Réalisateur visionnaire, génie solitaire, virtuose du cinéma… Stanley Kubrick (1928-1999) est l'une des figures les plus importantes du 7e art. À sa disparition, il y a vingt ans, il a légué des long-métrages aussi marquants que 2001 : L’Odyssée de l’Espace (1968), Orange Mécanique (1971) ou sa dernière œuvre Eyes Wide Shut (1999). En élevant la pratique cinématographique à un degré de perfection technique et esthétique difficilement atteignable, il a marqué de nombreux réalisateurs contemporains tels que Martin Scorsese – qui affirme que “regarder un film de Kubrick revient à regarder le sommet d'une montagne depuis la vallée. On se demande comment quelqu'un a pu monter si haut” - David Lynch ou encore les Frères Coen. Son empreinte sur la culture populaire actuelle est si profonde qu'il existe même aujourd'hui un type d'architecture ou de design “à la Kubrick”.
Unique en son genre, à la fois réalisateur, scénariste et directeur de la photographie, Stanley Kubrick avait la particularité de diriger l’ensemble du processus créatif lié à ses films, ne déléguant que très rarement certaines missions. Cette maîtrise absolue s’exprime à travers le moindre cadrage, la moindre lumière. Si l’agencement des décors était assuré pas des décorateurs stars tels que Roy Walker ou Ken Adams, Kubrick tenait à ce que chacun d’eux transcende sa fonction ornementale et reflète, à l’écran, un univers unique.
1. La “War Room” de Docteur Folamour (1964) s’inspire du bunker de la Maison Blanche
Une imposante table ronde a été installée dans une pièce obscure. Des hommes sont assis sur les chaises qui l’entourent, tous sont vêtus de noir. Dans la salle, des fresques cartographiques parent les murs… Ce décor réalisé par le Britannique Ken Adams – deux Oscars du meilleur décor –, est selon les dires de Steven Spielberg, “le plus beau jamais exécuté au cinéma”. Il s’inspire en réalité du Centre opérationnel d’urgence de la présidence, un bunker suréquipé situé sous la Maison-Blanche à Washington. Sa fonction ? Permettre au président des États-Unis et à ses proches collaborateurs de communiquer et gérer en toutes circonstances les situations de crises et de conflit.
2. De nombreuses pièces de design se glissent dans le décor de 2001 : l’Odyssée de l’espace (1968)
Les navettes spatiales peuvent parfois, receler des trésors insoupçonnés. En regardant attentivement 2001 : L’Odyssée de l’espace, on réalise à quel point il semble curieux de décorer avec autant d’attention et de subtilité un espace non terrien. Car, au-delà des sièges et fresques néo-rococo de la scène finale, de nombreuses pièces design comme les sièges Djinn d’Olivier Mourgue ou les tables tulipes éditées par Knoll enrichissent les espaces à l’image du lounge immaculé du vaisseau spatial V.
3. Barry Lyndon (1975) a été tourné intégralement à la bougie
Quelle folie a bien pu frapper Stanley Kubrick au moment du tournage de Barry Lyndon ? Ce long-métrage de 1975, probablement son plus grand tour de force technique, retrace l’ascension sociale de Redmond Barry, Irlandais projeté dans la société anglaise du XVIIIe siècle. Pour ce film, le réalisateur décide de renoncer à l'usage de lumières artificielles. Mais aucune caméra traditionnelle ne peut capturer l'image dans de telles conditions : Kubrick se tourne finalement vers un appareil ultra performant l’objectif géant Carl Zeiss Planar 50mm f/0.7. conçu par la NASA pour prendre des photographies sur la lune.
4. Les femmes mannequins meubles d’Orange mécanique (1971) font référence aux chaises érotiques du designer Allen Jones
Lorsque l'on s'introduit dans le Korova Milk Bar du film Orange Mécanique, la spécialité de la maison est un simple lait frais. Et la décoration est essentiellement composée de mannequins. Utilisés comme des chaises ou des tables, ces ersatz de femmes abordent des positions suggestives. Cette atmosphère subversive proposée par le chef décorateur John Barry demeure ancrée de l'imaginaire populaire mais son origine est moins connue : il s'agit de sculptures érotiques du nom de Chaise, Table et Porte manteau réalisées deux années plus tôt par le pop-artiste Allen Jones.
5. Les toilettes rouges de The Shining (1980) trouvent leur inspiration dans l'architecture de Frank Lloyd Wright
Si l'adaptation cinématographique du roman de Stephen King a autant terrifié les esprits, le décor a également sa part de responsabilité. Des longues allées de moquette au motif hexagonal au papier peint kitsch du couloir, l'Overlook Hotel est une fabrique de l'horreur. Au même titre, une des salle de bain de l'hôtel – où l'on découvre Delbert Grady (le gardien de l'hôtel) et Jack Torrance (le personnage principal) – est couverte d'un rouge sang qui annonce une fin inéluctable et tragique. Roy Walker, le responsable des décors, se serait inspiré des toilettes de l'hôtel Arizona Biltmore à Phoenix réalisé par l'architecte américain Frank Lloyd Wright.
“Stanley Kubrick: The Exhibition” jusqu’au 15 septembre 2019
The Design Museum
238 Kensington High Street
Londres