Premiers pas au sein du Nouvel Hollywood
Alors qu’il travaille temporairement comme employé dans une compagnie de chemins de fer à la sortie de ses études, Michael Chapman entretient une relation avec la fille du réalisateur Joe Brun qui, soucieux de faire de son gendre un meilleur parti, l’engage pour tourner une série de films et de documentaires. Un premier pas dans l’industrie du cinéma qui lui permet de décrocher un poste d’assistant réalisateur sur quelques-uns des projets les plus marquants du début des années 70 : Husbands (1970) de John Cassavetes, Klute (1971) d'Alan J. Pakula ou encore Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola, sur lequel il travaille sous la direction du légendaire directeur de la photographie Gordon Willis.
Lorsqu’en 1973, le réalisateur Hal Ashby souhaite recruter Gordon Willis pour le tournage de La Dernière Corvée (1973), ce dernier est trop occupé à conquérir Hollywood après le succès du Parrain. Hal Ashby décide alors de contacter son assistant : Michael Chapman. Après ce premier poste de chef-opérateur, Michael Chapman tourne The White Dawn (1974) pour le réalisateur Philip Kaufman mais c’est sa rencontre avec Martin Scorsese en 1976 qui va changer le cours de sa carrière. Limité par un petit budget, le réalisateur de Mean Streets (1973) cherche un chef-opérateur pas cher et né sur la côte Est pour filmer les plongées dans le New York underground de Taxi Driver (1976). Né à New York et libre de tout contrat, Michael Chapman accepte le projet et met en lumière le scénario de Paul Schrader de manière particulièrement envoûtante.
Bande-annonce – "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorsese
Filmer le réel
“Le cinéma ne doit pas se contenter d’être beau, il doit être approprié”. Voilà la phrase que Michael Chapman répétait comme un mantra lors de ses interviews. Si l’atmosphère crépusculaire de Taxi Driver est d’une beauté éclatante, c’est le sens aigu du réalisme du chef-opérateur qui constitue le meilleur du film récompensé d’une Palme d’or à Cannes en 1976. La caméra installée sur la banquette arrière du taxi conduit par Robert De Niro saisit New York et ses quartiers mal famés sur le vif et donne l’impression au spectateur de réellement accompagner le personnage dans ses virées nocturnes. “Il a apporté quelque chose de rare et d'irremplaçable aux trois films sur lesquels nous avons collaboré (Taxi Driver, La Dernière Valse, Raging Bull). Pour moi, il mérite complètement le surnom de poète des rues qu’on lui a attribué après Taxi Driver” a déclaré Martin Scorsese suite au décès du technicien, qui l’avait également assisté pour la réalisation du clip Bad (1987) de Michael Jackson.
Un chef-opérateur authentique
Si l’on préfère aujourd’hui parler de directeur de la photographie plutôt que de chef-opérateur, c’est bien le terme ancien qui définit le mieux Michael Chapman. À l’ère de la postproduction, les exigences concernant la direction de la caméra, le cadrage et l’éclairage ne sont plus du tout les mêmes. Loin des directeurs de la photographies modernes qu’il considère comme des artistes peintres retouchant sans cesse leurs plans, le travail de Michael Chapman se fabrique essentiellement sur le plateau de tournage. En fin connaisseur du travail de Raoul Coutard – chef-opérateur de Jean-Luc Godard qui a révolutionné le métier avec ses nombreuses trouvailles – Michael Chapman improvise, joue avec la lumière naturelle et les profondeurs de champ. Les 10 minutes du combat de boxe de Raging Bull (1980) ont nécessité pas moins d’un mois de travail en plateau, pendant lequel Michael Chapman a filmé les cordes du ring au ralenti et les gouttes de sueurs en gros plan, allant même jusqu’à scotcher des caméras sur les corps des acteurs. Un talent pour capter les fragments du réel qui ont lui ont valu deux nominations aux Oscars de la meilleure photographie pour Raging Bull (1980) et Le Fugitif (1983), thriller à succès avec Harrison Ford et Tommy Lee Jones.