"Quel film ?" un film de Cédric Klapisch pour LaCinetek
L’ombre d’une silhouette longiligne se dessine sur le mur, menaçante. Ses ongles ressemblent à de longues griffes, son nez est crochu et ses dents pointues. C’est l’image qui terrorise des milliers de spectateurs lors de la sortie en salle de Nosferatu, le vampire de F. W. Murnau (1922), film préféré d’un grand nombre de cinéastes, et pierre angulaire du cinéma expressionniste allemand. Aux côtés de neuf autres long-métrages, l’œuvre horrifique de Murnau est mise à l’honneur dans la sélection du mois de mars de LaCinetek.
Fondé par les cinéastes Pascale Ferran, Cédric Klapisch et Laurent Cantet, LaCinetek est un site de vidéo à la demande qui voit le jour en novembre 2015. L’idée est née d’une conversation entre les trois réalisateurs et le producteur français Alain Rocca, président d’Universciné (une autre plateforme de vidéo à la demande). Si le concept de plateforme de streaming n’est en rien révolutionnaire, LaCinetek se distingue par sa volonté de proposer une offre “amicale et arborescente”, selon les mots de Pascale Ferran. En effet, le fer de lance du site s’articule autour d’un groupe de réalisateurs. Chacun leur tour, ils ont établi une liste de 50 films qui ont changé leur vie. D’abord confidentiel, le site accueillait les listes de Céline Sciamma, Agnès Varda ou encore Bertrand Bonello. Il s’est depuis largement agrandi, grâce à la participation de cinéastes étrangers comme Bong Joon-Ho, Damien Chazelle ou Todd Haynes.
Au fil des années, LaCinetek s’affirme et se met à proposer un abonnement mensuel à 2,99 €, offrant la possibilité de visionner 10 films sélectionnés autour d'un thème commun. Des premiers films aux histoires d’amour, en passant par l’adolescence : chaque mois marque un nouveau défi à relever, avec une sélection ambitieuse et diversifiée. À l'heure où tous les rideaux sont probablement tirés et où les films défilent sur les écrans, la sélection du mois de mars apparaît comme une ironique prémonition : “Au cœur de la nuit”.
La nuit au cinéma : thème si vaste et sinueux qu’il peut en perdre plus d’un. La nuit peut être modelée et remodelée à l’infini. Sensuelles pour certains, terrifiantes pour d’autres… les ténèbres qui surgissent après le coucher du soleil invitent à toutes les interprétations. Une palette d’émotions et de sensations que LaCinetek a tenté de retranscrire dans une sélection qui se déploie en deux axes bien distincts : la tension érotique et l’atmosphère angoissante.
La tension érotique d’abord, chez Éric Rohmer, avec la nuit interminable que Jean-Louis Trintignant passe chez Françoise Fabian, la dangereuse Maud de Ma nuit chez Maud (1969). Cette même tension est portée par le trio envoûtant de La Notte (1961) de Michelangelo Antonioni, composé de Marcello Mastroianni, Jeanne Moreau et Monica Vitti. L’atmosphère angoissante est cristallisée par les deux adaptations de Dracula, le roman paru en 1897 de l'écrivain Bram Stoker : celle de Murnau en 1922, déjà évoquée, et la seconde, plus récente, du maître Werner Herzog, Nosferatu, fantôme de la nuit sorti en 1979, où la simple présence d’Isabelle Adjani vaut le détour. Enfin, la nuit est évidemment le lieu de chasse de tout meurtrier qui se respecte. Pour tenir les spectateurs en haleine, LaCinetek a donc choisi le troisième long-métrage de Michael Mann, Le Sixième sens, sorti en 1987, qui met en scène la traque d’un “tueur de la pleine lune”. Ne reste plus qu’à choisir quels frissons rythmeront les nuits à venir.
Et bonne nouvelle : pour faire face aux deux prochaines semaines, le site a mis en avant une seconde sélection – payante – d’une multitude de long-métrages redonnant le sourire. Celle-ci débute par des comédies musicales à foison, des robes colorées des Demoiselles de Rochefort (1967) aux imperméables de Chantons sous la pluie (1952). Ensuite, quelques classiques, des amours vagabondes de Jean-Pierre Léaud dans Baisers Volés (1968) à la joie de vivre contagieuse de La Dolce Vita (1960). Enfin, pour fuir une bonne fois pour toute la morosité du réel, le film enchanté par excellence, Peau d’Âne (1970), de Jacques Demy, saura plaire aux grands comme aux petits.