Un défilé Vivienne Westwood entre historicisme et modernité surprenante
“Qu'est-ce que l'élégance ?” s’interroge le créateur de mode autrichien Andreas Kronthaler dans une lettre ouverte qui fait office de communiqué de presse. “L'élégance dépend de la façon dont on évolue dans la vie. Cela a moins à voir avec ce que vous portez ou comment vous sentez, cela a beaucoup plus à voir avec votre moi intérieur”. Et c’est à sa connaissance de l’histoire du façonnage du vêtement de mode que celui qui officie depuis trois décennies au sein de la maison Vivienne Westwood a fait appel pour sa collection automne-hiver 2024-2025.
Connue pour son attrait pour l’historicisme, Vivienne Westwood a toujours utilisé ses collections pour remettre en valeur des styles vestimentaires anciens en leur donnant une modernité surprenante. On pense au corset dont elle a fait l’une de ses signatures, mais aussi aux peintures, dont celles du peintre français François Boucher. “À la fin des années 80, lorsque j’ai rencontré Vivienne, elle a commencé à parler d’histoire et je me suis dit qu’elle était vraiment comme moi. J’ai voulu apprendre à la connaître, et c’est ce que j’ai fait”, se souvient Andreas Kronthaler en coulisses du défilé. “Elle pensait qu’on pouvait encore apprendre de l’histoire, et pas seulement de l’histoire de ces trente dernières années. C’est aussi ça l’histoire de l’humanité et parfois, on ne la respecte pas suffisamment”.
L’élégance n’a rien à voir avec le vêtement” - Andreas Kronthaler
Pour la saison hivernale prochaine, c’est la Renaissance italienne, et plus précisément les peintures de Giovanni Battista Moroni, qui ont inspiré le créateur Andreas Kronthaler : “Ses créations sont iconiques, l'austérité et l'élégance sont frappantes tout comme la manière dont il pouvait capturer la personnalité du modèle, les vêtements noirs, le visage ou encore les mains”. Avec pour toile de fond la performance du trio autrichien Sons of Sissy – inspirée du folklore tyrolien et de la culture Camp –, le créateur dévoile un ensemble de 43 silhouettes où se mêlent pourpoints affûtés, cuissardes cavalières, mini-kilt, vêtements de travail, brocards et plateformes vertigineuses. Un voyage à travers l’histoire du vêtement, mais surtout un appel à se libérer des conventions vestimentaires.
“Libérez-vous. L’élégance n'a rien à voir avec les vêtements, mais avec la façon dont vous vivez votre vie”, commence Andreas Kronthaler. “Vous faites la vaisselle de manière élégante, ce qui signifie que vous la faites avec conscience. Vous pouvez nettoyer les toilettes avec élégance. Il n’y a rien de plus important que de faire ce genre de choses parce qu’elles font partie de la vie. C’est ce que j’essaie de dire. Et l’argent ne rend certainement pas élégant. Cela peut être utile pour ce que j’en sais”.
Kristen McMenamy, muse de la collection automne-hiver 2024-2025 ?
Le vêtement de sport occupe également une place prépondérante et s’inspire du vestiaire du 16e siècle, comme le montre les jeux de braguettes, les pluderhosen (pantalons bouffants issus du vestiaire militaire allemand), culottes et pourpoints. Sans compter le sac-banane jockstrap ou les pièces qui soulignent la forme de la poitrine. Comme à son habitude, la joie n’est jamais très loin pour Andreas Kronthaler : “Pour moi, la mode est une question de plaisir. Vivienne, par exemple, pensait le contraire et utilisait la mode pour exprimer très clairement son point de vue et nous avons besoin que des gens parlent de ce qui se passe. Mais il faut être honnête avec soi-même, sinon on ment”.
Pour clore son défile, la mannequin Kristen McMenamy déambule dans une robe qui laisse entrevoir un sein dissimulé uniquement par sa longue chevelure blanche. Une autre référence à la Renaissance, période à laquelle le décolleté occupait une place majeure, quitte à laisser un sein en dehors. De quoi affirmer une nouvelle muse ? “J’essaye d’en trouver une nouvelle, mais c’est très difficile pour moi de remplacer celle que j’avais”, confie Andreas Kronthaler visiblement ému. En attendant, il fait vivre avec dextérité et créativité la mémoire de Vivienne Westwood, empruntant une citation à l’auteur américain Henry James : “Une tradition ne reste vivante que si quelque chose y est ajouté.”