Mory Sacko, de Top Chef à l'étoile au guide Michelin
Depuis l’avènement de l’émission Top Chef, les grands cuisiniers étoilés sont entrés dans le foyer de tous les Français. Mais au fil des saisons, ce sont surtout les nouveaux visages de la gastronomie hexagonale qui ont gagné leurs galons de notoriété. Parmi eux, Mory Sacko est assurément l’un des plus passionnants. Pas même encore âgé de 30 ans, il incarne un tournant générationnel et sociétal. Premier chef travaillant les gastronomies africaines à se voir décerner une étoile par le prestigieux Guide Michelin, le fondateur du restaurant MoSuke a grandi dans une famille de huit frères et sœurs fédérée autour des repas préparés par leur mère : “Elle est née en Côte d’Ivoire et a grandi dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal, mais ses parents sont maliens. Dans mon enfance, j’ai donc goûté des recettes de tous ces pays sans connaître leur origine précise.” Lorsqu’il s’engage dans la voie de la cuisine, à l’adolescence, son talent évident finit par le propulser jusqu’au Mandarin Oriental aux côtés de Thierry Marx, dont il devient sous-chef. Avec lui, il partage une approche quasi scientifique du métier, par expérimentation, et la passion du Japon – qui l’a gagné, pour sa part, par le biais des mangas découverts à la télévision, l’amenant à goûter très tôt les sushis, les onigiris ou les sobas qu’il voit à l’époque dans ses émissions préférées.
Un savant mélange de gastronomie française, africaine et japonaise
Techniques de la haute gastronomie française, produits, saveurs et textures puisés dans les cuisines hexagonale, africaines et japonaise... c’est sur ce concept unique qu’il ouvre, en 2020, son restaurant MoSuke, dans le XIVe arrondissement de Paris, comme un manifeste de l’anti-cuisine fusion : “Il ne s’agit pas d’écraser ces différentes cultures dans un ‘mix’, mais de créer une conversation entre elles. On passe par exemple d’un œuf au dashi à un ragoût de pois cassés érythréen, pour finir sur une banane plantain au roquefort. Le repas constitue une expérience gustative où les éléments dialoguent.” Sans brandir une quelconque revendication militante, Mory Sacko œuvre, par la pratique, à ouvrir la gastronomie française (inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et autour de laquelle existent des crispations identitaires) aux influences d’autres cultures. L’émission Cuisine ouverte qu’il anime sur France 3 depuis 2021 est à ce titre un document précieux : “Dans ce programme, je rencontre des producteurs et je réinterprète des recettes françaises. Je m’amuse à essayer de savoir jusqu’à quel moment un plat relève encore de la gastronomie française, à quel moment il devient autre chose, et à quel moment on se dit que ça n’a pas d’importance. Je ne dénature pas les recettes, je les transforme. Parfois, j’améliore un aspect, parfois je porte juste un regard différent. Je travaille le même produit, je lui porte le même respect, je vais juste l’amener un peu ailleurs.”
Un cuisinier virtuose toujours là où on ne l'attend pas
C’est aussi dans son intelligence entrepreneuriale et sa maîtrise de la communication contemporaine que se lit la justesse de Mory Sacko. En 2020, entre deux confinements, il ouvre son premier restaurant, dans un contexte exceptionnellement difficile pour le milieu de la restauration... Les tables sont réservées plusieurs semaines à l’avance, et au bout de quatre petits mois seulement, l’établissement se voit octroyer une étoile. Lorsqu’il est contraint de fermer, Mory Sacko s’adapte aussitôt en inventant MoSugo, son concept de street food à emporter, qu’il vient tout juste de ressusciter, de façon pérenne, dans sa propre adresse de la rue Raymond-Losserand, à quelques numéros de MoSuke. On le retrouve aussi à la tête du tout premier restaurant Louis Vuitton, à Saint-Tropez, ouvert en juin. Tout sourit à ce jeune homme solaire, qui parle couramment le langage de la mode et celui des réseaux sociaux. L’avenir de ce prodige s’annonce radieux, et enthousiasmant.