Franca Helg, Afra Scarpa… Qui ?… Lorsqu’on évoque certaines pièces mémorables du design, on parle volontiers du fauteuil de Franco Albini ou de tel canapé de Tobia Scarpa, en oubliant que ces meubles ont souvent été dessinés à quatre mains – et, en l’occurrence, par deux sexes opposés. Hélas, ceux qui croyaient naïvement que la gent féminine pouvait se frayer plus facilement un chemin dans les carrières artistiques se trompent, mais cela n’a pas empêché certaines héroïnes de s’affirmer seules dans le monde du design.
Ainsi, malgré l’influence de son complice Jean Badovici et sa proximité avec les théories modernistes de Le Corbusier, Eileen Gray parvint tout de même à se faire un nom dès 1922, quand elle imagina son fameux paravent laqué Brick Screen pour l’intérieur parisien de Mme Mathieu-Lévy, la célèbre modiste. Cinquante ans plus tard, la jet-set internationale se prendra de passion pour le glamour tout en laiton de l’Italienne Gabriella Crespi, encore très prisée il y a quatre ans lors de la grande vente “Timeless” organisée chez Piasa.
Comble de la rareté, il est encore plus difficile de trouver les meubles d’Anna-Lülja Praun sur le marché, si ce n’est grâce à la persévérance de la galerie HP Le Studio, la seule à avoir déniché quelques pièces de cette grande dame du design autrichien. Discrète, elle aura traversé tout le x xe siècle en gardant son indépendance créatrice, laissant notamment derrière elle quatre banquettes posées sur une jolie structure laquée rouge, commande du couple Sailer pour sa galerie en 1984. La même année, Andrée Putman signait, quant à elle, l’un des tout premiers boutiques-hôtels, le Morgans à New York, dont il ne reste plus qu’une chaise mythique, toujours éditée par Emeco. Une lignée d’héroïnes dont Patricia Urquiola – vers qui tous les regards convergent aujourd’hui – semble bien décidée à reprendre le flambeau.