L’exposition “Art/Afrique, le nouvel atelier” à la Fondation Louis Vuitton a de nombreuses qualités. La première d’entre elles : faire la preuve qu’il n’existe pas UN art africain mais DES artistes africains. Riche et hétéroclite, l'art issu d'Afrique ne peut se réduire à une étiquette généraliste, comme le démontrent 3 expositions qui permettront d'en appréhender (seulement) quelques aspects : “Les Initiés”, d'abord, regroupant les plus belles pièces de la collection de Jean Pigozzi (l'un des très rares collectionneurs à s’être intéressés exclusivement aux artistes basés en Afrique noire). Puis, “Être là”, consacrée à la scène contemporaine d’Afrique du Sud. Enfin, une sélection d’œuvres africaines issues de la collection de la fondation Louis Vuitton.
Le contexte socio-historique particulier du continent n’est pas oublié : l’apartheid, le post-colonialisme, la violence.
Bien sûr, les références à l’histoire esthétique singulière de l’Afrique sont présentes. L’introduction de l’exposition de Jean Pigozzi avec les incroyables masques africains de Romuald Hazoumé sont là pour le rappeler. Oui, le contexte socio-historique particulier du continent n’est pas oublié : l’apartheid, le post-colonialisme, la violence … Mais, si la première salle de l’exposition sur l’Afrique du Sud est bien consacrée aux pièces politiques (et rageuses) de Jane Alexander et de David Koloane, c’est pour nous emmener aussitôt découvrir une vidéo du maître William Kentridge dédiée… à des opéras politiques de la Chine moderne.
Rashid Johnson, “Plateaus”, 2014
Acier, peinture laquée, plantes, ciment, céramique, plastique, cuivre, bois brûlé, néons, matériel radio, beurre de karité, tapis, livres Steel, gloss paint, plants, ceramic, concrete, plastic, brass, burned wood, grow lamps, CB radios, shea butter, rugs, books 579,1 x 457,2 x 457,2 cm.
Car si l’art contemporain d’Afrique peut s’emparer des singularités esthétiques, historiques et sociales du continent, il peut aussi poser des questions plastiques et universelles : celles du récit, du corps, du genre, de la jeunesse ou du rapport à l’histoire. S’il peut être issu d’une histoire esthétique locale (la collection Jean Pigozzi en témoigne pleinement), il peut tout aussi bien s’intégrer dans l’histoire de l’art occidental, nourri des grands maîtres européens et américains. Et, s’il peut produire masques et tapisseries, il peut aussi s’emparer de la photo (la collection de la fondation Louis Vuitton est à cet égard impressionnante) et de la vidéo. Et il l’a fait depuis longtemps. En réalité, l’art contemporain d’Afrique peut tout, du local au global, du particulier à l’universel tant l’ambivalence semble être son maître mot.
En réalité, l’art contemporain d’Afrique peut tout, du local au global, du particulier à l’universel tant l’ambivalence semble être son maître mot.
Les artistes du continent africain donnent ainsi une belle leçon d’humilité à un Occident qui pourrait encore croire être maître à bord du bateau de l’art contemporain. Car non seulement l’Afrique produit des artistes exceptionnels, mais elle forme surtout un atelier en position de traiter de la question de la mondialisation, c’est-à-dire de notre époque, mieux que quiconque. “Comment vivre ensemble avec nos différences et nos identités ? Comment construire un récit commun à partir d’histoires et de communautés hétéroclites ?” sont des questions que ces artistes ont depuis longtemps posées, par nécessité.
“Art/Afrique, le nouvel atelier”. Jusqu'au 26 août 2017 à la fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, 75116, Paris.
Romuald Hazoumè (1962, Bénin) “Exit Ball”, 2008
OEuvre appartenant à la collection de la Fondation Louis Vuitton.
© ADAGP, Paris 2017. Courtesy of Gagosian Gallery, Paris. Photo Thomas Lannes