Exposé dans les plus grands musées du monde, Tomás Saraceno a aussi fait sensation à la K21 Ständehaus à Düsseldorf, sous la nef du Grand Palais à l’occasion de la COP21 (2015), sur le toit du Metropolitan Museum à New York, ou encore à la dernière Biennale de Lyon. C’est à présent le Palais de Tokyo qui lui offre une carte blanche. Cet Argentin né en 1973, d’abord formé à l’architecture à Buenos Aires, est célèbre pour les toiles d’araignée qu’il expose dans des cubes métalliques ouverts. Avec l’aide de spécialistes arachnologues, il constitue depuis plusieurs années dans son atelier – installé à Berlin dans une ancienne usine Agfa – une des plus importantes collections de toiles d’araignée au monde. La diversité de leurs formes est fascinante : en arche, en parapluie, parfois réduites à un simple fil. Tomás Saraceno les montre souvent plongées dans une obscurité qui magnifie ces folles architectures.
Certaines de ces toiles ont été transportées et installées au Palais de Tokyo pour que les araignées qui y vivent puissent grimper dessus et s’en emparer – plus de dix espèces ont été repérées. Des visites guidées sont même proposées et une cartographie tracée pour explorer les recoins de l’exposition. L’ensemble des espaces se transforme en un vaste terrain d’expérience, ponctué par de grandes installations immersives pour lesquelles des tests grandeur nature ont été réalisés à l’atelier, par exemple une œuvre sonore et interactive dans laquelle se retrouve le motif de la toile d’araignée – qui n’est pas loin de celle des réseaux neuronaux –, et une autre qui mêle des projections de paysages photographiques, des structures polyédriques inspirées de la forme de la mousse, et des sphères prises dans des filets qui rappellent les montgolfières.
Telle une araignée au milieu de sa toile justement, Tomás Saraceno tire des fils plus ou moins solides et épais, citant le cas de la veuve noire qui n’utilise pas moins de sept sortes de fils. Pour lui, l’art est un territoire ouvert et multidisciplinaire. Son défi est peut-être justement d’être artiste sans définir totalement ce qu’est l’art, et en restant dans le déséquilibre de la recherche en cours. Au début de l’été, il menait un workshop du côté de La Villette pour faire voler l’une de ses sculptures, plus légère que l’air, grâce à la simple chaleur du soleil. Toute une partie de son travail, en effet, ne peut pas se voir dans les musées : ce sont des actions qui ont lieu en extérieur, au gré des éléments. Tomás Saraceno a ainsi inventé un moyen de transport un peu fou, qui ressemblerait à une montgolfière fonctionnant à l’énergie solaire : un site Internet permet de simuler ces voyages d’un genre nouveau dans les conditions météorologiques réelles. Il a collaboré avec la NASA, le CNES et le MIT (Massachusetts Institute of Technology). Aerocene est un projet artistique qui revêt différentes formes, à la fois une manière de faire corps avec l’environnement et de trouver une sensibilité nouvelle au monde qui nous entoure. Le défi du Palais de Tokyo est de donner à voir toute l’ampleur de son œuvre et de ses “utopies réalisables”.
ON AIR, Carte Blanche à Tomás Saraceno, Palais de Tokyo, Paris, du 17 octobre 2018 au 6 janvier 2019.