Sarah Burton, directrice artistique de la maison Alexander McQueen depuis près de dix ans, a conçu sa nouvelle collection resort 2021 sur la base du (ré)assemblage des vêtements. Elle associe ici des coupes des années 50 à un procédé de teinture artisanale "dip-dye" pour des créations ultra-contemporaine. Technique artisanale réinventée dans la seconde moitié du XXème siècle, le dip-dye est plus complexe et chronophage qu'une simple teinture, puisque le vêtement doit être noué, dénoué et tenu à la main durant tout le temps de sa coloration.
Les silhouettes des robes, inspirées de la mode du milieu du XXème siècle - décolleté sweetheart, épaules dégagées, jupes ampoulées – et la couleur très féminine du rose et classique du noir sont modernisées par les teintures et ombrages du dip-dye. Un décolleté asymétrique dégage l’épaule droite d’une robe au corps noir à l’encolure et la bordure roses. Dans un autre modèle, fait d’une centaine de cercles d’organdi coupés à la main, c’est un haut col noir qui se dégrade subtilement pour laisser place à un buste et un jupon rose. L'assemblage des médaillons d'organdi suit le principe de vagues que forme naturellement la couture resserrée de tant de piécettes de soie, créant ainsi un effet d’ondulation organique de la robe et rehaussant l’effet de chatoiement des dégradés dip-dye. Cette robe a été entièrement cousue à partir de textiles recyclés et d’un processus de (ré)assemblage et (re)création.
Sarah Burton avait déjà démontré son intérêt pour mode plus responsable et écologique. Mais cette nouvelle collection va plus loin dans l’exploration du recyclage et de l’upcycling. La créatrice anglaise s’est en effet appuyée sur le principe du "make-do-and-mend", littéralement "faire-et-rapiécer", inventé par le ministère anglais de l’information durant la seconde guerre mondiale. Des petits livrets donnaient aux femmes restées au foyer toutes sortes d’idées pour recycler des vieux tissus, retravailler des vieux habits, transformer des vêtements d’homme en vêtements de femme… Si la situation actuelle n’est pas comparable à celle des années 40, les restrictions induites par la crise sanitaire ont obligé les maisons de couture à repenser leur façon de travailler. Ainsi, tout comme les femmes au foyer durant la seconde guerre mondiale, la plus grande partie de la collection a été constituée dans les appartements des couturiers et couturières de la maison McQueen, et les expérimentations de teintures dip-dye dans leurs jardins et cuisines. Par ailleurs, les principes de recycling et upcyling avec notamment la reprise et la teinture de vieux tissus McQueen rejoignent ceux du make-do-and-mend.
Dans une longue robe constituée d’un buste en tulle assemblé à une jupe en organdi au volume asymétrique, les croquis des modèles de la collection ont été brodés à la main dans ces multiples petits ateliers. Sarah Burton et son équipe disent avoir voulu avec cette robe mont(r)er tous les designs créés durant ces mois de travail à distance, et ainsi matérialiser le souvenir de communauté et de travail d’équipe qu’ont vécu les ateliers McQueen pendant ces temps difficiles. Photographiée sur une plage de galet gris clair et contre un énorme rocher blanc, la robe se fond organiquement avec le décor naturel, rappelant l’importance de l’inspiration de la nature pour la créatrice.