Rihanna par Puma
Elle a l’intelligence du vêtement. Son aplomb – on pourrait presque dire sa crânerie – impose les tenues les plus extravagantes. Égérie Balmain, puis Dior, couronnée d’un CFDA Award la consacrant icône de style de l’année 2014, Rihanna aurait pu se contenter de faire fructifier son aura stylistique en lançant une collection capsule avec une grande maison. Au lieu de cela, la star planétaire a décidé de voir plus grand.
Sa dernière entreprise est donc une ligne de vêtements bien à elle placée dans le giron de la marque de sport Puma, griffée Fenty x Puma (Fenty étant le surnom de Rihanna). Rappelons qu’en 2014, la sublime jeune femme originaire de la Barbade a été nommée directrice artistique de la marque de sportswear. Avant de dévoiler sa première collection pour Fenty x Puma lors de la dernière Fashion Week new-yorkaise, “Riri” avait déjà conçu pour Puma une ligne de baskets compensées instantanément devenues cultes. Pour sa ligne Fenty x Puma, la pop star explore ses propres codes vestimentaires dans une variante noir corbeau très néogothique. La collection décline des sweat-shirts à capuche oversize, des jeans découpés et imprimés de slogans, des bottes haut perchées, des brassières de sport pour le soir et des tours de cou très années 90.
En ouverture du défilé apparaît la flamboyante Lexi Boling, autre héroïne des temps modernes, quoique moins célèbre. Elle porte un ample sweat-shirt noir, lacé sur le ventre, et des cuissardes blanches frappées de la marque Puma inscrite en caractères gothiques tremblés. Lexi Boling aurait très bien pu être la diva barbadienne en personne. On voit rarement des créateurs de mode travailler aussi explicitement pour eux-mêmes, d’autant qu’ils doivent généralement penser à l’ensemble du marché. “Je conçois des choses… de façon un peu égoïste”, reconnaît la star, une étincelle dans l’œil. “Je suis une styliste égoïste.”
Mais la force d’attraction de Rihanna est telle que son style gangsta chic a tout simplement modelé le goût de sa génération. Avant même de lancer sa propre ligne de vêtements, la pop star avait donc déjà créé son propre marché. Si bien que l’on pourrait presque affirmer qu’elle est à l’origine du vent de sophistication qui souffle sur le streetwear. On note certes au passage des réminiscences “cross-genres” de Hood By Air ou quelques ressemblances avec des créations d’Alexander Wang… mais Rihanna semble être armée d’une solide vision. Fenty x Puma fait preuve de cohérence, et on peut parier que les ventes seront à la hauteur d’autres succès hype tels que Yeezy, Supreme ou les skateboards Palace.
Face à la récente vague de célébrités devenues designers (Kanye West avant même Rihanna), une partie de l’industrie de la mode demeure sceptique, voire franchement hostile. L’argument étant que les stars du R’n’B accaparent l’attention médiatique au détriment de marques de jeunes créateurs encore anonymes, qui ont cruellement besoin d’exposition. Cependant, les critiques ne doivent pas oublier que le monde a changé. Les stars du rap et du R’n’B affichent leur passion pour la mode et déclenchent, à chacune de leurs apparitions, de véritables razzias dans les boutiques de vêtements – la doudoune Moncler et le pull gris Acne Studios que porte Drake dans la vidéo de son tube Hotline Bling ont rapidement été en rupture de stock. De plus, les codes vestimentaires ont changé, et le mix and match du luxe et du streetwear est devenu la règle. Icône de Dior et muse de Chanel, Rihanna elle-même n’a pas délaissé le sportswear, malgré son succès et les moyens financiers qui l’accompagnent. Sa ligne de vêtements lui permet aujourd’hui d’incarner encore un peu mieux la voix et les désirs de la jeunesse mondiale, en proposant un juste milieu démocratique entre le luxe et le sportswear de masse.