Lors de la Semaine de la couture en juillet dernier, la galerie d’art Balice Hertling, à Paris, accueillait le temps d’une soirée une installation de bijoux à la splendeur baroque. Devant une peinture de Poussin aux allures de bacchanale, sur des statues et des bustes d’inspiration antique en plâtre rouge ou blanc trônent de sublimes bijoux en bronze émaillé : crânes, fleurs, yeux ésotériques distillent
une aura sensuelle et décadente. Comme une plongée soudaine dans la Rome antique.
“L’Antiquité et l’Italie m’inspirent : le culte des ossements, les petits phallus volants de Pompéi, les couronnes de lauriers et un peu de magie... les bijoux que j’aime ont une fonction ésotérique.”
Ces créations somptueuses, qui s’apparentent à de fascinants talismans, sont l’œuvre du styliste et rédacteur en chef mode de Numéro, Samuel François. Depuis son diplôme du Studio Berçot en 1991, le Français à l’allure élégante et sophistiquée accompagne de son talent le magazine Numéro depuis ses prémices. Il a ainsi collaboré avec les plus grands photographes, de Patrick Demarchelier
à Paolo Roversi en passant par Inez et Vinoodh et Ellen von Unwerth, habillé Kate Moss et Gisele Bündchen, et contribué aux campagnes des plus grandes marques de luxe. C’est pour le défilé automne-hiver 1992-1993 de la créatrice Martine Sitbon qu’il conçoit ses premiers bijoux, ainsi que pour d’autres créateurs parmi lesquels Claude Montana, sans jamais signer ses créations. “J’ai commencé par un plastron de médaillons fait avec des roses en ruban très XIXe siècle pour Martine Sitbon, puis j’ai conçu des accessoires pour plusieurs de ses défilés, notamment le défilé gothique. Cela m’a donné l’occasion de me familiariser avec le processus de la fonte de métaux”, explique-t-il.
L’année 2018 permet enfin de découvrir une première collection complète de bijoux signés Samuel François. Le créateur y décline son univers personnel jusque dans les bustes supportant ses splendides pièces, qu’il fabrique lui-même : “Ce qui m’intéresse au départ, c’est de travailler la cire comme une sculpture, puis de découvrir, à la fin, la création en métal. L’Antiquité et l’Italie m’inspirent : le culte des ossements, les petits phallus volants de Pompéi, les couronnes de lauriers et un peu de magie... les bijoux que j’aime ont une fonction ésotérique.” Crânes et fleurs s’entremêlent en vanités contemporaines et se déclinent en somptueux bracelets, bagues, colliers ras du cou, sautoirs ou plastrons plus imposants. Yeux stylisés traités tels des bas-reliefs sur des plaques, têtes d’animaux, pénis ou pieds de bouc... Sur ces formes toujours baroques, quelques touches de couleur comme le rouge et le bleu ponctuent le bronze doré et l’émail blanc. Dans une époque qui célèbre le streetwear et le minimalisme, Samuel François flirte ouvertement avec l’opulence et l’ésotérisme, et offre ainsi une échappatoire aussi libératrice qu’éblouissante.