Numero : Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la mode ? Et qu'est-ce qui vous anime aujourd'hui dans ce domaine ?
Ian Connor : J'ai vraiment commencé à m’intéresser à la mode à l'âge de 18 ans mais en grandissant, j'ai toujours fait attention à mon style. Cela a été ma porte d'entrée dans le monde de la mode. À mes 18 ans, j'ai commencé à m'intéresser à des marques, telles que celle de Kanye.
Bloody Osiris: Plus qu'un style, j'apporte une énergie. J'aime entrer en compétition avec moi-même pour toujours me dépasser. Je crée mon propre monde et je peux m'y mouvoir à ma propre cadence. Aussi, je fais partie d'un mouvement qui inclut tous les kids qui me respectent et m'admirent, et tous les OGs [original gangsters] que je respecte et que j'admire.
Est-ce qu'il a toujours été évident pour vous que vous alliez réussir grâce à votre style personnel ?
Ian Connor : Je viens du sud d'Atlanta, et quand je portais des jeans skinny, des pantalons en flanelle et des chemises rayées, les gens autour de moi me regardaient bizarrement. Je savais que j'étais différent, mais ma différence était acceptable, il fallait juste laisser aux gens le temps de comprendre ce que je portais. Je savais que j'allais réussir grâce à mon style. Je voulais travailler dans la mode, mais j'ignorais que j'allais devenir aussi influent.
“À l'époque, Kanye West était vraiment le leader du mouvement, Virgil agissait plutôt en coulisses. C’est un robot, un fin stratège, il calcule et comprend tout.” Ian Connor
Quand vous avez déménagé à New York, aviez-vous un projet précis ?
Ian Connor: Non je savais juste que je devais quitter Atlanta pour me réaliser, et revenir plus tard. Je voulais vivre dans une ville où la mode est importante, mais quand je suis arrivé à New York, je me suis rendu compte que là aussi j'étais différent.
Et vous Bloody Osiris, quelle influence la ville de New York, et particulièrement Harlem, où vous avez grandi, ont-ils exercé sur votre style ?
Bloody Osiris: New York et Harlem plus précisément sont la Mecque du style. À chaque époque, Harlem a toujours été un leader dans la mode. Aujourd'hui je ne vis plus dans le quartier mais j'y retourne tous les jours, j'essaie d'emmener tous les frères downtown pour leur montrer la vie au-delà de leur block.
Ian, comment était votre vie à New York ? C'est là que vous avez notamment rencontré le musicien Theophilus London.
Ian Connor: Theo est la personne qui m'a ouvert l'esprit. J'avais 18 ans quand je suis arrivé à New York, et Theo vivait dans un appartement de deux pièces à Soho. Il avait tellement de vêtements qu'il avait transformé une des deux pièces en un grand dressing si bien que lorsqu'il hébergeait un ami, il devait dormir sur le canapé. Faire la fête, parler, chiller avec lui, tout ça c'était fou. Il voyageait tout le temps, et ça pour moi aussi, c'était presque irréel, jusqu'à ce que je commence à mener la même vie. Et c'est Virgil Abloh qui m'a aidé à révéler ma créativité. Virgil m'a expliqué que lorsqu'on a une vision très précise, par exemple, d'une image qu'on veut réaliser, alors l'appareil photo devient comme un troisième oeil, comme une extension de soi. La même chose avec Kanye aussi bien sûr : en termes de musique, de vibes, il faut savoir ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas. À l'époque, il était vraiment le leader du mouvement, Virgil agissait plutôt en coulisses.
Ian, vous aviez 19 ans seulement quand Kanye vous a proposé de travailler avec lui sur ses collections.
Ian Connor : Oui c'était très enrichissant, je venais juste d'arriver à New York, j'étais un enfant de la rue, je n'étais rien. J'étais moche et petit, j'avais l'impression que je n'étais pas assez cool. Donc cela m'a beaucoup aidé sur le plan mental, émotionnel, ça m'a donné confiance en moi. Un peu comme si j'avais erré dans un tunnel sombre, et tout à coup je trouvais enfin la lumière que je cherchais.
“Le danger d’Instagram, c'est de se laisser dévorer par le personnage qu'on a créé, de perdre pied avec la réalité.” Bloody Osiris
Est-ce que vous avez été surpris de la réussite de Virgil dans une ville comme Paris, réputée difficile ?
Ian Connor : Je n'ai pas été surpris car Virgil est un robot, un fin stratège, il calcule et comprend tout. Il est plus cérébral qu'émotionnel, mais il sait comment générer des émotions chez les autres, grâce à ses idées. C'est un talent, un vrai don de Dieu. Il a fait des études, moi pas, mais nous nous rencontrons sur un terrain commun, qui est le point médian entre le streetwear et le luxe.
Après son défilé automne-hiver 2016-2017, vous avez salué le public en courant avec lui. Ce moment avait-il été planifié, ou était-ce spontané ?
Ian Connor : C'était spontané. A l'époque je devais défiler dans ce show, mais je ne le sentais pas. C'était l'époque où j'étais dans toutes les campagnes Yeezy, des éditos pour Vogue ou i-D, et je trouvais que c'était trop si je défilais pour Off-White. Mais je suis aussi une vraie personne, et je savais que ce n'était pas cool pour Virgil. Donc à la fin du show, quand j'ai vu qu'il était tout timide et hésitait à saluer, je voulais l'aider à prendre confiance en lui. C'est pour ça que je suis sorti saluer avec lui : il fallait montrer au public qui était le gars qui venait de faire ce défilé, qui avait réussi à enfoncer les portes de la mode parisienne.
Parlons de A$AP Bari [membre de la A$AP Mob et fondateur de la marque Vlone], quel rôle a-t-il joué auprès de vous?
Ian Connor : Il est la première personne que j'aie croisé à New York sur la route qui m'a mené à la mode, alors que je n'étais encore qu'un gamin de la rue. Il a construit Vlone, qui est avant tout l'expression d'un lifestyle : live alone, die alone. Il baisait des blanches juste pour que j'aie un toit pour dormir. À l'époque, si je lui disais "Yo Bari je suis fatigué, j'ai pas envie de remonter jusqu'au Bronx, où est-ce qu'on pourrait aller ?" Il me répondait : "T'inquiète pas, ma petite salope blanche vit dans le Lower East Side et c'est une fan, elle va prendre soin de nous". Elle nous donnait de l'argent et tout. A l'époque, je trouvais ça fou d'avoir une petite blanche dans le Lower East Side qu'on pouvait appeler comme ça.
Bloody Osiris, vous utilisez Instagram pour montrer votre lifestyle et votre style vestimentaire. Est-ce que vous prenez plaisir à jouer le jeu des réseaux sociaux ?
Bloody Osiris : Oui, les réseaux sociaux sont fun, mais ils sont aussi dangereux. Il faut savoir poser son téléphone, parfois. Le danger, c'est de se laisser dévorer par le personnage qu'on a créé, de perdre pied avec la réalité.
Vous avez récemment réalisé le stylisme d'une série de photos de Travis Scott. Est-ce que vous considérez le stylisme comme un job que vous voudriez exercer de façon sérieuse? Ou plutôt comme une expérience, une expression créative?
Bloody Osiris : C'est une expression et une extension de ma personnalité. Styler une série de photos, c'est plutôt un hobbie. Bientôt, je voudrai passer à autre chose. Je suis comme ça.
Est-ce que vous venez souvent à Paris ? Et qui sont vos amis parisiens ?
Bloody Osiris : Je fréquente la jeunesse parisienne, notamment les Twins [danseurs de Beyoncé]. Je les emmène partout avec moi, que ce soit un défilé ou shoot. Ils m'aident à garder les pieds sur terre.
Ian Connor: C'était vraiment cool de faire ce shoot avec mon frère à Paris. Je viens à peu près 8 fois par an, je traîne avec Brian, mes potes de M+RC, ArhturKar, Alex Sossah… Je viens en France depuis mes 21 ans, et je ne parle toujours pas un mot de français. Mais j'aime bien la vibe parisienne.
@ianconnorsrevenge, @bloodyosiris
Photographe : Irving Pomepui @irvingpomepui, styliste : Stephy Galvani @stephygalvani, hair & Make-up : Amélie Gallon & Laura Casado Arino @les___filles, production : @radical.pr.
Ian Connor
Bloody Osiris : Parka, VALENTINO. Chemise, EDITION MR. Veste, BOYHOOD. Pantalon, SADAK. Baskets NIKE X OFF-WHITE