“Depuis quelques années, le design contemporain a acquis une pleine légitimité, et se voit respecté au même titre que les pièces historiques, que ce soit par les musées, les collectionneurs ou les critiques”, se félicite Maria Wettergren, une habituée des foires qui a fondé sa galerie après un long passage chez Dansk Møbelkunst, le temple du design scandinave. Sur son stand, les talents d’aujourd’hui ont remplacé les Hans J. Wegner et Alvar Aalto d’hier, et s’émancipent volontiers du meuble classique pour pousser la réflexion artistique un peu plus loin. Jusqu’où ? Elle ne s’embarrasse pas de limites ni de cases, pas plus que Béatrice Saint-Laurent, Agnès Perpitch et Élodie Bringand. Avec d’autres, telle la Carpenters Workshop, ces galeries jouent enfin à armes égales avec les ténors du xxe siècle, malgré un métier qui n’est pas tout à fait le même comme le précise Béatrice Saint-Laurent : “Nous, nous choisissons de prendre des risques pour produire ce qui n’existe pas, là où l’antiquaire cherche à dénicher la rareté qui existe déjà, avec une valeur donnée par le marché.”
La galeriste présente cette année le travail de Studio MVW, qui a osé expérimenter le jade rose, un matériau inhabituel qui s’inscrit néanmoins dans la tradition de raffinement des arts décoratifs chère à Saint-Laurent, là où la galerie Perpitch & Bringand avoue une approche plus franchement dérivée de l’art contemporain. De dessin en installation, son stand mélange délibérément les genres, au point que la question du support devient vaine : “Nous présentons clairement nos pièces comme des œuvres d’art, la fonctionnalité passe après”, reconnaissent les galeristes. Si leurs collaborations avec des artistes tels que Pauline Guerrier témoignent ainsi d’un fort potentiel décoratif, elles accompagnent aussi des designers comme Joran Briand ou Philippe Nacson vers une abstraction plus conceptuelle et une réinterprétation des objets du quotidien. “Peut-on s’asseoir sur la chaise ? Cette bibliothèque supporte-t-elle mes volumes de l’encyclopédie Universalis ?” se risque parfois à leur demander le visiteur. Cette interrogation leur plaît, car elle touche une émotion, ce fameux étonnement qu’elles vont elles-mêmes chercher dans leurs collaborations avec des artistes.
Chez Wettergren, l’amateur se verra rassuré : “N’ayez crainte, cette merveille en frêne blanc de 45 cm de hauteur est bien un tabouret ! Il s’appelle Böja et il a été conçu par Rasmus Fenhann en 2016.” Et Maria Wettergren de conclure : “Je pense que les artistes que ma galerie représente utilisent souvent le design ou l’artisanat comme un point de départ pour arriver à une expression artistique originale.” À bien observer la sélection qui émaille les allées, voici certainement le trait d’union qui relie tous les stands du PAD Paris.
PAD Paris, du 22 au 26 mars, jardin des Tuileries, Paris Ier, www.pad-fairs.com
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