Pour la deuxième année consécutive, American Vintage, grand partenaire du Festival international d’Hyères, remet son prix de la photographie. Le label marseillais témoigne ainsi de son soutien à l'égard des jeunes prodiges de la photographie. Ce prix, auquel s’ajoute une dotation de 15 000 euros, offre également l’opportunité à l’un des 10 finalistes choisis par le jury, présidé par Bettina Rheims, de réaliser une campagne pour American Vintage. L’année dernière, c’est le travail de Luis Alberto Rodriguez qui avait été salué. Le photographe new-yorkais célébrait le corps en mouvement avec ses images aussi sensuelles qu’authentiques.
Grand gagnant du Prix American Vintage 2018: Sarah Mei Herman
C’est dans l’intimité des relations familiales, amicales et amoureuses que Sarah Mei Herman puise son inspiration. Diplômée de l’Académie royale des beaux-arts de La Haye et du Royal College of Arts de Londres, la photographe néerlandaise présentait à Hyères ses clichés de jeunes filles rencontrées sur le campus de Xiamen, en Chine. Après une première résidence de quatre mois, durant laquelle elle débute la série exposée, Sarah Mei Herman revient plusieurs fois sur le campus chinois, non seulement pour poursuivre son projet photographique, mais également parce qu’elle y a noué des liens amicaux forts. Ses images lumineuses et sensibles transportent le spectateur dans un univers paisible et hors du temps.
Grand Prix du Jury : Eva O’Leary
Avec ses portraits en gros plan sur fond bleu, la photographe américano-irlandaise a séduit le jury de Bettina Rheims. À mille lieues des images lisses et retouchées qui encouragent une certaine forme de beauté standardisée, Eva O’Leary capture, au contraire, le charme de la différence. Les photos d’adolescentes de cette diplômée de CalArts (Californie) et de Yale dissimulent une substance pop derrière leur réalisme, ce qui les rend intemporelles.
“Hannah”, Spitting Image, Eva O’Leary, 2017.
Prix du public : Sanna Lehto
Diplômée de l’école d’art, d’architecture et de design de l’université Aalto d’Helsinki, après avoir étudié à l’École d’arts visuels de New York, la photographe finlandaise Sanna Lehto est fascinée par les formes et les couleurs de la nature. Récompensée par le Prix du public, sa série de photographies Morphologies (exposée en 2017 à la Gallery Kosminen) instaure un dialogue entre l’homme et l’environnement. Comme dans un herbier, les fleurs que l’artiste cueille et collecte sont séchées avant d’être greffées sur un visage masculin, une oreille ou une main. Associées à la forme humaine, elles envahissent l’espace photographique et insufflent une inquiétante étrangeté.
“Red”, Morphologies, Sanna Lehto, 2016.
Prix de la nature morte : Csilla Klenyánszki
Diplômée de l’Académie Willem de Kooning à Rotterdam (Pays-Bas), la photographe hongroise Csilla Klenyánszki se démarque par ses mises en scène singulières. Exposée à Hyères, sa série de natures mortes Pillars of Home étudie l'espace intérieur et l'équilibre de son appartement de façon ludique et expérimentale. Frôlant les frontières du non-sens, la performance saisie dans les clichés mêle posture chorégraphiée, montages acrobatiques d'objets hétéroclites (balais, chaises, verres) et aménagement d'intérieur.
“Nr. 43”, Pillars of home, Csilla Klenyanszki, 2016.
Découvrez les clichés des autres finalistes :
Teresa Eng :
Née en 1977 au Canada de parents chinois, Teresa Eng est diplômée de l’université Emily Carr de Vancouver et du London College of Communication. Intitulée China Dream d’après le slogan du président chinois Xi Jinping, sa série de photographies présentée en marge du 33e Festival d’Hyères oscille entre une vision rêvée de l’Empire du Milieu et la réalité d’un pays en plein boom économique. Récit autobiographique introspectif et onirique, China Dream explore une culture reçue en héritage à la lumière du monde occidental sans pour autant tomber dans le documentaire. Aujourd’hui installée à Londres, Teresa Eng immortalise en gros plan les ondoiements des carpes chinoises comme la beauté angulaire de l’architecture moderniste.
“Wave (hair)”, China Dream, Teresa Eng, 2017.
Aurélie Scouarnec :
Orthophoniste de formation et photographe autodidacte, cette native de la région parisienne a choisi d'explorer un imaginaire : celui de la mort et du sacré. Avec sa série Anaon présentée à Hyères, Aurélie Scouarnec nous plonge au sein de l'univers lugubre des légendes bretonnes du XIXe siècle. Signifiant dans la langue celte “le peuple immense des âmes en peine”, la série donne libre cours aux interprétations au travers d'éléments inanimés, ternes et mornes, comme la forêt, la pluie, ou encore le brouillard.
Pascale Arnaud :
Cadrages serrés, contorsions sensuelles et identités énigmatiques… Pascale Arnaud présente des clichés de jeunes filles aussi vulnérables que voluptueuses. Diplômée de l’École de l’image des Gobelins, la photographe française de 23 ans expose à la Fisheye Gallery mais aussi en Chine. Elle a notamment reçu le prix Picto de la mode, pour sa série Xiaodong. Dans une autre mesure, Pascale Arnaud s’intéresse au corps et à l’identité avec sa série Emerging Adulthood, exploration mélancolique des complexes et des rapports amoureux.
“Cri silencieux #1”, Emerging Adulthood, Pascale Arnaud, 2017.
Laetitia Bica :
Si pour Laetitia Bica l’image photographique doit instaurer un dialogue avec le spectateur, celle-ci doit surtout être la trace d’une collaboration entre le photographe et son modèle. Née d’une immersion de deux ans de l’artiste belge au sein des ateliers du Créahm, centre d'art et association dont le but et de déployer les formes d’art produites par des personnes handicapées mentales, la série Cream explore une multitude de langages plastiques. Conçue comme une discussion entre plusieurs acteurs, le travail de Laetitia Bica est à entrevoir comme un pont entre plusieurs pratiques artistiques et rapproche la photographie de la performance.
“Anne, Cream”, Laetitia Bica, 2017.
Allyssa Heuze :
La photographe franco-philippine diplômée de l'école des Gobelins, Allyssa Heuze, développe une imagerie ludique et humoristique autour du coït. Présentées à Hyères, les natures mortes de sa série OÏ désacralisent le sujet tabou avec naïveté, via un langage métaphorique offert par des objets aux formes suggestives : des asperges, des concombres ou des donuts. Privés de toute obscénité, les clichés narrent des récits alternatifs qui stimulent l'imagination, tout en préservant une forte dimension esthétique.
Jaakko Kahilaniemi :
À 8 ans, Jaakko Kahilaniemi hérite d’une forêt de 100 hectares. Pendant longtemps, il n’éprouve rien d’autre que de l’indifférence à l’égard de cette étendue verte. Mais devenu adulte – et photographe – il se met enfin à s’y intéresser et cherche à comprendre cet immense terrain qui lui appartient. Regroupées dans la série 100 Hectares of Understanding, ses photographies reviennent sur le temps qu’il a passé à apprivoiser cette forêt. Tantôt photographiée dans son entièreté tel un paysage, tantôt examinée par fragments décortiqués (écorces, feuilles, pommes de pins), la forêt se dévoile au citadin. Des branches sont mesurées, pesées, puis immortalisées par le photographe qui va même jusqu’à donner sa vision future de la forêt. Du passé au futur, sa photographie parle de transmission.