Diffusée du 16 au 22 novembre sur Youtube, la mini-série de sept films réalisés à Rome par Alessandro Michele et Gus Van Sant forme autant de moments suspendus et poétiques dans la vie de l’actrice et artiste Silvia Calderoni. On avait repéré l’Italienne en 2016, au théâtre Paris-Villette, alors qu’elle y présentait avec force, et en musique, sa pièce “MDLSX” évoquant sa propre androgynie et entremêlant expériences autobiographiques et fictions littéraires. Le premier épisode réalisé par Van Sant et Michele, dévoilé aujourd’hui à 21h, offre quant à lui une plongée dans l’intimité fictive de Silvia Calderoni, au sein d’un appartement stylisé avec soin : tapis et canapés vintage, meubles design et peintures ésotériques… L’univers Gucci s’y déploie avec élégance.
“Lorsque j’ai écrit cette histoire, confie Michele, je voulais que l’ambiguïté entre fiction et réalité soit totale. Je voulais suivre Silvia dans des lieux et des moments quotidiens et hors du temps, lorsqu’elle fait des rencontres également. Ni l’époque ni les lieux ne sont définis. J’avais en tête de développer une histoire sur un temps long, et lent, comme une grossesse.” Parmi ses “rencontres”, le philosophe et spécialiste du genre Paul B. Preciado… mais aussi les pop stars Billie Eilish, Harry Styles ou Florence Welch. “C’est un voyage, précise Gus Van Sant, au sein duquel plusieurs talents ont l’occasion de parler de leur discipline. Mais il s’agit avant tout de suivre la vie quotidienne d’une femme à Rome, chez elle, dans une boutique vintage, au café, au théâtre… L’histoire écrite par Alessandro a des liens évidents avec mes films comme ‘Gerry’, ‘Elephant’ ou ‘The Last Days’. Elle est racontée de manière oblique. Les choses se passent devant vos yeux dans une temporalité comme ralentie.”
La mini-série est l’occasion pour Alessandro Michele de présenter sa nouvelle collection, baptisée, tout comme la série, Ouverture de quelque chose qui reste inachevé. “Il faut permettre à la mode de se libérer, commente le directeur artistique. Se libérer des défilés, des lieux attendus. Grâce au cinéma, le vêtement prend vie, il est porté, et n’est pas cantonné à une boutique ou à un dressing. Les vêtements reviennent d’où ils viennent : ils retournent à la vie. Le cinéma a eu un très fort impact sur ma propre existence, aussi bien les films hollywoodiens que le néo-réalisme italien. J’ai regardé plus de 20 fois ‘La Rose tatouée’ de Daniel Mann avec Anna Magnani [adaptation de 1955 d’une pièce de Tennesse Williams]. Regarder Björk dans “Dancer in the Dark” a été un vrai choc. Et découvrir “My Own Private Idaho” de Gus, il y a tout juste 30 ans, a été libérateur pour moi. Ce film m’a aidé à comprendre qui j’étais, d’une manière non conventionnelle, à la fois brutale et délicate.”
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Gus Van Sant avait tourné certaines scènes de “My Own Private Idaho” à Rome, justement, il y a trente ans. Il garde également un souvenir ému d’un autre voyage, en 1975, lorsqu’il avait rendu visite à Pier Paolo Pasolini, chez lui, juste avant qu’il ne soit assassiné. Ou du tournage du “Casanova de Fellini” sur lequel un journaliste américain l’avait emmené. “Quand j’étais jeune, continue Alessandro Michele, je ne désirais pas être designer de mode, mais créateur de costumes. On me demande encore souvent si je suis l’un ou l’autre et je suis toujours incapable de répondre. C’est cette ambiguïté qui me fascine. Mon travail est basé sur l’idée de ne jamais fermer une porte. La créativité n’est pas quelque chose que vous pouvez limiter, catégoriser ou stopper. Les vêtements sont des objets étranges et ambigus eux aussi. On les trouve dans des films, dans des machines à laver, sur des lits, dans des boutiques…” Et désormais dans une série de sept films disponibles sur les chaînes Youtube Fashion et Gucci.
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