En mai dernier, le Festival de Cannes tremble devant les revendications féministes, s’illumine face à l’émergence de films queer et s’étonne des réflexions du cinéma sur lui-même. Une 71e édition explosive qui a finalement couronné Une affaire de famille du Japonais Hirokazu Kore-Eda, déjà sacré à la Croisette en 2013 pour un drame familial : Tel père, tel fils (prix du jury). Cette Palme d’or n’a scandalisé personne : elle récompense un film délicat sur la relation entre en un père et un fils qui volent dans les supermarchés pour survivre. Au retour d’une nouvelle tentative de larcin, ils rencontrent une petite fille maltraitée par ses parents… L’auteur de Nobody Knows, l’un des chouchous cannois depuis longtemps, voit sa carrière constante récompensée. Son travail sur les familles évite depuis longtemps les pièges du cinéma d’auteur surplombant, même s’il ne révolutionne rien. À travers ce geste, le Jury de Cate Blanchett a choisi de donner le prix suprême à une idée du cinéma moins ostentatoire que celle de la favorite des pronostics, la libanaise Nadine Labaki, dont le mélo social et lacrymal Capharnaüm sur un enfant des rues portant plainte contre ses parents “pour lui avoir donné la vie”, est reparti avec le Prix du Jury et une pointe de déception.
Si les applaudissements étaient nourris à la fin de la projection, à des milliers de kilomètres de là, le gouvernement japonais voyait rouge et gardait ses mains le long du corps.
“Une affaire de famille” – Bande-annonce
Inspiré d’un fait divers, Une Affaire de famille sort en salle demain. Le film a germé dans la psyché de son auteur après qu’il ait entendu parler de familles touchant illégalement la pension de retraite de leurs parents, morts depuis longtemps. Une fraude à l’assurance répandue au Japon qui a poussé Kore-Eda à explorer la nature des rapports familiaux. D’ailleurs, le titre original du long-métrage est le suivant : Manbiki kazoku, littéralement, “La famille des vols à l’étalage”. Et si les applaudissements étaient nourris à la fin de la projection, à des milliers de kilomètres de là, le gouvernement japonais voyait rouge et gardait ses mains le long du corps. Ce n’est un secret pour personne, Hirokazu Kore-Eda ne porte pas dans son cœur Shinzo Abe, le premier ministre japonais. Et comme l’a révélé Le Point, le film “dénonce les effets néfastes de la division de la société nippone, une situation que Kore-Eda attribue en partie à la politique menée par le gouvernement Abe.” Avec son drame familial de 120 minutes, le cinéaste revient plus en forme que jamais, zoomant sur une société japonaise qui se délite progressivement.
Une affaire de famille de Hirokazu Kore-Eda, en salle le 12 décembre.