1. Rap, électro et contre-culture Zef
Resté dans l’ombre pendant des années, il n’a fallu que quelques heures à Die Antwoord, groupe de rap basé au Cap, pour être propulsé sous les feux des projecteurs. Février 2010, deux clips déjantés – Enter the Ninja et Zef Side – sont postés sur un blog renommé. En une journée, le site est saturé par plus de trois millions de visites d’internautes subjugués par leur rap déclamé en anglais et en afrikaans sur des beats électro, et paré d’une esthétique psychotique. Dans Enter the Ninja, le leader du groupe au regard d’aliéné, arbore un patchwork de tatouages dignes d’un caïd. Debout devant un mur de dessins noir et blanc à la Keith Haring, ses apparitions sont bientôt remplacées par celles de sa partenaire, muse et âme sœur, Yo-landi Vi$$er. La blonde fatale au physique d’elfe miniature et à la coupe mullet asymétrique roule ses “r” avec une inflexion presque sinistre et nourrit une passion pour les rats blancs.
La férocité du groupe plaît et Die Antwoord s’autorise alors quelques tacles bien placés…
Ce vendredi, Die Antwoord sera sur la scène de Rock en Seine pour déverser ses strophes acides et volcaniques. Comme dopé au Red Bull, le duo propage un mouvement, le Zef, contre-culture sud-africaine qui désigne le détournement des codes et du style de vie “ringard”. Un terme d’argot afrikaans issu à l’origine d’un nom donné à une automobile prisé par la population ouvrière aisée : la Ford Zephyr. L’année prochaine sortira 27, l’ultime album du duo composé comme son nom l’indique de 27 titres. Il succèdera à Mount Ninji and Da Nice Time Kid sorti en 2016.
Die Antwoord - “Enter The Ninja”
2. D’Alexander Wang à Roger Ballen
Repérés puis bientôt adulés par Alexander Wang qui trouve leur rythme “dingue” et leur rap “irréel” les deux membres de Die Antwoord développent un projet proche de l’art conceptuel pour certain et d’un délire allé beaucoup trop loin pour d’autres. Et très vite, la faune artistique souhaite collaborer avec eux. En 2011 Harmony Korine réalise un court-métrage de quinze minutes avec le duo, intitulé Umshini Wam (Apportez-moi ma mitrailleuse), un cocktail réussi qui mêle leurs styles délirants. Un an plus tard, pendant le tournage du clip d’I Fink You Freeky, le photographe Roger Ballen, célèbre pour ses portraits dérangeants des figures marginales de la société sud-africaine, les initie à la fiction documentaire, cette idée que l’on peut partir d’une histoire vraie pour en faire un récit exagéré. Die Antwoord ne se départira plus du concept. La férocité du groupe plaît et il s’autorise alors quelques tacles bien placés…
David Ayer, le réalisateur de Suicide Squad est très vite accusé de plagiat sur les réseaux sociaux par Yo-Landi Vi$$er.
3. Plagiat, Lady Gaga et appropriation culturelle
Avec Fatty Boom Boom, c’est tout le fleuron de la pop américaine qui en prend pour son grade. Mais Die Antwoord s’attarde sur le cas Lady Gaga et son illustre robe en viande la laissant se faire dévorer par un lion dans le clip. La chanteuse apprécie moyennement et invective le duo comme suit : “Vous n'avez aucun tube. Moi j'ai vendu des millions de disques en Afrique du sud”. Malheureusement, elle ne reprendra pas le contrôle de la cour de récréation du fait de ce manque de répartie.
En 2016, le réalisateur David Ayer adapte le comics Suicide Squad à l’écran. Figure de proue du long métrage : le Joker interprété par Jared Leto, un personnage annexe au style fortement inspiré de l’univers de Die Antwoord. Le réalisateur est très vite accusé de plagiat sur les réseaux sociaux par Yo-Landi Vi$$er elle -même qui lui reproche d’avoir intégré les graffitis présent dans la séquence d’ouverture du clip Enter the Ninja dans une scène du long-métrage et d’avoir calqué le personnage de Harley Quinn (Margot Robbie) sur le sien. Quelque temps plus tard, les rôles s’inversent et c’est une affiche promotionnelle qui fait réagir. La musicienne sud-africaine Ntsiki Mazwai apostrophe Ninja et mentionne son appropriation de la culture Xhosa, une ethnie originaire de la région des grands lacs. Sur la photographie, il arbore une tenue traditionnelle : “Il n’est pas un homme Xhosa. Il n’a pas vécu dans les montagnes et ne sait pas ce que signifie cette couverture, explique t-elle, je trouve ce comportement irrespectueux. Il n’est pas représentatif de la culture sud-africaine et je ne suis pas d’accord que le monde pense qu’il le soit.” L’image ne sera pas retirée. Que la sphère de la musique se rassure, Die Antwoord a entamé une thérapie. Sur les conseils de David Lynch, Yo-Landi Vi$$er pratique la méditation et tente de contrôler son caractère violent…
Die Antwoord, en concert au festival Solidays le samedi 22 juin.
Die Antwoord - “Fatty Boom Boom”