La première rétrospective parisienne de Salvador Dalí au Centre Pompidou
Intitulée “Rétrospective 1920 – 1980”, l'exposition se déployait dans les espaces du cinquième étage du bâtiment de Piano et Rogers qui avait été inauguré trois ans plus tôt (en 1977), et rassemblait “160 tableaux, 219 dessins, 4 sculptures, 38 objets, 7 gravures, 2000 documents”. Dalí avait demandé que soient ôtées toutes les cloisons délimitant les salles du cinquième étage, pour ne former qu’un grand espace ouvert dans lequel ses œuvres seraient déployées. Pour cette première rétrospective parisienne, il avait aussi monté dans le forum du bâtiment une “installation” (qu’on qualifierait probablement aujourd’hui d’“immersive”) intitulée La Kermesse héroïque.
Dédale improbable de murs en plâtre à l’esthétique en opposition totale avec celle du bâtiment. Elle comprenait notamment un portique d’entrée de métro parisien, une cuillère géante suspendue dans les airs (la cuillère des buveurs d’absinthe de Montparnasse), de laquelle semblait s’envoler une (véritable) voiture noire tandis que des grappes de raisin et des saucisses géantes pendaient du plafond et que, bien sûr, les horloges accrochées aux parois étaient molles et semblaient fondre.
Une exposition historique... et une grève
Avec plus de 840000 visiteurs, cette exposition reste quarante ans plus tard celle qui accueillit le plus de monde dans toute l’histoire du Centre Pompidou. Cependant, pas plus le peintre espagnol (alors âgé de 76 ans) que le ministre de la Culture de l’époque (Jean-Philippe Lecat) ne purent entrer dans le musée pour le vernissage, car une partie du personnel était en grève, revendiquant “les inégalités de l’embauche et les injustices de qualification” et bloquait l’entrée. Depuis les coursives, des membres du personnel gréviste lançaient des tracts sur les gens amassés sur la piazza où se trouvait aussi Dalí qui était arrivé en Rolls (on imagine avec joie ce que provoquerait la venue d’un artiste en Rolls à un vernissage au Centre Pompidou à l’heure du wokisme) et, les moustaches en pointe, croyant qu’il s’agissait d’une offrande lui étant destinée, écartait les bras pour les embrasser. Le vernissage fut rapidement annulé.
Dans une lettre qu’il adressa au journal Le Monde en février 1980, Salvador Dalí écrivit : “Je tiens à ce qu’il soit dit sans aucune restriction que l’exposition Dalí qui se tient actuellement à Beaubourg constitue, à mes yeux, la meilleure et la plus complète exposition rétrospective de mon œuvre, à ce jour.”