Il y a 20 ans, Marc Jacobs présentait la première collection de prêt-à-porter de la maison Louis Vuitton. Le créateur américain, choisi par le très audacieux Bernard Arnault (actionnaire majoritaire de la maison depuis 1989), devait créer de toutes pièces un univers autour des lignes de sacs du célèbre maroquinier français. Aucune archive pour s’inspirer, aucune directive non plus, sauf peut-être celle de vendre des sacs. Attendu au tournant, il présente, au début de l’année 1998, une collection automne-hiver à l’élégance minimaliste et aux teintes sobres où, pour la première fois, les accessoires font partie intégrante de la silhouette.
Il faudra attendre son sixième défilé (saison printemps-été 2001) pour qu’il fasse sensation. En invitant l’artiste underground Stephen Sprouse à taguer l’iconique toile enduite, monogrammée d’inscriptions verte, rose, jaune ou orange fluo, le turbulent créateur américain entre dans la légende et abat la frontière entre la mode et l’art contemporain. Par la suite, il ne cessera de repenser la silhouette parisienne bourgeoise, à travers des collections saturées d’inspirations et de logos. Tandis qu’il mélange les époques, les styles, les cultures avec une rare dextérité, il adjoint à ses collections quelques collaborations artistiques bien senties, notamment avec Richard Prince ou Takashi Murakami et organise des défilés grandioses, qui emmènent Louis Vuitton dans une nouvelle ère exaltante, pop et contemporaine. Son dernier défilé en 2013 célèbre la mode et ses 16 années passées chez Louis Vuitton : un décor noir qui reprend des détails de ses précédents shows, des silhouettes noires qui rendent hommage à son travail mais également à Coco Chanel, Miuccia Prada ou Rei Kawakubo; un défilé dramatique mais joyeux qui résume l'éclectisme et l'extravagance d’un créateur hors du commun.
En novembre 2003, Louis Vuitton annonce son nouveau directeur artistique en la personne de Nicolas Ghesquière. Un changement radical, tant le style du créateur autodidacte, qui était de 1997 à 2012 à la tête des collections Balenciaga, diffère de son prédécesseur, notamment à travers des silhouettes avant-gardistes, des inspirations sci-fi, technologiques, futuristes et des matières innovantes. Si l’on retrouve bien la femme française, chère à l’esprit Louis Vuitton, ainsi que des accessoires aussi désirables que révolutionnaires, la vision du très discret Nicolas Ghesquière, autant cérébrale que transgressive, détonne. Ces défilés grandioses, orchestrés dans la flambant neuve Fondation Louis Vuitton, dans le musée du Louvre à Paris, Miho à Kyoto, Niterói à Rio ou à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, témoignent également de l’étroite relation qu’entretient Nicolas Ghesquière avec l’art. Au même titre que les silhouettes de Marc Jacobs, qui incarnaient à merveille le début des années 2000, la mode avant-gardiste déployée par Nicolas Ghesquière répond aux attentes de son temps. En mai dernier, le directeur artistique annonce d’ailleurs le renouvellement de son contrat avec la maison française et prouve que l’alchimie entre les deux fonctionnent toujours parfaitement.
CATWALK - L’intégrale des collections prêt-à-porter femme. Introduction de Jo Ellison. Textes sur les collections et biographies des directeurs artistiques de Louise Rytter.