Numéro art : Le Louvre multiplie les projets de relecture des collections à travers notamment des personnalités et des artistes très actuels...
Donatien Grau : Au Louvre, nous ne faisons pas d’art moderne et contemporain. Ce n’est pas notre métier. Mais, aujourd’hui, notre métier est d’inviter à relire les collections. Il y a une phrase de Cézanne qui est un peu un mantra : “Le Louvre est le livre dans lequel nous apprenons à lire.” Elle pose la question de la lisibilité du Louvre à l’époque actuelle. Le musée a deux missions principales : conserver des œuvres, mais aussi les faire connaître et les transmettre au public. Tout doit dire quelque chose du Louvre et il n’y a pas une seule méthode, une seule manière de faire, un seul format. Ces nouveaux regards peuvent donner lieu à des conversations, des vidéos sur Instagram, des publications d’ouvrages ou des expositions d’œuvres contemporaines dans les salles.
Quels projets ont vu le jour depuis deux ans ?
Nous avons d’abord réinvité des artistes qui avaient collaboré avec le Louvre. Certains ont écrit un petit texte pour Instagram sur une œuvre, tels Anselm Kiefer ou Xavier Veilhan. Nous avons ainsi assumé l’histoire récente par un geste en direction de nos cinq millions d’abonnés sur Instagram. Puis, nous avons occupé Instagram avec de la création. Avec “Regards du Louvre”, 23 artistes de moins de 40 ans ont réalisé une vidéo. Nous avons également convié une centaine des plus grands poètes du monde, de Jon Fosse à Kim Gordon, ont été conviés à écrire un poème sur le Louvre, et un livre sera publié chez Seghers. Une installation sonore sera aussi diffusée au Louvre médiéval du 21 mars au 21 septembre, où ces poètes lisent le texte dans leur langue : catalan, wolof, chinois, arabe, français, etc. Je pense aussi à cette commande faite à l’immense poète Adonis, qui paraît en français et en arabe. Une lecture a eu lieu avec Fanny Ardant le 29 mars, au Louvre. En ce moment même, nous travaillons à la publication sur Instagram tous les vendredis, pendant un an, de vidéos de Mohamed Bourouissa en résidence dans le jardin des Tuileries. Les visites d’artistes ont aussi connu un grand succès : un parcours dans le Louvre aux côtés de Lee Ufan ou Dominique Gonzalez-Foerster...
Est-il facile de faire entrer le contemporain dans un musée classique ?
Le contemporain, c’est la mise en abyme de la conscience du présent. Chaque initiative est une façon de créer un décalage, un écart à l’intérieur du présent. L’artiste Simone Fattal a ainsi effectué un grand travail de recherche avec les équipes, qui a abouti à sa présence dans les salles mais aussi à des conversations publiques avec Ariane Thomas, directrice du département des antiquités orientales, entre autres. Nous avons aussi invité le grand peintre Luc Tuymans à réaliser un décor temporaire au Louvre. Tout est né d’un dialogue qui s’est développé entre lui et Sébastien Allard, directeur du département des peintures. Il y a toujours un point de départ qui est avant tout l’amour des artistes, au sens le plus large, pour le Louvre.
“Luc Tuymans au Louvre”, fresque éphémère présentée du 22 mai 2024 à mai 2025 au musée du Louvre, Paris 1er.