Son regard tendre sur les corps et sa retranscription de l’intime par l’image ont fait sa renommée. Ces dernières années, la photographe britannique Harley Weir a conquis les domaines de la mode et de l’art avec succès, attirant de nombreuses collaborations, des prestigieuses maisons Balenciaga, Céline et Calvin Klein aux magazines i-D, Dazed et Numéro art. Il y a quelques mois, la photographe britannique sortait FATHER, un recueil d’images explorant les représentations de la masculinité contemporaine à travers ses différentes figures et leurs corps, de l’adolescent éphèbe, au viril bodybuildé, en passant par le père ou encore le vieillard.
Mais au-delà des corps et de leur sublimation par le vêtement, Harley Weir développe un travail plus engagé, s’intéressant depuis longtemps à différentes crises qui sous-tendent notre monde contemporain. En 2016, l’artiste se rend par exemple à Calais dans le camp de réfugiés, seulement quelques jours avant sa démolition fin octobre : plutôt que d’y photographier les corps dans un projet qui pourrait tourner au voyeurisme, elle choisit d’immortaliser les constructions de ces résidents éphémères, témoins concrets de leur extrême précarité matérielle mais aussi celle de leur statut sur le territoire français.
Harley Weir, “Israel” (2013) © Harley Weir
Harley Weir, “Israel” (2013) © Harley Weir
Parallèlement, Harley Weir voyage depuis 2013 à plusieurs reprises le long de la frontière israélo-palestinienne, entre Jérusalem et la Cisjordanie, désireuse d’explorer avec son appareil une région régie et transformée durant plus d’un demi-siècle par ses nombreux conflits. Réalisée là-bas sur six ans, sa série Walls fait actuellement l’objet d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie jusqu’au 12 janvier prochain, dans un écho manifeste au travail de la photographe allemande Ursula Schulz-Dornburg qui investit simultanément deux étages du bâtiment. Alors que cette dernière sillonne depuis des décennies la Russie et le Moyen-Orient, dont elle capture des paysages dépouillés en noir et blanc où n’apparaît nulle âme qui vive, Harley Weir reste fidèle à son approche très incarnée et sensible de l’espace où transparaît la poésie de son regard.
Un sac plastique bleu ciel s’immisce dans un parterre de coquelicot, des braises enflamment un tas de détritus pendant que des fils de barbelés s’entremêlent… La photographe britannique opère ici un pas de côté, préférant à la retranscription directe du conflit israélo-palestinien le calme éloquent de son décor désolé. S’écartant de la narration, sa chronique sans chronologie retranscrit l’atmosphère de cette zone très tendue, dont la violence se dilue à la fois dans la douceur de la lumière et des couleurs et dans son attention aux détails, pourtant explicites : caméras de surveillance, clôtures érigées en béton… Les murs de l’une des salles de la MEP se voient ainsi habillés par plusieurs dizaines de ces images, toutes imprimées dans un même grand format : comme souvent dans ses accrochages, Harley Weir présente ses tirages hors cadres fixés par de discrètes épingles. Au fond de la salle, nous sommes fixés par le regard puissant d’un homme au visage balafré – un portrait intime qui exprime avec puissance le cri silencieux d’une région bouleversée.
Harley Weir, Walls, jusqu’au 12 janvier à la Maison Européenne de la Photographie, Paris 4e.