjà porté quelques très belles créations d’Atelier Swarovski en différentes occasions, mais c’est véritablement lorsque nous avons discuté en détail avec Nadja Swarovski de l’engagement de sa maison en faveur du développement durable que j’ai eu envie de travailler avec elle. J’attache énormément d’importance aux effets vertueux que nous pouvons avoir sur la planète, et nous étions vraiment sur la même longueur d’onde.
Avez-vous pu visiter les laboratoires de Swarovski, découvrir le processus de fabrication et, si oui, qu’en avez- vous pensé ?
Au tout début de notre collaboration, j’ai réuni plus de trois cents images représentant des choses que j’aimais et qui m’inspiraient. Après ça, j’ai passé des heures à écouter sagement, comme une étudiante, pour apprendre comment créer une collection de bijoux qui saurait raconter mon histoire et entrer en résonance avec elle. Cette collaboration avec Swarovski n’est pas de celles où l’on se contente de donner son nom à une marque. J’ai été totalement impliquée dans le processus de création et associée aux moindres décisions. Nous avons fait tout cela ensemble, et j’en suis très reconnaissante à cette maison.
Le film Blood Diamond a mis en lumière la réalité parfois très sombre du commerce des pierres précieuses. Était-il important pour vous que les pierres naturelles – ici des topazes – et l’or soient certifiés “commerce équitable” ?
Par le biais de cette collaboration, nous démontrons que luxe et développement durable peuvent parfaitement aller de pair. C’est très émouvant de savoir que je suis à l’origine de quelque chose qui va être à la fois beau et responsable, et qui permette à des communautés de maîtriser leur destin, tout en respectant l’environnement.
Avez-vous été surprise en découvrant pour la première fois les rubis, saphirs et diamants de synthèse ? Saviez-vous, avant de travailler avec Swarovski, qu’il était ainsi possible de créer des pierres précieuses en laboratoire ?
Les Created Diamonds de Swarovski ont des caractéristiques identiques à celles des diamants issus de l’extraction, tout en répondant aux critères du développement durable. J’ai été très impressionnée aussi par la qualité des pierres précieuses. C’est exactement ce que j’avais en tête au moment de dessiner la collection. Le bleu du saphir est incroyablement profond, et le rouge des rubis a exactement l’éclat que je recherchais.
La collection mêle l’éternel glamour de Hollywood à une approche écoresponsable. En tant qu’actrice, aviez-vous envie de montrer que des matériaux responsables et respectueux de l’environnement pouvaient également être glamour ?
Il me semble que les maisons de luxe s’attachent aujourd’hui à faire le lien entre glamour et empowerment. En portant la collection au quotidien, je me sens bien et en accord avec moi-même.
Comment avez-vous procédé pour dessiner cette collection ? Qu’est-ce qui vous en a inspiré les formes ?
Pour cette collection de haute joaillerie, réalisée à partir de matériaux durables, je voulais des formes à la fois classiques et totalement exclusives. Dans le cas de la collection Moonsun, qui fait intervenir les fameux cristaux, j’ai eu envie de capturer la sensation magique d’une nuit étoilée. Les motifs d’inspiration “nocturne”, comme la lune et les étoiles, traversent entièrement la collection.
En tant qu’actrice, vous devez souvent porter des bijoux, aux cérémonies de remise de récompenses par exemple. Quelle différence cela fait-il de porter votre propre ligne, vos propres créations ?
Porter ma propre collection représente quelque chose de très particulier. J’ai notamment reproduit une bague que ma grand-mère m’avait offerte quand j’étais enfant. Cet anneau était très important pour moi, et j’ai été émue de pouvoir porter un modèle similaire.
Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar, actuellement au cinéma.