JPEGMafia - “1539 N. Calvert”
Phrasé musclé, débit explosif, thorax tatoué, Barrington DeVaughn Hendricks (ou JPEGMafia) est l’archétype du voyou de Baltimore. Sur la plate-forme musicale berlinoise Colors Show, le jeune rappeur afro-américain s’agite dans un cube magenta en martelant son morceau Thug Tears (larmes de voyou) issu de son album Veteran. On y découvre un personnage complexe, finalement sensible, parfois blessé, parfois blessant.
JPEGMafia - “Baby I'm Bleeding”
Surnommé Peggy par ses fans, Hendricks est né à Brooklyn (NY) mais déménage en Alabama, état sudiste où les attaques racistes qu’il subit le marquent profondément. À l’âge de 18 ans, il s’engage dans l’armée, sert en Irak, au Koweït, puis en Allemagne et au Japon avant d’être finalement libéré de son service avec les honneurs. L’atmosphère nippone l’inspire, Hendricks apprend le sample (détacher un échantillon sonore d’un enregistrement préexistant pour le réutiliser) et se met immédiatement à composer. Sous le nom Ghostpop, le jeune rappeur sort une vingtaine de titres expérimentaux qui connaitront un certain succès à Tokyo, puis rentre aux États-Unis s’installer à Baltimore où il se met à travailler sur des mixtapes.
Formaté par les animés japonais, la bagarre et les jeux vidéo, l’esthétique visuelle de JPEGMafia est – logiquement – très influencée par son enfance dans les années 2000. Adepte de la mouvance lo-fi, une méthode d'enregistrement qui conserve volontairement les défauts sonores pour créer un son crasseux et vintage, il calque son imagerie sur ce principe : effets VHS, glitch et GIF à profusion. Des paroles à la vidéo en passant par la composition musicale, JPEGMafia est un véritable touche-à-tout. Il revendique son indépendance musicale, crée ses kicks lui-même en enregistrant un clic de stylo ou un clap sur une table en bois.
JPEGMafia - “All My Heroes Are Cornballs”
Punchlines brutales appuyées de samples délirants, le rap alternatif carrément new school de JPEGMafia est aussi affuté qu’une lame de couteau, tranchant sur son passage un bon nombre de conventions. À la limite du rap conscient, JPEGMafia calomnie et insulte sans remord bon nombre de figures de la société américaine. L’ex-présentateur télé, Bill O'Reilly (renvoyé pour harcèlement sexuel), est l’une de ses victimes dans le morceaux Man Purse. Andrew Schulz en prend lui aussi pour son grade, comédien célèbre pour ses commentaires désobligeants sur le hip-hop et la communauté afro-américaine. Résolument politique, le rap de JPEGMafia n’est pas exempt d’humour, en témoigne son titre Do I Look Ugly With a Ski Mask.
Sortie le 13 décembre dernier, All My Heroes Are Cornballs est un album marqué par l’environnement hip-hop underground de Baltimore. Expérimental et chaotique, JPEGMafia y a travaillé l’aspect garage industriel, cultivant les défauts et les imperfections sonores. Son opus explore les débats sociétaux, tel que le contrôle des armes à feu (BBW), les politiques sociales (Rap Grow Old & Die x No Child Left Behind) ou les maladies mentales (PTSD), il interroge également la culture internet et les réseaux sociaux (Beta Male Strategies, Post Verified Lifestyle), parle d’amour (Grimy Waifu) et de préjugés.
All My Heroes Are Cornballs disponible sur Deezer, Spotify, Google Music.