Le cinéma, la musique... tout sourit, depuis ses débuts précoces à 14 ans, à Izïa Higelin. Après s’être écartée des spotlights plusieurs années pour élever son enfant né en 2018, un cinquième album baptisé La Vitesse, dévoilé ce mois de juin, marque le retour tonitruant de la rockeuse qui pose, sur sa pochette, dans une veste à damier noir et blanc. Adoubée, à ses 16 ans, par le pape du punk Iggy Pop qui l’accueillait en première partie d’un de ses concerts, la chanteuse dévoile sur son nouvel opus une face plus pop, comme une émanation du charisme solaire qui fait d’elle une bête de scène, et qui a aussi séduit, au fil des années, les réalisateurs français, de Catherine Corsini à Jacques Doillon. Aujourd’hui, côté films, c’est dans une comédie avec Omar Sy diffusée actuellement sur Netflix, et prochainement dans un drame adapté d’un roman de Sylvain Tesson, que nous pouvons la retrouver. Portant partout où elle passe sa belle énergie et sa charmante gouaille héritée de son père, Izïa a illuminé de sa présence notre séance photo. Elle y a fait la rencontre de la chouette effraie Alba, une protégée de Fauna et Films, une entreprise spécialisée dans le domaine de l’éducation et du dressage d’animaux, qui travaille avec un centre d’élevage et de sauvegarde. “Alba vit dans ce centre agréé par l’État, qui s’attelle à recueillir des animaux blessés pour les soigner, et à reproduire en captivité des espèces fragilisées pour les réintroduire, si possible, dans leur milieu naturel”, nous explique son fondateur, Pierre Cadéac. Amie de la maison Chanel, Izïa, aussi à l’aise sur un plateau photo que sur les scènes de concert et de festival, nous parle de son actualité et de ses désirs d’artiste.
NUMÉRO : Votre nouvel album s’intitule La Vitesse. Avez-vous l’impression que les choses vont trop vite dans le monde actuellement ?
IZÏA HIGELIN : Oui, cela semble une évidence. L’humanité – nous-mêmes – sommes endommagés, aussi bien psychologiquement que dans nos cœurs. Mais il faut continuer à avancer. Et c’est ce que j’ai voulu faire avec cet album, j’ai voulu m’amuser. On n’a plus le temps, alors il faut y aller. Et surtout ne pas s’attarder sur le passé et sur ses erreurs, c’est pour moi le meilleur remède dans la vie.
La chanson qui ouvre l’album s’intitule, Lavielamourlamort... trois mots qui résonnent particulièrement pour vous ?
Ce sont trois mots qui ont beaucoup résonné dans la bouche de mon père. Il les répétait sans cesse, que ce soit dans ses chansons ou quand il me parlait. C’étaient les trois choses essentielles pour lui. Quand j’étais petite, j’étais sujette aux terreurs nocturnes, j’avais toujours peur que mon père ne meure. Je me disais qu’il m’avait eue tard et qu’il allait partir tôt. Il essayait alors de me réconforter en me disant : “Si tu as peur de la mort, c’est que tu as peur de la vie, car la mort fait partie de la vie.” Et au moment de son enterrement, ces mots se sont imposés comme la synthèse de tout ce qu’il m’avait appris. Quand j’ai touché mon ventre de femme enceinte, c’était la vie, ensuite j’ai regardé les gens autour de moi, c’était l’amour, et j’ai touché le cercueil, c’était la mort.
On compare souvent votre formidable énergie sur scène à celle de votre père. Est-il votre source d’inspiration ?
J’ai vu mon père sur scène depuis que j’ai l’âge de respirer, et, pour moi, il n’y a pas d’autre manière d’être sur scène que de se donner corps et âme, en transpirant, en haranguant la foule comme il le faisait.
À 15 ans, vous quittez l’école pour vous consacrer à la musique, cela démontre un courage et une passion inouïe.
On peut dire que j’ai eu un début de vie en fanfare ! [Rires.] J’ai arrêté l’école à 15 ans, j’avais déjà mon groupe. Nous faisions des concerts et nous sommes partis en tournée sur des petits festivals. Après mon concert au Printemps de Bourges, j’ai décidé d’arrêter le lycée. C’était ma première vraie scène. J’étais très jeune, un petit bébé de 15 ans et demi qui faisait du rock. Quand je montais sur l’estrade avec mes talons de quinze centimètres, mes micro-shorts, mon rouge à lèvres, et que je me mettais à chanter avec tout mon coffre, je me demande ce que les gens devaient penser... Mais pour moi, il n’y avait aucun problème, j’étais exactement là où je devais être. Dès l’âge de 5 ans, je savais que je voulais être chanteuse et actrice. Depuis toujours, je voulais être sur scène. Les bancs de l’école, ce n’était pas pour moi. Alors j’ai fait une dépression scolaire, c’était une période très sombre, j’étais vraiment très malheureuse. En troisième, j’ai même écrit une chanson, Life Is Going Down, ça en dit très long... [Rires.]
Vous faites la première partie d’Iggy Pop à 16 ans, pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
C’était au palais des Sports et c’était complètement dingue. Certains ont pu dire qu’on m’a choisie parce que j’étais la fille de mon père, mais la réalité, c’est que si tu n’as pas une présence sur scène, personne ne te laisse faire la première partie d’Iggy Pop. C’était assez inédit d’être si jeune et de faire du rock en France à cette époque. J’ai retrouvé Iggy Pop quelques années plus tard, pour une soirée qui lui était spécialement dédiée sur Canal + et nous avons chanté ensemble, c’était fou. À la fin, il m’a laissé son numéro, mais depuis j’ai perdu le papier. [Rires.] Il a été d’une gentillesse et d’une présence folle, c’est quelqu’un de délicieux.
“Quand je suis sur scène, je n’ai pas l’impression d’être une femme, un homme ou un être humain... je suis une énergie, qui diffuse de la musique. J’ai besoin de porter des vêtements qui me donnent de la puissance.”
La discussion sur les “filles” et “fils de”, comment la vivez-vous ?
Pour moi, être la fille de mon père, c’est ma plus grande fierté. Ce n’est en aucun cas quelque chose dont j’ai honte.
Votre mère Aziza Zakine est d’origine tunisienne. Quelle influence cette culture a-t-elle sur vous, notamment musicalement ?
Elle a une influence très forte évidemment. Souvent je fais cette blague, quand je chante certaines mélodies ou lorsque je remarque mon côté très vivant ou fringant : “C’est la Tunisie qui coule dans mes veines.”
Vous interprétez des rôles souvent comiques au cinéma. Vous êtes plutôt drôle dans la vie ?
J’adore jouer des rôles comiques, ou faire des blagues sur scène. C’est une facette que j’aimerais bien pouvoir explorer davantage à l’avenir. Peut-être qu’après avoir été chanteuse et actrice, je finirai par une carrière de comique.
Vous êtes une amie de la maison Chanel, la femme Chanel, elle vous ressemble ?
Depuis plus de dix ans maintenant, je travaille avec une équipe extrêmement bienveillante. Le travail de Virginie Viard me touche beaucoup, à la fois subtil et rock. La femme Chanel m’inspire par sa liberté et son indépendance. Il y a quelque chose de très fort chez elle. C’estune femme qui a du caractère et de la trempe.
Quelle est l’importance du vêtement dans votre carrière d’artiste ?
Sur scène, j’ai toujours besoin de porter une tenue de guerrière, mes shorts courts et mes boots à talons. Je veux me sentir belle, me sentir sensuelle et surtout incarnée. Quand je suis sur scène, je n’ai pas l’impression d’être une femme, un homme ou un être humain... je suis une énergie, qui diffuse de la musique. J’ai besoin de porter des vêtements qui me donnent de la puissance.
Cette puissance, on la sent très bien dans votre nouvelle chanson Mon cœur, et dans le clip. Il est visuellement fort, très incarné et sensuel. Comment avez-vous pensé ce film ?
L’énergie a vraiment été au centre de ma création. J’avais envie de me reconnecter à mon essence rock. Je me suis inspirée d’artistes américaines que j’adore, comme Miley Cyrus. C’est une chanteuse qui fait de la pop, mais qui vient de la country, qui n’a de cesse de se réinventer. Et c’est exactement ce que j’ai envie de faire. Souvent, ma manière d’interpréter mes titres est différente en concert et sur l’album : je suis sage dans mes albums et je me réinvente sur scène. Mais là, pour La Vitesse, j’avais envie que ce cinquième album soit une synthèse entre les deux, qu’il soit à l’image de ce que je suis vraiment.
La Vitesse (Naïve) d’Izïa Higelin, disponible sur toutes les plateformes.