Il a donné des coups de marteau dans le mur de Berlin avec les Red Hot Chili Peppers, découvert Kate Moss, parcouru les États-Unis pour photographier Debbie Harry, Kylie Minogue et Ian McKellen, collaboré avec Yves Saint Laurent, Givenchy et Emporio Armani, tout en s’inspirant de deux grands maîtres : Helmut Newton et Guy Bourdin. Au cœur de son travail : le cinéma. De Londres à New York en passant par Milan, le photographe s’est forgé un nom à la force de ses bras, en sublimant mannequins, cinéastes, actrices et chanteurs, dans des poses toujours débordantes de vie. Son anthologie Michel Haddi Anthology: Legends rassemble 400 clichés.
Jalousie entre belles
“Ma rencontre avec Kate est assez cocasse… Je travaillais avec une actrice lorsqu’elle est arrivée sur le lieu du shoot. Kate était très jeune, pas encore connue. Elle m’a montré son book près d’une piscine, elle était en maillot de bain, ce qui a fait rugir la fameuse actrice qui l’a pris très personnellement. Son attaché de presse m’a même confirmé après la séance qu’elle était dévastée !
Un an plus tard, je travaillais pour une grosse campagne avec les magasins Bloomingdale’s à New York. Il y avait beaucoup de mannequins magnifiques, très grandes et très belles, et puis au milieu… il y avait Kate. Elle contrastait avec toutes les autres filles, elle était plus petite, ses jambes étaient un peu arquées et surtout, elle faisait la moue. Je lui ai dit : ‘Rend-moi un grand service, reste comme tu es, continue à faire celle qui s’en fout, c’est parfait !’”
Un prophète
“Dans les langues sémites, mon nom Haddi veut dire “celui qui voit”, comme un sixième sens. J’ai le sentiment que cette signification a pris une dimension très réelle lorsque j’ai rencontré Tupac. J’avais l’impression de voir Martin Luther King en lui. Allez savoir pourquoi, avant de le photographier je lui ai demandé de se mettre torse nu et de fermer les yeux. Aujourd’hui quand on regarde la photo, on a l’impression qu’il est mort. C’est tragique.”
Un film de Visconti
“Un soir, une de mes meilleures amies m’appelle et insiste pour me voir. Elle a quelque chose à me confier. On se retrouve au restaurant et elle s’exclame : ‘Michel j’ai un problème, je suis amoureuse.’ J’éclate de rire en lui répondant que c’est magnifique ! Mais problème, elle a jeté son dévolu sur une rock star : un certain David Bowie. Pour moi, ils étaient faits l’un pour l’autre. Cette amie c’était Iman. D’ailleurs, ils ont eu un enfant et sont restés ensemble jusqu’à la mort de David.
Lorsque j’ai photographié Bowie, je sentais qu’il avait quelques appréhensions. Cela venait peut-être du fait que j’étais très proche de sa femme… Pour le rassurer, je lui ai dit qu’il avait l’air de sortir d’un film de Visconti, ça a eu l’air de le toucher énormément.”
La classe incarnée
“Lorsque j’ai rencontré Denzel, il était à l’apogée de sa carrière et donc très occupé. Il m’a accordé une heure, pas une minute de plus. Dans ces cas-là, il faut trouver des idées très rapidement et faire trente, quarante pellicules. Je l’ai d’abord immortalisé de façon très ‘christique’, parce que ce type dégage une énergie formidable. La deuxième fois, il portait un costume d’une élégance folle. C’est un immense acteur dont j’apprécie beaucoup le travail.”
Une grande timide
“Janet connaissait justement Denzel Washington. J’imagine qu’il lui avait parlé de moi, car, dans ce milieu, tout le monde se parle. Je l’ai photographiée en costume d’homme, puis dans une robe de mariée. Nous n’avons pas beaucoup échangé, c’est une personne extrêmement timide, toujours un peu en retrait.”
L’ivresse du jeu
“Au moment où j’ai rencontré Angelina Jolie, elle venait de tourner un film sur Gia Carangi, une des premières mannequins américaines, absolument sublime. La pauvre est morte du sida… Et je crois qu’Angelina devait encore être un peu dans ce rôle, elle avait l’air déconnectée de la réalité. Je l’ai photographiée devant la maison de mon ami Stash de Rola – fils du peintre et aristocrate Balthus –, qui avait appartenu à Rita Hayworth. Derrière Angelina, on peut apercevoir Adrian Brody (assis à droite), le fils de Jim Morrison et les acteurs Billy Wirth et Chris Tucker. C’était un moment assez extraordinaire.”
Une chanson sicilienne
“Je suis allé jusque dans la Napa Valley en Californie pour photographier Francis Ford Coppola. Je devais faire des clichés pour le magazine Interview. Francis était un peu timide. Il était très raide, pas du tout naturel. Alors, comme je savais qu’il aimait chanter, je lui ai demandé de fredonner un air, comme ça, pour briser la glace. Il a entonné une chanson sicilienne ancestrale somptueuse. Je me souviens que je ne comprenais pas vraiment pourquoi il était soudainement aussi heureux. Lorsque je me suis retourné, j’ai aperçu Isabella Rossellini qui venait d’entrer dans le jardin. À ce moment-là, j’ai compris.”
Michel Haddi Anthology: Legends, éditions Yuri et Laïka. 416 pages. Prix : 49, 95 €. Disponible le 30 avril.