Le 29 août 2021, le jury du Festival du film francophone d’Angoulême — composé entre autres de l’actrice Nicole Garcia, l’acteur Reda Kateb ou encore le rappeur Oxmo Puccino —, a couronné de son plus prestigieux prix, le Valois de Diamant du meilleur film, le second long-métrage de la réalisatrice Leyla Bouzid, Une histoire d'amour et de désir. Le film suit Ahmed, étudiant originaire de banlieue qui entre à l’université, et sa rencontre avec Farah, jeune tunisienne, sur les bancs de la Sorbonne. Bercé depuis toujours par des idées très conservatrices sur les femmes et les relations, il tombe amoureux pour la première fois et découvre la sexualité, qu’il avait toujours refoulé à cause de ses préjugés. Si cette love story teintée d’érotisme et de pudeur a été acclamée une première fois lors de sa présentation pendant la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes, cette fois-ci, ce sont les performances des deux acteurs principaux qui ont véritablement subjugué la critique. Bien que le jeu de Zbeida Belhajamor (Farah) ait été remarqué, c’est surtout celui de Sami Outalbali (Ahmed) qui a conquit le jury, si bien qu’il est reparti avec le Valois de l'acteur (prix d'interprétation masculine). Une première consécration extraordinaire pour le jeune acteur, qui espère les avoir “touché à un endroit puissant et avoir fait résonner quelque chose en eux”.
À vingt-deux ans seulement, Sami Outalbali a déjà une filmographie plus longue que certains acteurs quarantenaires. Des ses six ans, il participe à son premier tournage au sein du téléfilm Il faut sauver Saïd, puis enchaîne les petits rôles en arrivant au collège. Il participe alors à un épisode de Famille d’accueil, décroche la même année un petit rôle dans Les Tuches, puis enchaîne les projets télévisés avec Vive la Colo ! en 2012 et Sam en 2016. Sami a alors dix-sept ans, déjà plusieurs rôles à son actif, et vient tout juste de comprendre qu’il voulait en faire son métier. “Même si j’ai commencé très jeune, je n’ai pas toujours voulu en faire mon métier. Alors que j’essayais de devenir basketteur professionnel ou encore cryptographe, je me suis rendu compte que j’étais malheureux lorsque je ne tournais pas”. Si à cette époque Sami est fasciné par La Grande Belleza de Paolo Sorrentino, le film dans lequel il aurait d’ailleurs rêvé de jouer, il continue sa carrière sur le petit écran, d’abord avec la série Les Grands, diffusée sur OCS, où il incarne Ilyes, un jeune à la recherche de lui-même et de sa sexualité, puis avec Fiertés, une mini-série Arte sur le thème de l’homosexualité. Ces expériences lui ouvrent alors les portes du cinéma puisqu’il joue dans les long-métrages Lola vers la Mer et Un vrai bonhomme en 2019.
Mais ce qui fera de Sami Outalbali une véritable étoile montante du cinéma français, ce sont ses rôles dans la série Netflix Mortel, où il campe le frère disparu du héros, et plus particulièrement dans le show britannique à succès de la plateforme, Sex Education, où il incarne un jeune Don Juan français. La série a d’ailleurs fortement marqué par son approche novatrice de la sexualité, qui manquait extrêmement aux jeunes, dépourvus de toute éducation sexuelle digne de ce nom. “La série est venue combler un vrai manque. C’est génial et triste en même temps. Je trouve ça très dommage et même grave qu’il ait fallu une série Netflix pour s’informer sur la sexualité et palier un manque dans le système éducatif”. Même si Sami Outalbali a (presque) toujours incarné des rôles liés de près ou de loin à la recherche de l’identité et à la sexualité, le jeune acteur estime qu’il ne défend aucune cause (car en défendre une seule serait mettre de côté toutes les autres), bien qu’il aime mettre à l’honneur des personnes ou des histoires que l’on entend jamais. “Mon but premier est de servir un film et son histoire, mais j’adore l’idée qu’avec un rôle je peux faire passer un message et toucher les gens”.
Dans son dernier film, Une histoire d’amour et de désir, l’acteur incarne un jeune homme qui voit tous ses préjugés sur l’amour et le sexe être chamboulés par une seule rencontre. Une volonté pour la réalisatrice, Leyla Bouzid, de bousculer les mœurs et de montrer le corps masculin avec un œil désireux de le sublimer, et surtout de “mettre à l’honneur une masculinité différente, qui n’est pas nouvelle, mais qui n’était jamais montrée auparavant”. Même si Sami Outalbali sait jouer à la perfection des rôles aussi complexes qu’angéliques, il aimerait mettre en avant sa culture maghrébine dans ses rôles, en tout cas pas de la manière dont on la voit le plus souvent : “A la manière des films Indigènes de Rachid Bouchareb et Or Noir avec Tahar Rahim, j’aimerais jouer dans des long-métrages qui mettent en avant ma culture comme on ne la connaît pas. Une histoire où nous sommes ni victimes, ni placés au cœur de préjugés comme c’est souvent le cas”. Même si il rêverait de jouer dans un film d’époque en costume, Sami Outalbali fera son retour sur le grand écran en 2022 avec un long-métrage bien différent des précédents : Novembre, de Cédric Jimenez, où il incarnera un officier de police travaillant sur l'enquête après les attentats du 13 novembre 2015.
Une histoire d’amour et de désir (2021) de Leyla Bouzid, prix du Valois de Diamant au Festival du film francophone d’Angoulême 2021. Actuellement en salle.