“Je ne voulais pas de mon nom sur les étiquettes”, lâche Lucas Ossendrijver, qui revient (enfin) sur la scène mode. Et signe une première capsule avec Theory pour cet automne-hiver. Qu’importe d’ailleurs si son patronyme n’est pas mentionné, les fans du créateur néerlandais, qui a longtemps clôturé la Fashion Week de Paris avec ses collections racées pour Lanvin, reconnaîtront sans délai sa patte singulière. Coupes nettes et volumes déstructurés, matières nobles et tissus techniques, poches contrastées, zips contrecollés, détails millimétrés, finitions soignées... sa proposition pour le label new-yorkais balance à merveille entre les dressings citadin et sportswear. En prime, elle comporte des pièces pour femmes, une première dans la carrière de ce quinquagénaire aussi brillant que discret, affable, pas snob et, aussi, amoureux de Paris, où il a constitué un studio de création entièrement dédié à la collection Theory Project, qui s’annonce comme tout sauf un one shot.
Lucas Ossendrijver,
La première saison de ce nouvel opus a été dévoilée début septembre, alors que les modèles arrivaient en boutique partout dans le monde, en dehors du calendrier traditionnel de la mode, sous la forme d’une performance avec trois chorégraphes devant le siège de la marque dans le Meatpacking District à New York. Un événement qui avait été annoncé dans tout Manhattan à l’aide d’une campagne d’affichage signée par le photographe David Sims. Et que Lucas Ossendrijver avait souhaité ouvert au grand public. “Je tenais à ce que cette collection prenne corps dans la rue, qu’elle évolue d’emblée dans son environnement naturel plutôt que sur un podium, argumente-t-il. Il s’agit de vêtements portables, fonctionnels, pensés pour la vie de tous les jours, qui sont produits à grande échelle en raison de la taille de cette entreprise, de son réseau de boutiques et du groupe Fast Retailing [par ailleurs propriétaire de l’enseigne Uniqlo] qu’il y a derrière... Les produits doivent être plus simples que ce que j’ai pu créer jusqu’à présent, mais c’est ce qui rend le projet intéressant, grisant. Dans ce cadre, je découvre, j’écoute, j’apprends quelque chose de différent. C’est précisément ce que je recherchais à l’issue de Lanvin. J’avais eu divers entretiens avec des groupes de luxe, mais tout ce que l’on me proposait était hélas plus ou moins ce que j’avais d’ores et déjà réalisé par le passé.”
De Kenzo à Lanvin en passant par Dior : l'ascension fulgurante
Doublement diplômé du Dutch Art Institute d’Arnhem, Lucas Ossendrijver a déménagé en 1997 pour Paris, et dessiné des modèles pour Kenzo Homme pendant trois ans, avant de travailler brièvement pour le label New York Industrie et le créateur Kostas Murkudis. Puis il a intégré la maison Dior, où il a été en charge du style de la ligne classique pendant quatre ans. Enfin, il a rejoint Lanvin en 2005, avec la mission de repositionner son univers masculin, en étroite collaboration avec Alber Elbaz qui réinventait la mode féminine et assurait l’ensemble de la direction artistique de la griffe. Un exercice délicat, réalisé de façon si subtile par ce designer peu connu, au nom difficile à orthographier sans faire de faute, que son aîné a rapidement décidé de se poster en retrait à chaque fois qu’ils venaient saluer à deux à la fin des shows homme, afin de mieux le faire connaître. Lucas Ossendrijver était si applaudi par les professionnels que des jeunes diplômés se sont pressés de faire leur apprentissage à ses côtés. Des créateurs qui ont depuis décroché des postes en première ligne dans d’autres maisons (Brioni, Salvatore Ferragamo...) et qui, comme Lucas Ossendrijver, s’adonnent à la tâche sans chercher à devenir plus célèbres que la maison qui les emploie.