Dans la géographie des foires d’art contemporain, Artissima reste sans doute l’une des plus pointues. Tout d’abord, sa taille humaine en fait une destination agréable, doublement agréable même puisqu’elle se tient en Italie, dans le Piémont, en pleine saison de la truffe blanche. Mais c’est surtout la qualité de l’écosystème des collectionneurs locaux qui rend l’Artissima week assez particulière. Ils n’aiment pas trop se montrer et savent rester discrets, parfois jusqu’à leur mort. Ainsi, Francesco Federico Cerruti (qui n’a aucune relation avec la marque de mode du même nom) était jusqu’à il y a peu l’un des secrets les mieux gardés d’Italie. Collectionneur averti, il a amassé, en toute discrétion, dans une banale maison des années 70 de la banlieue de Turin dans laquelle il n’a jamais vécu, près de trois cents sculptures et peintures couvrant une période s’étendant du Moyen Âge à l’art contemporain. Des chefs-d’œuvre allant de Bernardo Daddi, Il Sassetta, Le Pontormo, Renoir, Modigliani, Kandinsky, Klee, Boccioni, Balla et Magritte, en passant par Bacon, Burri, Warhol, De Dominicis et Paolini. Pratiquement personne ne le connaissait. Célibataire et sans enfants, il légua toute sa collection, en précisant dans son testament qu’elle devait être destinée au musée le plus proche de sa maison. Ainsi, elle est revenue au Castello di Rivoli, qui a annexé la villa du collectionneur pour en faire une antenne et la mettre à la disposition du public.
De la même façon, la Casa Mollino, conçue par l’architecte, designer et photographe de Turin éponyme, est un lieu mystique et mythique dans lequel ce dernier, lui non plus, n’a jamais vécu. De fait, il avait envisagé cette demeure comme un lieu dédié à son âme une fois que son corps aurait quitté la terre. L’artiste Carol Rama, qui était pourtant l’une de ses meilleures amies et qui habitait à quelques mètres de sa maison, n’a jamais su que Carlo Mollino avait passé des années à aménager un appartement extrêmement codé et chargé de symboles. Par ailleurs, depuis le mois de novembre, l’atelier-appartement de Carol Rama se visite enfin lui aussi.
En périphérie de la ville, des collectionneurs comme Bruna et Matteo Viglietta reçoivent les visiteurs avides de découvrir La Gaia, leur collection d’art, et dans certaines villas situées sur les hauteurs, on tombe sur des Calder qui font face à des Gober (et sur les plus grosses truffes blanches de la région). La seule collectionneuse qui s’affiche publiquement, c’est Patrizia Sandretto Re Rebaudengo. Elle a fait appel à l’architecte Claudio Silvestrin pour concevoir sa fondation, qui se dotera à la fin de l’année d’une extension à Madrid (en plus de la vieille maison familiale). Chaque année, pendant la foire, elle donne un dîner pour 150 personnes après le vernissage de l’exposition organisée dans son musée, qui, cette année, était consacrée à l’artiste Berlinde De Bruyckere.
Alors que Kate Fowle, l’ancienne directrice du Garage de Moscou a rejoint le MoMA PS1 à New York, les rumeurs concernant la nomination du nouveau directeur – ou nouvelle directrice – artistique vont bon train. Amusante coïncidence, Rem Koolhaas va prendre en charge l’extension du New Museum de New York (plutôt un nouveau bâtiment), conçu par l’agence japonaise SANAA, alors même que celle-ci assure l’extension du bâtiment moscovite du Garage, conçu, justement, par Rem Koolhaas. Sinon, en parlant de Moscou, Leonid Mikhelson, l’homme le plus riche de la Russie, a annoncé l’ouverture de son centre d’art privé en 2020, à quelques encablures du Kremlin, dans un bâtiment rénové par Renzo Piano. GES-2 ne sera pas un musée, mais un lieu dédié à V-A-C, sa fondation (créée en 2009 avec Teresa Iarocci Mavica et déjà présente à Venise). Quant à l’actualité relative au Brexit, il semble que la nouvelle destination pour les galeries soit… Monaco !