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Numéro
29 Anthony Vaccarello Saint Laurent Portrait

Anthony Vaccarello raconte le défilé Saint Laurent homme printemps-été 2023

MODE

Dans le spectaculaire défilé masculin printemps-été 2023 de Saint Laurent, présenté à Marrakech, Anthony Vaccarello déployait une collection de classiques noirs. Ce show marquant confirmait l’importance de la mode pour hommes au sein de la légendaire maison.

Anthony Vaccarello, photographié le 15 mars 2022 au siège de Saint Laurent, rue de Bellechasse, Paris VIIe. Tee-shirt en coton et pantalon en denim, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Montre “Tank de Cartier”, CARTIER. Anthony Vaccarello, photographié le 15 mars 2022 au siège de Saint Laurent, rue de Bellechasse, Paris VIIe. Tee-shirt en coton et pantalon en denim, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Montre “Tank de Cartier”, CARTIER.
Anthony Vaccarello, photographié le 15 mars 2022 au siège de Saint Laurent, rue de Bellechasse, Paris VIIe. Tee-shirt en coton et pantalon en denim, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Montre “Tank de Cartier”, CARTIER.

Voilà déjà six ans qu’Anthony Vaccarello officie en tant que tête chercheuse et créative de Saint Laurent. De lui, on connaissait, au début de son propre label, des collections de robes sublimant les corps féminins avec leurs coupes asymétriques et millimétrées. Le même degré de précision apporté à des pantalons, toujours féminins, et les déclarations du créateur professant son amour du style androgyne de l’icône Caroline de Maigret laissaient supposer qu’il pourrait peut- être aimer un jour dessiner des collections pour les hommes... Lors de son bref passage à la tête de la ligne Versus, de Versace, Anthony Vaccarello s’est frotté à l’exercice. Y perçait une prédilection pour le noir travaillé, comme il l’avait fait pour sa marque, en juxtapositions de différentes textures et brillances. Pour un amateur du noir, la maison Saint Laurent est bien sûr une aire de jeu idéale. “Puisque j’aime tant le noir, je suis obligé de travailler les différences de textures, car sinon ce n’est plus compréhensible, nous explique le directeur artistique. J’aime introduire des éléments très Saint Laurent dans mon univers personnel. Les cuirs sont souvent lavés, patinés, car l’idée de relief et d’authenticité est importante chez Saint Laurent.

 

Dessiner des collections entières de silhouettes masculines représentait malgré tout un véritable challenge pour le créateur qui s’est consacré depuis ses débuts à valoriser le corps féminin. Alors qu’il s’y adonne à présent depuis quatre ans, l’exercice nécessite toujours pour Anthony Vaccarello un déplacement, tout du moins spatial, lui permettant de mettre Paris, et la pression associée à la capitale de la mode, à distance. Ainsi ne fait-il pas mystère de son besoin de s’éloigner de la Ville lumière pour se “donner du courage”. Son premier défilé masculin à New York, en 2018, posait d’emblée un format spectaculaire, alors qu’il explorait dans cette collection un vocabulaire vestimentaire seventies inspiré du film Midnight Cowboy de John Schlesinger : “J’aime la ville de New York, son énergie, je m’y rends fréquemment, poursuit le créateur. J’associe vraiment la maison à cette ville. Yves [Saint Laurent] était très proche d’Andy Warhol.” Sa collection suivante sera présentée à Los Angeles, confirmant une subtile inspiration américaine du nouvel homme Saint Laurent.

 

Depuis, le designer a développé son propos en réinventant notamment le discours sur les genres, ancré dans l’histoire de Saint Laurent, et qui s’avère aujourd’hui un enjeu sociétal crucial. Là où l’immense fondateur de la maison empruntait les atours masculins pour en habiller les femmes, Anthony Vaccarello brouille les pistes et pose d’emblée l’interchangeabilité des vestiaires, l’existence d’un domaine commun à l’homme et à la femme, comme un fait de notre époque. Après une collection 2022 présentant des hommes en trench noir vinyle, arborant sans complexe des fourrures, du vernis à ongles et des talons hauts – pensée, de l’aveu du créateur, dans la continuité de sa collection femme dévoilée quelques mois plus tôt –, le clou était magistralement enfoncé lors du défilé présenté à Marrakech en juillet dernier. En plein désert, dans un décor somptueux imaginé par l’artiste Es Devlin – une étendue d’eau d’où émergeait un anneau lumineux –, défilaient des silhouettes noires, plutôt pensées pour le soir, faisant la part belle à un tailoring aux lignes parfois appuyées (épaules larges, taille haute), qui rendait hommage à la fois au classicisme de la garde-robe masculine française et aux classiques de la maison (le smoking, le trench-coat...). Loin d’une célébration (impossible) du Marrakech d’Yves Saint Laurent, c’est à la liberté que ressentait ce dernier lorsqu’il séjournait dans la Ville rouge que le directeur artistique belge voulait faire allusion en choisissant le lieu du show. Parce qu’il se sent désormais à l’aise dans son rôle de créateur de vêtements masculins, et que le culte de la liberté a toujours nourri la maison parisienne, volontiers transgressive du temps d’Yves Saint Laurent. Sans bousculer, mais en affirmant ses choix, Anthony Vaccarello a brillamment renouvelé cet héritage.