Close Parity Asymmetric Cabinet (2018) de Maarten Baas. Courtesy of Carpenters Workshop Gallery.
Night Street (2018) de Perrin & Perrin. Courtesy of Negropontes.
Bronze, verre ou béton : le triomphe de la matière
La visite nous emmène tout d’abord du côté de l’incontournable Carpenters Workshop Gallery, fidèle exposante du PAD, aussi bien à Londres qu’à Paris. À quelques pas d’un long canapé en contreplaqué couleur bois clair et cuir noir texturé signé Rick Owens, on découvre une armoire en bronze remarquable par son volume tout en courbes et son asymétrie maîtrisée. Réalisée par le designer néerlandais Maarten Baas, elle convoque un imaginaire presque enfantin et semble relever de l’univers de l’illustration.
Le stand de la galerie parisienne Negropontes a, quant à lui, entièrement été imaginé par Hervé Langlais, l’un des designers défendus par la galerie. Il y présente notamment ses propres tables, tabourets et miroirs en marbre et laiton, également accompagnés par une série de sculptures en verre, tels des piliers de glace, du duo français Perrin & Perrin. Grâce au “build in glass”, une technique permettant d’insérer des formes et des motifs à l’intérieur même des blocs de verre, le couple parvient à créer des œuvres fascinantes qui se distinguent par leurs couleurs et la lumière qui en émane. Disposés dans le fond du stand, les grands panneaux en pin sculptés et brûlés de l’artiste Étienne Moyat – récompensé par le prix du Design contemporain lors du dernier PAD London –, attirent également le regard. Découpés à la tronçonneuse, ils témoignent d’une finesse paradoxale et s’imposent comme des pièces littéralement exceptionnelles.
Dans le stand de la galerie française Wa Design, fière ambassadrice du design japonais à Paris, on est accueilli par les sculptures de l’Écossais Harry Morgan, âgé d’à peine 29 ans. Résultats d’une rencontre entre le béton et le verre grâce au soufflage “à la vénitienne”, une technique qui consiste à extraire du four chacune des tiges de verre avant de les couler dans le béton, ses créations lui ont notamment valu de remporter cette année l’une des deux mentions spéciales du Loewe Craft Prize. Le verre est également à l’honneur du côté de la galerie Alexandre Biaggi, qui expose trois vases Chiaroscuro de l’Italienne Michela Cattai. Grâce à la technique du battuto, qui consiste à créer de petites rainures à la surface du verre qui les compose, ces vases deviennent le lieu d’une expérience visuelle hors du commun.
“Fuzz Dining Table” (2019), de Study O Portable. Courtesy of Gallery FUMI.
“Kuramura Pollock” (2019) d’Ayala Serfaty. Crédit photo : Galerie BSL.
Artisanat et innovation
Comme en témoigne cette nouvelle édition du PAD London, la recherche et l’innovation sont au cœur du design contemporain. La galerie FUMI ne fait pas exception. Dans son stand, on découvre en effet une table circulaire réalisée par le duo basé à Londres Study O Portable. Si l’aspect de cette création rappelle les lignes de vie qui ornent les souches des arbres, elle découle en réalité d’un procédé étonnant qui consiste à superposer différentes couches de résine d’acrylique pigmentée (Jesmonite) jusqu’à obtenir un volume qui sera ensuite séché. Au-dessus de cette Fuzz Dining Table, la galerie a accroché une œuvre tout aussi intrigante du sculpteur britannique Rowan Mersh. Remarqué pour ses créations textiles et ses compositions minutieuses constituées de coquillages, ce dernier présente ici une œuvre circulaire en relief à base de coquilles de nacre d’Asie découpées et collées à la main. Les reflets lumineux qui émanent de sa surface lui confèrent un éclat remarquable.
Sur le stand de la galerie parisienne BSL, c’est l’artisanat qui domine. Il s’incarne notamment dans les créations de Pia Maria Raeder. Spécialiste du bois laqué, cette Allemande découpe du bois de hêtre en petites épines, qu’elle sable et laque ensuite jusqu’à obtenir une texture très particulière qu’elle intègre aussi bien à des miroirs et qu’à des fauteuils, des tables ou des lampes. Pour le PAD London, elle a créé une paire de lampes de chevet qui combine cette texture avec des volumes en verre soufflé. Dans le même espace siège un fauteuil noir et blanc molletonné, semblable à un nuage où l’on aimerait se lover : il s’agit là aussi du résultat d’un processus intégralement artisanal mis en œuvre par la créatrice Ayala Serfaty. Cette Israélienne mélange des fibres de lin, de soie, de coton et de laine qu’elle baigne ensuite pour créer une matière unique qu’elle coud afin d’obtenir des renflements. Elle utilise ensuite cette surface épaisse pour recouvrir des structures métalliques en lieu et place de l’inévitable mousse.
“Ark” et “Flamed Oak Vessel” (2019) de Nic Webb. Vue du stand de la Sarah Myerscough Gallery, PAD London 2019. Crédit: Sylvain Deleu.
“Trine Chair: The Organic Series” (2018/2019) de John Makepeace. Vue du stand de la Sarah Myerscough Gallery, PAD London 2019. Crédit: Sylvain Deleu.
Carton plein pour la galerie Sarah Myerscough
Le triomphe de cette édition revient sans doute à la galerie londonienne Sarah Myerscough, qui remporte non pas un, mais deux des trois prestigieux prix décernés par le PAD : le prix du Stand et le prix du Design contemporain. Ce dernier revient au designer britannique John Makepeace – passé maître dans l’utilisation du bois –, pour une paire de chaises en chêne noir. Agrémentés de seulement trois pieds, ces sièges sont des modèles uniques qui se distinguent par des dossiers aux formes organiques. Outre ces pièces à succès, la galerie présente d’autres créations qui donnent au bois ses lettres de noblesse : parmi elles, on découvre les volumes façonnés par le feu par l’Anglais Nic Webb, très soucieux de mettre en valeur l’origine et l’histoire de ses matières premières. Ernst Gamperl, l’un des plus grands tourneurs sur bois de notre époque, y expose quant à lui des vases en érable ou en cerisier, remarquables par leurs formes à la croisée de l’archaïque et du contemporain.
PAD London, du 30 septembre au 6 octobre, Berkeley Square, Londres.