“Tenues de soirée pour personnes flamboyantes”
“Evening wear for flamboyant people” : claire et concise, voilà l’identité du label Lecourt Mansion telle qu'énoncée en tête de son profil Instagram. Depuis son enfance à Strasbourg, sa fondatrice Nicola Lecourt Mansion se passionne pour la haute couture, dans laquelle elle voit l’affirmation d’une identité libérée autant qu’un sens dramatique de la mise en scène. En 2016, alors qu’elle termine ses études de mode aux Ateliers Chardon Savard, c’est tout naturellement dans le décor de la nuit que ses premières pièces trouvent leur écho évident, où elles s’accordent au théâtre de la représentation et de l’affirmation de soi. Lors de ces premiers pas dans la mode lui vient alors en tête un mot central, “flamboyant”, qui revêt pour elle plusieurs sens : “d’abord, ce terme désigne la flamme, le fait de provoquer un impact immédiat comme lorsque quelque chose prend feu soudainement. Il peut aussi évoquer un caractère royal, comme celui des personnes que l’on pouvait croiser à la cour par exemple.” Un adjectif qui s’illustre à travers l’utilisation régulière par le créateur de couleurs très vives ainsi que de matériaux brillants et précieux tels que le satin, le cuir, jusqu’à une robe intégralement réalisée en cristaux Swarovski. “Je suis un peu comme une pie : j’aime les choses qui brillent et qui sont colorées”, s’amuse la créatrice de 26 ans. “La notion de flamboyance m’est donc venue naturellement avec l’idée que mes pièces soient explosives, qu’elles réchauffent.”
Un savoir-faire couture avant tout
L’une des particularités qui font la force du label Lecourt Mansion est indéniablement son application d’un savoir-faire couture à des pièces de prêt-à-porter. Son regard sur le vêtement passe d’ailleurs par sa sensibilité spécifique à la qualité et la technique de l’objet même, qui l’invite à composer sa propre collection de pièces de créateurs. “Je pense que tous les designers sont un peu fétichistes du vêtement – de sa rareté, de son vécu, du bout d’histoire qu’il porte derrière sa création”, explique-t-elle. Sans surprise, ses références majeures se trouvent du côté de ces techniciens du corps qui ont su l’habiller comme de véritables sculpteurs, à l’instar d’un Thierry Mugler ou d’un Azzedine Alaïa. Tout comme eux, la jeune créatrice française s’enamoure des pièces qui structurent la silhouette, telles que les corsets ou guêpières qu’elle va jusqu’à endosser elle-même : “J’ai une affinité avec les pièces qui sont proches du corps et qui lui attribuent une posture. C’est également pour cela que je porte des corsets et des talons : ceux-ci me permettent de me sentir élevée, maintenue.”
Sa sensibilité personnelle pour ces pièces se transcrit alors sur celles qu’elle imagine à son tour : très souvent, ses créations sont construites autour d’une taille cintrée mais soulignent aussi les lignes des hanches, des jambes et des épaules. Ayant commencé la couture très jeune, la créatrice parvient à développer en autodidacte une grande connaissance du corps ainsi qu’une maîtrise du modélisme, qui la conduit même à travailler comme retoucheuse pour les costumes des chanteuses Nicki Minaj et Rita Ora sur leur tournée. Mais son goût pour la technique s’illustre également dans la création de formes qui éloignent le textile du corps, comme celles créées par le couturier Cristóbal Balenciaga, qu’elle admire tout particulièrement. Pour sa collection automne-hiver 2019 par exemple, Nicola Lecourt Mansion imagine de longs gants couleur fuchsia, dont le tissu se prolonge dans une traîne qui flotte derrière le corps et accompagne avec grâce le mouvement des bras, ainsi que des robes froncées en satin ou en organza dont l'ampleur enveloppe le corps d'un volume flottant.
Nicola Lecourt Mansion, collection automne-hiver 2019. Photo : François Pragnère
Présentation de Nicola Lecourt Mansion à Le25Paris.
Des collections très incarnées
À ce jour, Lecourt Mansion compte au total quatre collections, chacune inspirée par une figure particulière. D’abord Dolores Sanchez – la première femme matador espagnole –, puis Séverine Sérizy – le personnage incarné par Catherine Deneuve dans Belle de jour –, puis la prêtresse vaudou Marie Laveau… Si ces personnalités ne sont pas directement le sujet de la collection, elles deviennent toutefois la source de l’histoire qu’imagine la créatrice française. Pour la saison printemps-été 2020, elle se tourne cette fois-ci vers la princesse allemande Gloria von Thurn und Taxis, connue par son style à la fois aristocratique et punk, et développe un vestiaire qui associe des coupes et matières classiques à des pièces plus sexy : des robes longues asymétriques, vestes boléro et pantalons habillés se voient ainsi assortis à des combinaisons moulantes, des brassières en satin et mini-shorts en cuir ou en denim taille haute. Nicola Lecourt Mansion y met également à contribution Vava Dudu, une personnalité excentrique et rebelle qui a su creuser son propre sillon dans le monde de la mode, de l’art et même de la musique avec son groupe La Chatte. Reconnaissable par ses créations colorées couvertes d’écritures et de dessins à la main, cette icône punk a cette fois-ci réalisé directement sur les vêtements de la jeune designer des illustrations inspirées par l’histoire de sa collection. Les corps féminins dénudés, flammes ou encore yeux perçants qu'elle dessine au marqueur rouge ou bleu créent ainsi des pièces uniques qui portent sur elles les traces de leur conception artisanale.
Nicola Lecourt Mansion, collection “Gloria”, printemps-été 2020. Photo : Vincent Thibault
Nicola Lecourt Mansion, collection “Gloria”, printemps-été 2020. Photo : Vincent Thibault
Un showroom en plein cœur de Paris
Quelques mois après avoir remporté le prix Pierre Bergé à l’ANDAM, Nicola Lecourt Mansion présente ses pièces dans un tout nouveau concept store ouvert en octobre dernier au nord du Marais, Le25Paris. Sur plusieurs mois, sa fondatrice Simona Foti y invite des créateurs à investir ce showroom comme ils l’entendent pour y exposer et vendre leurs créations, tandis que son sous-sol est réservé à l’accueil d’une vaste collection de pièces d’archives disponibles en location pour les professionnels. Un lieu qui a beaucoup inspiré Nicola Lecourt Mansion : “La première chose qui m’est venue à l’esprit était d’imaginer cet espace comme un boudoir. Cela a évolué en rencontrant Simona, qui porte toujours du bleu sur elle. J’avais envie de présenter mon travail à travers son prisme, c’est pour cela que l’on retrouve cette couleur sur la moquette et les rideaux.” Afin de compléter cette installation, la créatrice accroche aux murs des tirages réalisés par le photographe Nordine Makhloufi, qui capturent l’énergie frénétique la vie nocturne queer parisienne dans laquelle elle se retrouve elle-même. “Un espace est comme un corps”, conclut-elle. “Il faut savoir comment le structurer, comment l’investir, comme un créateur de mode le fait avec une personne.” Rendez-vous rue Notre Dame de Nazareth jusqu’au début du mois de janvier pour découvrir le fruit de cette rencontre créative.
Nicola Lecourt Mansion à Le25Paris, 25 rue Notre-Dame-de-Nazareth, Paris 3e.