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21 Le jour où Helmut Lang a présenté le tout premier défilé de mode en ligne

Le jour où Helmut Lang a présenté le tout premier défilé de mode en ligne

MODE

Alors que Londres, Milan et Paris organiseront bientôt leurs premières Fashion Weeks intégralement digitales, l'époque que nous traversons offre l'occasion de se remémorer un tournant révolutionnaire dans l'histoire de la mode et du défilé : le jour où, en avril 1998, le créateur autrichien Helmut Lang a présenté le tout premier défilé exclusivement en ligne et sur CD-ROM.

Nous sommes à la fin mars 1998 et Helmut Lang s’apprête à présenter sa collection automne-hiver 1998 à New York, où son label défile depuis un an. Mais quelques jours seulement avant le défilé, le créateur autrichien change d’avis : celui-ci sera présenté en ligne. Le 1er avril, les invités de la présentation reçoivent donc un CD-ROM et une adresse internet, www.helmutlangny.com. Ils y découvrent alors une vidéo de 15 minutes du défilé sans public, des photos des 83 silhouettes proposées et un lookbook. À peine une dizaine de mannequins font partie de ce casting qui mêle homme et femmes, dont l’actrice américaine Daryl Hannah. Avec ce défilé mixte et exclusivement virtuel – bien que les acheteurs et journalistes seront plus tard invités à voir la collection en vrai dans un showroom de New York –, Helmut Lang crée l’événement ainsi qu’une véritable révolution dans l’histoire de la mode : alors qu’Internet n’est encore qu’au début de sa démocratisation, le créateur est le premier de sa profession à investir cette plateforme pour présenter une collection de vêtements. 

 

Au sein de ce défilé virtuel, l’Autrichien propose comme à son habitude des pièces d’une étonnante contemporanéité. Toutes les composantes du minimalisme d’Helmut Lang sont là : les teintes sobres – noir, blanc, camaïeux de gris, de beiges et de bruns clairs –, leurs déclinaisons à travers des jeux de texture et d’effet de matière – satiné, mat, gauffré, tricoté, en cuir – mais également des effets de lumière et le dévoilement discret des corps par des matériaux plus ou moins transparents, plus ou moins brillants et plus ou moins légers. Les contrastes sont subtils mais essentiels à la composition de silhouettes modernes autant qu’adaptées à tous types de corps et de générations. Car dès la fin des années 80, bien loin des extravagances vestimentaires de la mode de l’époque, Helmut Lang a su doter ses créations d’un caractère résolument portable au quotidien auquel il insufflait, par petites touches, les éléments plus originaux qui on progressivement construit sa signature. 

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<p>Helmut Lang, collection automne-hiver 1998-1999. Photo: Courtesy of hl-art</p>

Helmut Lang, collection automne-hiver 1998-1999. Photo: Courtesy of hl-art

<p>Helmut Lang, collection automne-hiver 1998-1999. Photo: Courtesy of hl-art</p>

Helmut Lang, collection automne-hiver 1998-1999. Photo: Courtesy of hl-art

“Si cela fait quelques saisons que nous voulons voir un nouveau défilé d’Helmut, c’est la parfaite manière de voir sa collection, et elle gagne du temps. On ne court pas à droite à gauche pour voir un défilé agglutiné pendant trois heures. Et ce temps est ce que l’on veut sauver”, confiait au New York Times Kal Ruttenstein, vice-président des magasins Bloomingdale’s, à la suite de cette présentation innovante du mois d’avril 1998. En effet, si le défilé d’Helmut Lang ôtait aux spectateurs l’expérience réelle du moment et l’appréhension directe et matérielle des pièces, il était alors annonciateur de mutations majeures dans l’industrie de la mode. Nul ne pouvait encore imaginer qu’à partir des années 2000, les labels et maisons communiqueraient de plus en plus par le numérique, dévoilant progressivement tous les visuels de leurs collections en ligne jusqu’au tout premier défilé retransmis en direct par Alexander McQueen en 2009.


Aujourd’hui, alors que les prochaines Fashion Weeks de Londres, Milan et Paris seront toutes intégralement digitales en conséquence de la pandémie de Covid-19, cette innovation sonne encore davantage, vingt-deux ans plus tard, comme un tournant majeur autant qu’une démarche risquée mais ô combien visionnaire du créateur autrichien, qui a quitté la direction artistique de sa propre maison en 2005. Les prochains mois nous diront si les labels contemporains sauront honorer cet héritage.