Vendredi 18h place de la Concorde, Kim Jones présente les 47 looks qui composent le défilé Dior homme automne-hiver 2020-2021. À l’intérieur de la monumentale tente blanche érigée pour l’occasion, le podium est divisé par une ligne de boîtes transparentes qui crachent des fumées éclairées de spots bleus, oranges ou blanc – un ensemble qui évoque l’ambiance clubbing des années 90. Ce soir-là, devant un parterre de célébrités qui comptaient Diplo, Robert Pattinson, Cara Delevingne ou encore la famille Beckham, le créateur anglais annonçait ce qui serait sans nul doute la mode masculine de la prochaine décennie. Retour sur trois points fors qui ont marqué cette collection exceptionnelle.
1. La couture pour homme
Dès sa première collection (printemps-été 2019), Kim Jones déclarait s’inspirer de l’héritage féminin légué par Monsieur Dior pour construire le vestiaire masculin. Depuis, il réinterpréte saison après saison les archives de la maison : la toile de Jouy, le cannage, le gris perle, les fleurs… À l'époque où Christian Dior présentait ses collections entre 1947 et 1957, le prêt-à-porter n’existe pas encore (il apparait dans la seconde moitié des années 60) – de ce fait, les créations de Kim Jones sont indéniablement inspirées par la haute couture, et cette nouvelle collection automne-hiver n’aura jamais été autant marqué par l’artisanat et le savoir-faire : des manteaux, vestes et costumes en taffetas moiré, de longs gants d’opéra déclinés en velours ou brodés, des motifs arabesques et paisley ornent des manteaux ou de longues chemises, les boutons sont recouverts de tissus, les revers des vestes s’habillent de tissus satinés et les écharpes s’agrémentent de glands ton sur ton... Apothéose du show, le manteau final brodé d'une pluie de strass. En exploitant de la sorte les archives de la maison Dior, Kim Jones a forgé une identité masculine fortement imprégnée de la mode couture des années 50, tout en préservant une énergie contemporaine bien ancrée dans son époque.
2. L’hommage à Judy Blame
Autre inspiration majeure de la collection, le créatif Judy Blame, figure emblématique et subversive de l’ère post-punk. Créateurs de bijoux à partir d’objets de récupération ou de matériaux pauvres, stylistes pour i-D et The Face, ami et conseiller de John Galliano ou Gareth Pugh, l’Anglais au style unique imprégné de do-it-yourself – décédé il y a deux ans – aura influencé quantité de créatifs durant sa vie. Kim Jones inclus : “Ce show est dédié à la mémoire de Judy Blame, un ami proche et pionnier du monde de la mode, dont l’amour de la couture était une inspiration pour nous tous”, indique le créateur britannique. Ainsi des détails punks viennent contrebalancer l’esthétique haute couture du show : des épingles à nourrices, des bijoux composés de chaines, breloques, piécettes et cristaux, des zips argentés, des pulls habilement troués, de grosses boots et biensûr le mythique béret qu’arborait régulièrement Judy Blame.
3. Brouiller les frontières des genres et des époques
“Pour moi, il n’est pas naturel de compartimenter les styles. À Londres, autour de moi, les gens mélangeaient des vêtements de luxe avec du sportswear cheap, ou des vêtements cheap avec des chaussures de luxe. C’était vraiment le règne du mix and match. J’ai donc transposé cette logique dans l’univers du luxe car c’était pertinent.” confiait Kim Jones à Numéro. Et c’est ce que l’on retrouve dans cette collection : des gants d’opéra qui évoquent la femme des années 50 associés à un trench ou un blouson aviateur, des chaînes punk sur un smoking élégant, un manteau de bal en taffetas avec un pantalon masculin, une fourrure grise et un pantalon cargo ou encore un foulard frangé et un costume finement rayé, le créateur anglais n'a pas son pareil pour se réapproprier les références, en extraire leur élégance intrinsèque et proposer des silhouettes hybrides avant-gardistes tout en étant portables. Là réside tout le talent de Kim Jones : offrir des collections que chacun peut s'approprier.