Crocodiles, rhinocéros, cerfs, hommes et femmes peuplent l’univers fantastique des frères Campana. Ils font l’objet d’une exposition à la Carpenters Workshop Gallery à Londres jusqu’au 17 mai 2019. Volontairement baroque et ornementée, Hybridism marque un nouveau tournant au sein de la carrière du duo brésilien qui diversifie ses inspirations esthétiques.
Artistes vedettes de la scène internationale du design depuis les années 90, Fernando et Humberto Campana ont profondément redéfini son histoire. Ces deux frères proches de l’Arte Povera – un mouvement des années 60 visant à défier l'industrie culturelle et plus largement la société de consommation – ont justement bouleversé cette pratique en renonçant à la sobriété et à la fonctionnalité de rigueur. La chaise Favela (1991) est un moment clé, témoin d’une redéfinition de la pratique, désormais ancrée au sein de la nouvelle ère du postmodernisme. Dès lors, sièges, tables, commodes et autres objets décoratifs, caractérisés par leurs couleurs vives, leurs matériaux divers ou leurs références à l'artisanat traditionnel brésilien, ont rapidement conquis les musées les plus prestigieux tels que le MoMa, le Musée des Arts décoratifs ou encore le Centre Pompidou à Paris.
Suite à l’exposition Manufactura, la Carpenters Workshop Gallery offre au duo un espace d’exposition qui leur est, pour la première fois, exclusivement dédié. Contrairement à Manufactura, Hybridism ne traite pas de l’héritage artisanal brésilien, mais d’une problématique plus globale : les légendes et les mythes. Treize pièces uniques en bronze, en aluminium et en bois sont présentées au sein de l’espace londonien. Certains objets nous racontent des histoires légendaires : les sirènes à travers le siège “Seirera Pirarucu”, ou encore l’arche de Noé avec le “Noah Bench” et l'étagère “The Noah Shelf”.
Laissant peu de place au vide, dans un agencement baroque et inquiétant à souhait, les Frères Campana superposent hommes et animaux tout en se rapprochant d'une autre pratique : la sculpture. Les pièces que les designers nous livrent sont également plus effrayantes que jamais, car elles sont pensées pour refléter la vision dystopique qu'ils portent sur l'avenir de notre monde. Leur aspect apocalyptique rappelle ainsi curieusement les figures agonisantes des Portes de l’Enfer d’Auguste Rodin, et émettent un signal d’alarme d'ordre écologique. À travers l’origine des matériaux – pour la plupart recyclés –, mais également la représentation de ces animaux, les frères Campana évoquent une planète qui s’épuise.
“Hybridism” Carpenters Workshop Gallery
4 rue Albemarle
Mayfair, Londres
Royaume-Uni