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02 Rencontre avec Maes : “Être un bonhomme, ça ne veut pas dire froncer les sourcils tous les jours”

Rencontre avec Maes : “Être un bonhomme, ça ne veut pas dire froncer les sourcils tous les jours”

MUSIQUE

En quatre ans, Maes a vendu des milliers d'albums et a collaboré avec les plus grosses têtes du rap français, dont Jul et Booba, avec qui il s’est même lié d’amitié. Alors que le rappeur originaire de Sevran vient de sortir son troisième opus, Réelle Vie 3.0, il s’est confié à Numéro.

Cover de l'album Réelle Vie 3.0 de Maes Cover de l'album Réelle Vie 3.0 de Maes
Cover de l'album Réelle Vie 3.0 de Maes

En 2017, Maes n'aurait jamais pensé atteindre le succès aussi rapidement. Pendant son séjour de dix-huit mois à la maison d'arrêt de Villepinte, il tente d'affronter tant bien que mal les problématiques du quotidien plutôt que de penser à sa passion, la musique. Pourtant, il sort sa première mixtape, Réelle Vie, pendant son incarcération, qui contient principalement des titres forts qui font la part belle au rap. Originaire du quartier des Beaudottes à Sevran (93), il y raconte son vécu, son expérience dans la rue ainsi que la dureté de la vie dans sa cité. Une authenticité qui a d’abord séduit un public d’initiés, puis qui a conquit de nouveaux auditeurs lorsqu’il se met en scène dans la série de clips diffusés sur YouTube #MaesEstLibérable.

 

Ensuite, tout s’enchaîne pour le jeune rappeur. Alors qu’il a tout juste vingt-trois ans, il sort sa deuxième mixtape, Réelle Vie 2.0, puis, la même année, il explose les compteurs avec deux singles : Billets verts et Madrina, en collaboration avec Booba – extraits de son premier album Pure sorti en novembre 2018. Grâce à leurs mélodies ultra efficaces, ils récoltent rapidement des millions de vues sur YouTube, et deviennent disques d'or. Maes s’est alors fait une place parmi les grosses têtes du rap français, grâce à une histoire véridique, une voix posée et des mélodies entêtantes, mais aussi une personnalité chaleureuse et sincère. Numéro s'est entretenu avec un rappeur accompli, qui ne veut pourtant bientôt plus faire de rap...

Numéro : Dans votre dernière interview, vous dites avoir encore trois albums à sortir avant de disparaître. Que comptez-vous faire ensuite ?

Maes : Je préfère être dans la production qu’être sur le devant de la scène. Le rap est une passion qui ne me quittera jamais, mais j’aimerais être de l’autre côté du rideau. Ce sera plus stable pour moi, et ça me permettrait aussi de voir si je peux faire percer d’autres artistes. Alors, j’aurais réussi deux fois dans ma vie. Quoi qu’il arrive, je suis un caméléon, je peux faire plein de choses.

 

Vous êtes vu comme quelqu’un de proche de son public, très abordable et chaleureux. Cette image vous convient-elle ?

C’est ce que je suis. Vraiment gentil. J’ai été élevé avec beaucoup d’amour de ma mère et elle m’a inculqué beaucoup de valeurs et de principes. Pour moi, être un bonhomme, ça ne veut pas dire froncer les sourcils tous les jours. Au final, si il y a un problème, c’est ceux qui froncent toujours les sourcils qui pleurent le plus vite.

 

En juin 2020, vous avez annoncé la naissance de votre fille sur les réseaux sociaux. Comment arrivez-vous à conjuguer votre carrière musicale avec votre rôle de père ?

Elle est encore petite. Elle danse sur ma musique et me voit à la télévision mais elle ne comprend pas encore. J’arrive encore à gérer, mais je me demande comment je vais faire plus tard… Je compte arrêter la musique à mes trente ans, parce que je pense que dans trois ou quatre ans elle sera apte à comprendre et je ne veux pas qu’elle voit tout ce que j’ai fait. Même le morceau que j’ai fait pour elle [Prioritaire], je ne veux pas qu’elle l'écoute.

 

Pourquoi ?

Mon passé, ce n’est pas forcément un truc dont je suis fier. Quand on va en prison, ce n’est pas une source de fierté, c’est un échec. Aujourd’hui, nous sommes presque obligés de faire des bêtises pour avoir un bon style de vie.

 

Et votre famille, elle en pense quoi de tout ça ?

Aujourd’hui ils sont très fiers. Comme je suis le petit dernier du côté de ma mère, j’ai toujours été vu comme un bébé, quelqu’un qui ne sait pas faire grand chose. Maintenant, ils voient que je suis intelligent et que j’ai su me donner les moyens pour faire aboutir mes idées. Au début, ma mère ne voyait pas le rap comme de l’art. Quand elle a vu mes clips pour la première fois elle m’a insulté de voyou. Elle m’a dit : “qu’est ce qu’ils vont dire au bled !”. Je lui ai dit que tout ça n’était pas réel, que c’était comme un film. À ma mère, je lui dit que ce n’est pas la vérité, mais aux auditeurs, sachez que c’est la réelle vie.

En 2020, votre deuxième album, Les Derniers Salopards, a été le troisième album le plus vendu de l’année en France toutes catégories confondues. À votre avis, qu’est-ce qui a rendu ce projet aussi populaire ?

Sans me jeter des fleurs, je pense que le public a aimé le fait que j’arrivais aussi bien à faire des morceaux mélodieux que des morceaux rappés. J’imagine que les gens ont aussi perçu Les Derniers Salopards comme un renouvellement. Aujourd’hui, quand j’écoute l’album, je suis fier car j’ai réussi à faire des featurings avec des artistes que j’écoutais quand j'étais plus jeune, comme Jul, Ninho et Booba. Ça montre aux gens que tout est faisable. Je ne prétends pas être le meilleur, mais l’un des plus polyvalents.

 

Tous les morceaux de l’album font appel à des registres très différents. On retrouve aussi bien des mélodies entêtantes, de la trap ou de la drill. Qu’est-ce que vous préférez faire ?

Faire des morceaux mélodieux, c’est plus facile pour moi. Pour rapper, il faut vraiment véhiculer des idées, et proposer des textes forts. Si tu rappes, il faut que ça soit plus intéressant que le silence, sinon il faut se taire. Personnellement, je suis quelqu’un de sombre dans mes écrits, et de très réel. Je ne suis pas un punchliner de fou, je suis plutôt quelqu’un qui véhicule un message et un vécu authentique.

 

Pourquoi n'avoir jamais collaboré avec une artiste féminine ?

Je pense que je n’ai pas encore trouvé la bonne manière de le faire. Pourtant, il y a tellement de belles voix en France, comme Lynda ou Angèle par exemple.

 

Vous avez également sorti trois épisodes d’une mini-série intitulée Réelle vie sur YouTube. Est-ce une fiction ou entièrement inspiré de faits réels ?

C’est mon producteur qui a eu l’idée de faire une mini-série, et j’ai accroché directement au concept. Quand on m’a dit que ça allait être autobiographique, je me suis dit que ça allait être plus simple pour moi, puisque c’est des choses que j’ai vécu. Au final, il y a 80% de réel et 20% de fiction. Par exemple, je n’ai jamais porté de sacs de courses pour des habitants mais j’ai vu beaucoup de personnes de mon quartier le faire. C’était évocateur de montrer que porter un sac de courses et un sac de drogue c’est au final le même acte.

 

Réelle Vie 3.0 (2021) de Maes, disponible.