“The Notorious Big” imprimé sur son sweat, baskets aux pieds et casquette streetwear, Jean Imbert cultive le naturel et l'authenticité, et l’affiche sans complexes au sein du B.B., rue Blanche (Paris IX), l’un de ses restaurants parisiens. Dans ce cadre raffiné où les plats de saison sont servis avec la plus grande attention. S’il côtoie habituellement le gotha international et s’illustre comme l’auteur de nombreux dîners de grandes maisons de luxe telles que Hermès ou Dior et même du fondateur d’Instagram Kevin Systrom, pour qui il a déjà cuisiné à San Francisco, il se lance maintenant à la conquête des États-Unis avec ses deux nouveaux restaurants : Swan à Miami et Encore à New York. Deux ouvertures réalisées coup sur coup en octobre et novembre, et qui s’annoncent comme un véritable défi pour le chef. “C’est un énorme challenge, ça fait très longtemps qu’un chef français n’est pas arrivé là-bas en partant de zéro. C’est un vrai coup de poker. Mais je suis super fier que des grands chefs étoilés comme Éric Ripert, Jean-Georges Vongerichten ou encore Daniel Boulud me soutiennent dans ma démarche”, se réjouit-il.
“Le projet de Swan part d’une phrase, c’est juste Pharrell qui me propose d’ouvrir un resto. Et évidemment je dis oui parce que c’est fou.”
Savoir provoquer le destin
À 22 ans, esprit “yolo” –You Only Live Once – oblige, Jean Imbert ouvre son premier restaurant parisien “L’Acajou” (Paris XVI). Un lieu contemporain et intimiste qui attire rapidement de nombreuses personnalités comme le musicien français Woodkid ou encore l’acteur américain Robert de Niro. Cette première étape sonne comme le prolongement naturel d'une longue histoire pour celui qui, dès l’âge de 10 ans, réalisait les recettes des livres de sa mère. “Enfant, j’avais créé un petit restaurant chez moi, et souvent le mercredi, je me mettais en cuisine et préparais des plats pour mes parents avec mon frère au service”, explique-t-il. Une véritable vocation pour l’adolescent speed, pressé d’apprendre et énervé à l’idée d'avoir à attendre d'avoir le bac pour intégrer l’école Bocuse où il passera deux ans. C’est durant cette formation qu’il apprendra le b.a.-ba des techniques culinaires : la manière d’éplucher une carotte ou une pomme, entre autres. Des gestes qui le fascinent et stimulent sa soif d’apprendre. Jamais rassasié, il les reproduit chaque week-end lorsqu’il retourne chez ses parents en banlieue parisienne : “Ma grand-mère aimait réunir autour de la table tous les gens qu’elle aimait. C’est sûrement la raison pour laquelle j’ai décidé de faire ce métier, confie le chef. Avec la cuisine, on réunit des potes d’enfance, la famille, les connaissances et les barrières tombent. J'ai appris à connaître la valeur de ces moments, particulièrement précieux”.
“J'ai réussi à mettre à la carte, dans un restaurant de Miami qui fait 1000 couverts le samedi soir, la blanquette de veau de ma grand-mère. Et quand je vois Drake qui poste sur Instagram une photo du homard que je faisais avec ma mère quand j’étais petit, c’est un vrai kiff !”
De Paris à New York, en passant par Miami
Après l'ouverture de L’Acajou, du B.B. mais aussi des Bols de Jean (qui comptent déjà trois établissements à Paris), Jean Imbert est désormais à la tête de cinq restaurants dans la capitale. Fort de ce succès fulgurant, le temps est désormais venu pour celui qui a remporté la saison 3 de l'émission Top Chef en 2012 de se tourner maintenant vers les États-Unis. Et c’est à Miami avec son ami le chanteur et producteur Pharrell Williams qu’il vient d’ouvrir son premier restaurant américain, Swan : “Tout est parti d'une simple phrase de Pharrell qui me propose d’ouvrir un resto. Et parce que c’est fou, évidemment, j'ai répondu oui !” C'est lors d’un déjeuner chez Colette à Paris, six ans plus tôt, que le musicien tombe sous le charme de la salade César préparée par Jean Imbert (celle-ci figure désormais à la carte du Swan… la boucle est bouclée). S’ensuit une soirée crêpes à New York chez son ami l’artiste J.R. à laquelle Pharrell est aussi invité et pour sceller le lien entre les deux hommes. “Il est ensuite venu plusieurs fois chez moi à Paris découvrir le potager que j’ai sur le toit. On a souvent parlé écologie et bons produits, puis a surgi l’idée du restaurant.” Sous l’impulsion de David Grutman, célèbre entrepreneur de l'hôtellerie de Miami, le projet se concrétise sous le nom de “Swan”, un restaurant dans lequel les produits proviennent d’une ferme bio des environs. “Au fond, je me dis que j’ai réussi à mettre à la carte, dans un restaurant à Miami qui fait 1000 couverts le samedi soir, la blanquette de veau de ma grand-mère. Et puis, quand je vois Drake qui poste sur Instagram une photo du homard que je faisais avec ma mère quand j’étais petit, c’est un vrai kiff perso parce que c’est une partie de ma vie qui est dans chaque plat”, explique le chef.
“La cuisine, c’est 25% visuel, 25% gustatif, 50% story-telling.”
Si Jean Imbert évolue au quotidien avec son “G10” – surnom qu'il donne à son équipe rapprochée de 10 personnes –, sa brigade s’est encore élargie en novembre dernier avec l’ouverture de son restaurant Encore, à New York. Un nom qui contient une nouvelle référence au hip-hop. Jean Imbert l'a en effet choisi en clin d'œil à un show du rappeur Jay-Z à Brooklyn en 2017, lors de sa tournée américaine “4:44 Tour”, durant laquelle Jean Imbert cuisine pour l’artiste. À la fin de son concert, Jay-Z reprend trois fois de suite son titre mythique Encore… ce qui provoque l'illumination dans l'esprit de Jean Imbert… dès le lendemain, il envoie un mail à ses équipes pour leur proposer ce nom pour le restaurant qu'il projette d'ouvrir à New York. Une autre histoire née, une fois encore, du hasard des rencontres : celle du propriétaire d’un emplacement situé à Meatpacking District, alors que Jean Imbert participait à une session cuisine au restaurant Chefs Club de New York. Chez Encore, Jean Imbert reste bien sûr fidèle à ses convictions et joue la carte des produits naturels et de saison : “Les fruits, les légumes, la viande et le poisson sont cultivés et élevés à moins de 30 kilomètres de New York. On a du miel qui vient du toit du building. C’est une grande fierté. Tout est bio et sans OGM, on a tout tracé. Même la mozzarella vient de Brooklyn !”
Le restaurant "Encore" à New York.
En roue libre et sans garde-fou
Avec un compte Instagram aux clichés food très soignés qui provoquerait chez n’importe quel adepte du réseau l’envie de se tourner vers une alimentation verte et écolo, Jean Imbert mélange les genres. Tantôt dans la cuisine de sa grand-mère, tantôt dans son restaurant, entouré de stars internationales comme Beyoncé, Dua Lipa, Kristen Stewart ou encore Virgil Abloh, le cuisinier parfois nostalgique partage des temps forts de sa vie. “Sur des posts Instagram, souvent, je remercie mes parents. Depuis deux ans, quand je vais voir ma grand-mère le dimanche, j’aime bien faire des petits films et les poster sur les réseaux sociaux.” S’il considère ne pas être ultra connecté, il apprécie pourtant la communauté qui s’est créée autour de lui. “Je suis en roue libre, il n’y a pas de calcul. Même dans ma façon de gérer mon compte Instagram, pas de filtre, c’est authentique. J’ai des chiffres assez fous sur ce réseau. C’est, je pense, une vraie communauté qui me ressemble, entre passionnés de bouffe et de bons produits.” Faisant des produits sains son cheval de bataille, il revendique aussi l’idée de cuisine immersive : “La cuisine, c’est 25% visuel, 25% gustatif et 50% story-telling : l’histoire autour des plats permet de se conditionner et d’entrer dans une atmosphère, comme dans un film. Et ça n’empêche pas le fond.” En 2019, son plus gros challenge sera New York, mais aussi Paris où il envisage d’ouvrir un sixième restaurant. Et quand on le questionne sur son désir de se voir décerner des étoiles, il ne déroge pas à ses règles de franchise : “c’est un éventuel projet que je n’ai pas encore lancé…”
Restaurant Swan, 90 NE 39th Street, Miami, Florida.
Restaurant Encore, 1 Little West 12th Street, New York.