Casque sur les oreilles et guitare à la main... c’est de cette façon que le jeune chanteur britannique de 21 ans, passe ses journées. Originaire du borough Enfield au nord du Grand Londres, Declan McKenna est propulsé sur le devant de la scène dès l’âge de 15 ans avec le titre Brazil qu’il compose en réaction à la corruption des élites et la pauvreté de la population brésilienne en pleine Coupe du monde de football, en 2014. Dans la foulée, il rencontre James Ford, le producteur des Arctic Monkeys, de Gorillaz et des Foals entre autres, puis signe chez Columbia Records et produit deux albums studios – le dernier, Zeros, est prévu pour le 21 août 2020. Rencontre.
Numéro : Où vous trouvez-vous en ce moment ?
Declan McKenna : Je suis confiné avec deux de mes amis au nord de Londres, où je vis. Nous sommes ici depuis deux mois environ. Il y a des hauts et des bas, mais de manière générale je me sens bien. J’ai de l’espace et beaucoup de choses à travailler en ce moment.
Vous m’avez l’air très occupé… ?
J’essaie d’écrire un peu de musique dès que j’ai le temps et de m’occuper le plus possible. Je ne suis pas quelqu’un qui prend du plaisir à ne rien faire. Il faut que je sois productif. En ce moment, je fais beaucoup de musique, et je me suis aussi mis à la peinture pour passer le temps ! Par ailleurs, beaucoup de projets se sont mis en place ces derniers jours, avec des performances live sur Facebook et Instagram, de nouvelles versions de certaines de mes chansons. Comme tout le monde reste à la maison, je pense que les gens apprécient vraiment cela.
Dans cette course à la diffusion de contenu sur les réseaux sociaux, certains artistes vont jusqu’à parler de “public affamé”. Ressentez-vous la même chose ?
Hum, pas vraiment ! Je ne pense pas que la publication massive de contenu soit ma priorité pour le moment ! [Rires.] Mon album Zeros est sur le point de sortir, et mon groupe et moi étions concentrés sur la sortie des singles Beautiful Faces et The Key to Life on Earth. C’est un moment plutôt étrange pour tout le monde, mais j’en profite pour travailler ma musique et changer ma façon de produire la sortie de mon album. J’ai dû revoir pas mal de choses et changer ma façon de faire, ce qui n’est pas évident, mais je suis dans une position où tout doit être mis à l’arrêt. Je me sens vraiment reconnaissant d’avoir un peu d’espace pour pouvoir faire ce que je fais de mieux, même si j’aurai aimé que cela se passe différemment.
Votre second album studio Zeros est finalement prévu pour le 21 août prochain…
Exactement ! L’album en lui-même est fini depuis l’année dernière. Je n’ai qu’une envie, c’est de pouvoir le sortir et le partager avec le public. Tout a tellement changé en si peu de temps que pour le moment il faut attendre. Il me tarde de le sortir et de travailler sur un nouveau projet.
Vous êtes productif au point de déjà prévoir un troisième album ?
Oui ! Pour l’instant j’expérimente plus qu’autre chose. J’essaie de travailler ma propre production depuis chez moi pour voir comment produire un troisième album différent de celui que j’ai enregistré l’année dernière. Je suis à une étape vraiment préliminaire, car je travaille pour le moment sur différents enregistrements live pour mon compte Instagram. J’attends d’être un peu plus disponible pour rassembler quelques idées pour de futurs enregistrements de morceaux.
Declan McKenna - Brazil (2015)
Vous avez débuté aux côtés de James Ford, incontournable producteur de la scène indie-rock. Souhaiteriez-vous collaborer à nouveau avec lui ?
J’aimerais pouvoir travailler avec James Ford à nouveau ! Pour mon nouvel album Zeros, j’ai collaboré avec ce grand artiste qu’est Jay Joyce. James est très occupé pour l’instant et nous n’avons pas eu l’occasion de travailler ensemble sur mon dernier album, mais j’aurais adoré ça. Il est une légende dans le milieu indie-rock à Londres et au Royaume-Uni en général. Il est sûr que James m’a beaucoup apporté et forgé à mes débuts avec mon premier album What Do You Think About the Car ? (2017). C’est un gars adorable ! J’aimerais aussi produire plus et avoir plus de contrôle sur mes morceaux à venir. Mes expériences m’ont rendu plus confiant à ce sujet.
Comment travaillez-vous pour réaliser vos morceaux en temps normal ?
De manière générale, j’écris les chansons par moi-même et ensuite je les partage avec mon groupe pour qu’on les joue tous ensemble, en tenant compte de l’idée principale. En quelque sorte, on déplie la version originale et voit ce qui fonctionne en tant que groupe. On passe après à l’enregistrement et on retravaille cela en studio. J’ai écrit une série de morceaux sur mon nouvel album, et Jerry m’a aidé en studio pour terminer tout ce long processus. Il avait ce truc pour faire sortir de sa tête toutes les sessions qu’on a réalisé ou pour remarquer ce qui ne fonctionnait pas et trouver une meilleure alternative. Jerry a un bon feeling pour savoir ce qui est indispensable à un morceau.
Sur quel morceau avez-vous pris le plus de plaisir lors de l'enregistrement?
Je me souviens de Emily comme vraiment amusant à enregistrer ! C’est un des rares morceaux que nous avons joué en groupe entier ; d’habitude, nous enregistrons chacun individuellement. J’ai pu tester pas mal de chose au niveau instrumental, avec des solos à la guitare slide ou deux parties à la guitare jouées simultanément pour créer une sonorité psychédélique. Le morceau Eventually, Darling a aussi été intéressant à faire. Jerry avait eu cette idée de récréer un son de tambour en arrière-plan, mais très vite nous avons été découragés par ce son introuvable après lequel il courrait. Nous nous demandions si ça valait vraiment le coup. Ça nous a pris du temps mais ça a fini par fonctionner…
La réalisation du clip du titre The Key To Life on Earth montre une dimension plus intime de votre personnalité. Vous y apparaissez en duo avec l’acteur Alex Lawther, qui vous suit comme un alter-ego incontrôlable.
Ce moment était tellement drôle ! J’ai travaillé avec Will Hooper, qui avait déjà réalisé le clip de premier morceau de l’album, et avec lequel j’ai beaucoup collaboré. Nombre des gens présents sur le shooting de Beautiful Faces étaient présents pour celui-ci. C’est agréable d’être dans cet environnement où tout le monde se soutient. Nous avons beaucoup ri sur le tournage avec Alex, c’était dur de garder notre sérieux. C’était détendu, même si un peu intimidant car je me suis retrouvé à jouer aux côtés d’un excellent acteur pour qui il est simple de se mettre dans la peau d’un personnage. Son jeu a réellement apporté résultat final du clip.
Declan McKenna - The Key to Life on Earth (2020)
Comment vous êtes-vous rencontré avec Alex Lawther ?
Nous ne nous connaissons pas depuis si longtemps que ça. Je souhaitais entrer en contact avec lui depuis quelques temps et nous nous sommes rencontrés en début d’année dernière lorsqu’il était à Londres ; il vit la plupart du temps à Paris. Nous avons passé du bon temps ensemble, nous nous avons de nombreuses choses en commun et c’est intéressant de pouvoir partager nos expériences d’acteur et de musicien.
Il semble vous tenir à cœur d’avoir une communauté sur laquelle vous pouvez compter. En particulier lorsque l’on arrive dans cette industrie jeune. Dans votre cas, votre tout premier titre Brazil (2015) est sorti alors que vous aviez tout juste 15 ans.
À ce moment-là je n’avais rien sorti d’autre forcément, mais tout a commencé très tôt pour moi. Je trouve ça bien d’avoir des gens autour de moi à qui je peux faire confiance et avec qui partager mes ressentis. Ça fait plaisir de savoir que nous sommes tous dans le même bateau, que nous faisons face aux mêmes difficultés, mais aussi que nous pouvons échanger pleins d’idées.
Aviez-vous déjà envie à l’époque de faire carrière dans la musique ou est-ce que le titre Brazil était plutôt un moyen d’exprimer une situation politique qui vous alarmait à l’époque ?
Les deux, je pense. Je savais que j’avais envie d’être sur scène, car j’ai pratiquement passé toute ma vie à faire de la musique. Je ne m’attendais pas vraiment à ce que cela donne quelque chose, mais faire de la musique a toujours été quelque chose de naturel pour moi dès mon plus jeune âge. Je crois que je voulais avoir l’impression de dire quelque chose qui avait du sens pour moi, surtout en étant si jeune et en ignorant tous les codes de l’industrie. Tout est parti de là, et aujourd’hui j’écris toujours en prenant en compte ce qui me tient à cœur, que cela soit personnel ou que cela parle à un plus grand nombre.
D’où vous vient cette aisance, à 15 ans, de monter sur scène et de performer ?
J’ai toujours performé en vérité. Je suivais des cours de théâtre à l’école, faisait des gigs acoustiques dans mon quartier et dans Londres quand j’avais 13 ou 14 ans. Je trouve assez dur de percer sur la scène londonienne, mais je n’ai jamais eu peur de monter sur scène ; c’est tout ce que j’avais envie de faire ! [Rires.] Quand j’ai commencé à réellement performer avec une pédale d’effet, je devais tellement me concentrer que je me souciais davantage du regard du public. En grandissant, la pression est un peu plus grande et j’ai un peu délaissé le côté musical pour devenir un performeur et divertir les gens en étant sur scène. Changer pour ce rôle était un peu difficile au début, mais le plus de pression nous avons, le plus nous attirons l’attention des gens, je suppose.
Vous proposez des titres indie-rock britanniques comme on les aime. Quelles sont les artistes et musiciens qui vous ont poussé à suivre cette voie ?
Quand j’ai composé Brazil, j’ai beaucoup été inspiré par les Mystery Jets. Mon frère m’a fait découvrir leur musique très tôt et j’ai baigné dedans pendant mon enfance. Je m’inspire de différents chanteurs, dont Bob Dylan. Je trouve que c’est une richesse en tant que musicien d’avoir cette sorte d’identité, de vision du monde partagée et de mettre au centre de tout une croyance en la paix et en l’amour. Vous ne savez pas exactement comment, mais vous contribuez à cette dynamique collective en observant le monde et la façon dont nous prenons soin ou non les uns des autres. Je pense que c’est très subtil en musique, et beaucoup de gens y trouve une morale, une histoire racontée du moment qu’ils prennent le temps d’écouter.
Vous ne semblez pas être un performeur hors pair seulement sur scène. Récemment TikTok vous a pas mal occupé…
C’est une application très intéressante ! Tellement de recoin à explorer, avant que vous réalisiez que vous êtes totalement tombé dedans… [Rires.] J’ai fait pas mal de vidéos pour des projets mais aussi simplement pour m’amuser et gentiment me moquer de l’univers TikTok de manière générale. Cela me rappelait aussi lorsque j’avais 13 ans quand je prenais quelques minutes pour réaliser une vidéo que je postais ensuite sur internet et qu’ensuite les gens disent “ha ouais, c’est trop cool ce que tu fais !” C’est étrange de se dire que je faisais ça tout en travaillant sur un album pendant trois années entières. [Rires.]
Avec le confinement, certaines personnes deviennent de plus en plus créatives sur cette application en effet !
Beaucoup innove sur TikTok, même si beaucoup répète en boucle les mêmes choses. Certains font même du contenu très utile comme des conseils financiers en bourse ! [Rires.] Le format est tellement simple à utiliser que cela attire les gens. Cela parle à un public jeune d’une manière intéressante que l’on peut manquer au premier abord, même si cela peut sembler superficiel.
L'album Zeros de Declan McKenna disponible le 21 août 2020 (Because Music).