Rencontre avec Warren Zaïre-Emery, enfant prodige du football
Quand il a explosé sportivement à l’automne dernier, le milieu de terrain du Paris Saint-Germain Warren Zaïre-Emery a été réduit à quelques chiffres, relevant tous du même fait : cet enfant prodige bat d’emblée tous les records de précocité. Il a seulement 17 ans lorsqu’il rejoint pour la première fois l’équipe de France A de Didier Deschamps, ce qui fait de lui le plus jeune joueur international français depuis Maurice Gastiger en 1914.
La presse a également exhumé le chiffre 16, ou plus exactement 16 ans, 4 mois et 29 jours : tel est son âge, le 6 août 2022, lorsqu’il dispute son premier match avec le PSG. Warren Zaïre-Emery sera donc bien en peine de passer son bac en juin depuis l’Allemagne, où les Bleus (et lui, sans doute) disputeront le Championnat d’Europe...
Des débuts au PSG très prometteurs
Une anecdote a également contribué à affoler les médias et les réseaux, portant le niveau de “mignonneté” du jeune joueur à son maximum. À l’âge de 4 ans, Warren Zaïre-Emery, désirant rejoindre un club de foot d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), se serait vu répondre par son paternel qu’il ne pourrait le faire que lorsqu’il saurait nouer ses lacets.
“La première chose qu’il a apprise du football, c’est de faire ses lacets, a ainsi expliqué son père sur le plateau de l’émission Téléfoot. Et alors qu’il était surclassé et qu’il jouait avec des petits de 6 ans, c’est lui qui faisait les lacets de tous les joueurs de l’équipe.”
Depuis, Warren Zaïre-Emery n’a pas donné d’interview, et tandis que les mois passaient, il a encore franchi un nouveau palier : en décembre 2023, il égalisait au Signal Iduna Park de Dortmund (1-1 au final) pour qualifier le PSG en huitièmes de finale de la Ligue des champions de l’UEFA. Encore mineur – il a depuis eu 18 ans le 8 mars –, il repêchait par la peau du dos le projet pharaonique d’un club-État, le PSG sous actionnariat du Qatar.
Un sportif proche de la maison Louis Vuitton
En janvier, il faisait une apparition remarquée au premier rang du défilé Louis Vuitton Homme organisé au Jardin d’Acclimatation de Paris, aux côtés de personnalités comme Bradley Cooper, Omar Sy ou encore quelques stars de la K-pop.
“J’en garde un excellent souvenir, explique-t-il aujourd’hui. C’est un univers que je ne connaissais pas, et c’était un challenge pour moi qui suis plutôt réservé. Je me suis senti à l’aise, et Louis Vuitton est vraiment une maison que j’apprécie.”
Ses aînés ont prouvé que l’image, et tout ce qui est extérieur au sport, fait aujourd’hui partie intégrante du profil des footballeurs, souvent associés désormais aux marques de luxe. Sur ses terrains de prédilection, ceux du foot, le natif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) est scruté à la loupe et attendu comme le Messie.
J’ai le temps de vivre ma jeunesse, et heureusement d’ailleurs, malgré les responsabilités et le fait que je sois joueur professionnel.” Warren Zaïre-Emery
S’il tient ne serait-ce que la moitié des promesses qu’on lui prête, écrire sur Warren Zaïre-Emery aujourd’hui revient à documenter les premières années de la vie d’un saint, comme celles d’un Kylian Mbappé avant lui. Dans l’interview qu’il nous accorde, on apprend que les saints jouent apparemment désormais au laser game... Mais pas comme tout le monde non plus.
“J’ai le temps de vivre ma jeunesse, et heureusement d’ailleurs, malgré les responsabilités et le fait que je sois joueur professionnel, explique-t-il. J’aime les choses simples, passer du temps en famille, avec mes animaux, jouer aux jeux vidéo. Je pense que ces activités, plutôt que de m’isoler, ont tendance à me connecter aux autres. J’ai dû grandir vite, mais comme tous ceux de mon âge, je vais à l’école, je fais des activités avec mes frères [Wesley, William et Wayne]... Récemment, j’ai participé à un laser game avec ma famille. Mais j’ai passé mon temps à me cacher des autres joueurs parce que tout le monde me reconnaissait !”
Un proche de Kylian Mbappé nous racontait qu’au-delà d’une cinquantaine de mètres à parcourir dans un lieu public, le capitaine des Bleus en était quitte pour des lunettes noires, une casquette enfoncée jusqu’aux yeux et un postiche.
J’ai appris à ne pas me sous-estimer. Et à balayer les complexes.” Warren Zaïre-Emery
La vie de Warren Zaïre-Emery finira bien par basculer dans quelque chose d’approchant. Mais il n’en est pas encore là non plus. Précis, pas tant renfermé qu’étonné par un battage médiatique que l’on sent exotique de son point de vue, respectueux et réfléchi, le jeune sportif reste encore un gamin silencieux et dans son coin, plongé dans un bain qu’il imagine trop grand pour lui. A-t-il dû lutter avec lui-même pour se sentir à la hauteur des attentes ?
“Professionnellement parlant, s’il y a eu un cap à passer, c’est celui des trois premiers mois de la saison 2022-2023, lorsque j’ai intégré l’équipe pro du PSG, composée de ses incroyables joueurs. J’ai alors appris à ne pas me sous-estimer. Et à balayer les complexes.”
Concrètement, à ses 16 ans, le joueur a commencé à s’entraîner quotidiennement avec Kylian Mbappé, Neymar Jr. et Lionel Messi, tous trois en pleine préparation de la Coupe du monde au Qatar, dont les deux derniers cités avaient fait l’objectif d’une vie. On pourrait se dire qu’à un si jeune âge, Warren Zaïre-Emery n’a aucune obligation de réussite face à ces immenses figures, mais la vérité du football est tout autre, et le joueur n’a tout simplement pas le luxe de raisonner ainsi.
Pour moi, la pire erreur consisterait à me relâcher, à arrêter de travailler parce que j’aurais déjà fait le plus dur. Cela vaut à tout âge.” Warren Zaïre-Emery
“Il n’y a pas de cap temporel ou psychologique à partir duquel vous vous considérez comme un joueur pro, poursuit-il. Depuis que j’ai 14, 15 ans, je dois me comporter en tant que tel. J’ai exactement les mêmes responsabilités que les autres membres de l’équipe. Et, comme eux, j’ai le droit à l’erreur, même si je souhaite bien sûr en commettre le moins possible. Dans le même ordre d’idée, je ne pense pas qu’un joueur doive être seulement concentré sur lui-même en début de carrière, sous prétexte qu’il n’est personne et qu’il doit faire son trou pour exister aux yeux des autres. Je comprends ce raisonnement-là, mais je ne le partage pas, parce qu’on doit faire sa place et prouver sa compétence à toutes les étapes de son parcours. Pour moi, la pire erreur consisterait à me relâcher, à arrêter de travailler parce que j’aurais déjà fait le plus dur. Cela vaut à tout âge. J’ai dû gagner ma place sur le terrain auprès de très grands footballeurs, tous internationaux dans leur sélection respective. Je dois quand même reconnaître que depuis, je me sens plus libéré, plus à l’aise, plus légitime sur le terrain.”