Bande-annonce du film “3 jours à Quiberon”
“C’est un sale métier d’être actrice de cinéma. Actrice ! Il faut s’y donner de tout son cœur. Et, à un autre moment il ne faut pas”. Véritable icône du cinéma des années 60 et 70, plus d’une soixantaine de films à son actif, Romy Schneider, tout en cheveux blonds et regard félin, a marqué les esprits cinéphiles. Depuis ses débuts sur grand écran jusqu'à sa mort tragique en 1982, l’actrice incarne une dualité sans pareille, à la fois triste et gaie, impétueuse et rongée par la dépression. Les deux films diffusés par Arte, 3 jours à Quiberon et Conversations avec Romy Schneider rendent hommage à la plus française des Allemandes.
Sissi: un personnage qui lui colle à la peau
Alors que celle-ci n’a que 15 ans, sa mère, l’actrice allemande Magda Schneider – célèbre sous le 3e Reich – la sort de son lycée religieux pour qu’elle joue à ses côtés dans un film de Hans Deppe. Rapidement, Romy fait mouche auprès de celui qui la fera connaître par la suite: Ernst Marischka. Après avoir tourné deux long-métrages ensemble, le cinéaste autrichien lui offre le rôle qui la suivra toute sa vie : Sissi. Ce personnage angélique, représentatif d’une époque faste et rocambolesque, est le parfait moyen pour les pays germaniques d’oublier les horreurs de l’époque nazie. Plus qu’une actrice, la jeune femme représente alors un espoir d’avenir pour son pays qui porte encore les stigmates de la seconde Guerre Mondiale. Dès lors, le destin de Romy Schneider est à jamais scellé à celui de l’Allemagne, qui la porte fièrement en nouvelle héroïne.
“Avec Sissi, je me sentais comme dans une veste trop petite” déclare l’actrice dans un entretien en 1962. Alors qu’elle est pourtant devenue une véritable allégorie allemande, Romy Schneider refuse de tourner un quatrième volet des aventures de l’impératrice. Pire, elle rencontre Alain Delon sur un tournage et part avec lui en France. Un affront fait à sa mère. Mais sa relation naissante avec l'acteur Apollon a tout pour déplaire aussi à l’Allemagne. Une fois de plus, le Français, cet ennemi historique, ce séducteur mythique, prend le dessus sur son voisin allemand et lui vole la vedette. Une vision certes tout à fait sexiste, mais qui fait les gros titres de la presse à scandale de l'époque. Si Romy a simplement décidé de vivre sa vie, son pays le vit comme une véritable trahison. Désormais, l'actrice n'est plus pour lui qu'une “comédienne en exil”.
Un devoir de mémoire
Alternant entre images d’archives et entrevues avec Alice Schwarzer – journaliste à qui elle s’est confiée en 1976 –, le film Conversations avec Romy Schneider révèle la profonde tristesse qui habitait la jeune femme. “Je veux dire toute la vérité !” répète-t-elle à plusieurs reprises. En off, elle se libère d'un secret trop lourd à porter : son père, Wolf Albach-Retty était adhérent au parti SS. Quant à sa mère, Romy est persuadée qu’elle a eu une liaison avec Hitler. “Maman avait fait construire sa maison à Berchtesgaden, en face du nid d’aigle [l'une des résidences principales d'Hitler]. Ça je ne peux pas l’accepter”. Simples affabulations ou réelles accusations ? Le film apporte la réponse par la suite avec des images d’archives rares: on aperçoit Magda Schneider en compagnie d’Eva Braun et d’Hitler, bras-dessus bras-dessous.
Au cours des entretiens, Alice Schwarzer explique qu’une tendance s’est très vite dessinée dans la vie de l’actrice. Quelques années après sa rupture avec Alain Delon, elle se marie avec Harry Meyen, un allemand dont la famille entière a été déportée pendant la guerre. Dès lors, elle enchaîne les films historiques où elle incarne tour à tour des femmes résistantes ou persécutées par le nazisme. Juive allemande traquée dans Le Train (1973) de Pierre Granier Deferre, elle est la veuve d’un résistant dans Le Cardinal (1963) d’Otto Preminger, ou encore une femme martyre des SS dans Le Vieux Fusil (1975) d’Enrico Robert. A l'écran comme à la ville, elle semble vouloir se départir d'un fardeau. Elle appelle ses enfants David et Sarah. Et jusqu’à son ultime film en 1982, La Passante du Sans-souci, Romy Schneider est comme empreinte d’un devoir d’expiation et de mémoire, qu’elle s’est elle-même imposée. Une manière, peut-être, de racheter les fautes de ses parents et de son pays, dont elle porte l’histoire jusqu’au bout.
Conversations avec Romy Schneider (2017) de Patrick Jeudy, et 3 jours à Quiberon (2018) d'Emily Atef. Disponibles en replay sur Arte.tv