Fortes d’un record d’affluence en 2016, les Rencontres de la photographie d’Arles se sentent pousser des ailes. Pour leur édition 2017, elles s’étendront même jusqu’en Amérique latine et en Iran, deux régions particulièrement bien représentées dans la programmation avec une riche séquence Latina ! et une exposition, Iran, année 38, réunissant plus de soixante photographes. Mais ce qui marque sans doute le plus, dans la programmation de cette nouvelle édition, c’est l’audace politique des Rencontres, qui, cette année, ont décidé d’inviter à Arles tous les désordres du monde. Les photographies relateront autant les ravages causés par la firme multinationale Monsanto (l’exposition n’a bizarrement pas trouvé de sponsor) que la manière dont l’Ukraine fait face à son héritage soviétique. Il sera ailleurs question des Roms avec Mathieu Pernot, ou de la Libye avec Samuel Gratacap, alors que le collectif madrilène Blank Paper et sa pratique solidaire de la photographie illustreront une autre facette de l’actualité. On est tout aussi impatient Propos recueillis par Thibaut Wychowanok Mathieu Pernot revient à Arles sur son travail autour de la communauté rom, initié en 1995, à la fin de ses études, et poursuivi depuis. Photo ci-contre : Giovanni, Arles, 2015. ARLES INVITE LES DÉSORDRES DU MONDE Festival de photographie parmi les plus passionnants au monde, les Rencontres d’Arles inaugurent cet été une édition 2017 bouillonnante, engagée et ouverte sur le monde, de la Colombie à l’Iran. Rencontre avec son directeur Sam Stourdzé. d’y voir la première rétrospective du maître de la photo Masahisa Fukase, mais aussi celle de Roger Ballen, de découvrir le Zurichois Karlheinz Weinberger, qui met en exergue la culture underground de sa ville, et la collection de photos de géants et de nains de Claude Ribouillault dans la bien nommée section “Étranges collectionneurs”. Géante ou plus petite, la photo se montrera, cet été, à Arles, dans tous ses états.
Numéro : L’édition 2017 s’annonce-t-elle plus politique ?
Sam Stourdzé : Oui, même si le terme est un peu galvaudé. Plus que politique, cette édition est engagée. Je ne m’en cache pas, la photo me m’intéresse que lorsqu’elle a quelque chose à dire sur le monde, quand elle interroge son état et ses représentations. Mais nous ne sommes pas pour autant le festival du photojournalisme ! À Arles, le vrai peut se mêler au faux et à la mise en scène, il peut toujours y avoir un pas de côté, une liberté artistique du photographe.
Le festival fait-il cette année moins la part belle aux têtes d’affiche ? Pour la plupart des gens, Arles c’est le grand festival des photographes. Et c’est une réalité. Mais nous ne sommes pas TF1. Nous n’avons pas besoin de faire des blockbusters comme Annie Leibovitz pour attirer le grand public. Les Rencontres d’Arles, ce doit aussi être le festival des approches curatoriales. Notre travail n’est pas de présenter de belles images mais d’“éditorialiser” les expositions pour créer du sens. L’époque où on pouvait prendre 150 belles images, les mettre au mur et dire “c’est une expo” est finie. Aujourd’hui, une exposition c’est une démonstration visuelle, le choix d’un corpus d’images qui raconte une histoire.
Quel regard portez-vous sur le flux d’images amateurs qui inondent les réseaux sociaux ? Ont-elles leur place à Arles ? Certains corpus peuvent parfaitement être constitués à partir de photos amateurs. Je pense au projet de Paolo Woods sur l’Iran, en 2006. En plus de ses propres images, Woods y présentait des photos prises par des Iraniens pendant la “révolution verte”. C’est bien parce que tout le monde a un téléphone dans la poche aujourd’hui qu’un tel événement a pu être massivement couvert. Individuellement, aucune de ces photos, peut-être, n’a d’intérêt esthétique, mais ensemble, elles disent quelque chose de notre monde. Cette année, nous accueillerons aussi bien des figures mythiques comme Ballen ou Meyerowitz qu’une collection de photographies de nains, parfois de simples cartes postales ! Des cartes postales ont-elles leur place à Arles ? Oui, lorsqu’elles racontent, comme ici, une histoire complètement folle : l’obsession, dans les années 30, de trouver en Europe l’équivalent des peuplades pygmées pour l’Exposition universelle de 1937… À défaut, on a créé de toutes pièces des villages de nains dont les photographies ont été diffusées à des milliers d’exemplaires !
Les Rencontres de la Photographie - Arles 2017 : expositions du 3 juillet au 24 septembre.