Certaines idées changent la vie. Celle qu’a eue Guillaume Lacroix, au printemps 2016, a bouleversé la sienne. Lorsque ce producteur installé, ancien diplômé de Sciences Po Grenoble, cofondateur du Studio Bagel et de la maison de production Black Dynamite, a débuté l’aventure Brut, il pensait simplement “faire des vidéos sur Internet” pour occuper un vide laissé par la télévision sur certains sujets porteurs, plébiscités par la jeunesse. “C’est Renaud Le Van Kim [son associé, ancien producteur historique du Grand Journal] qui a compris en premier que nous avions un média entre les mains. Je n’avais jamais imaginé que Brut deviendrait mondial, lèverait des fonds et se déploierait autant. Vous faites ce que vous savez faire – créer du contenu – et cela vous emmène ailleurs.”
Aujourd’hui président-directeur général et directeur de la publication de Brut, le quadragénaire a découvert avec succès le monde des investisseurs et gère le développement international de la marque, jusqu’en Inde. Selon lui, “chaque mois, un demi-milliard de spectateurs et spectatrices voient une vidéo Brut dans le monde”. Son intuition de départ qu’une place était à prendre dans le monde de l’information et du divertissement a été confirmée. Brut a obtenu en exclusivité une interview du président de la République Emmanuel Macron au printemps 2022, attire 15 millions de personnes chaque jour en France et, surtout, crée des “conversations”, ce mot-clé dans l’Internet contemporain. “Quand nous avons lancé Brut, la data montrait que les enjeux liés aux femmes occupaient seulement 0,5 % des conversations sociales. Il y avait clairement des choses à faire.”
Brut se montre actif sur tous les réseaux sociaux et propose depuis 2021 une offre de SVOD, BrutX. Avec pour objectif de couvrir les sujets les plus actuels, souvent sous- estimés par les médias classiques, comme l’inclusion, l’égalité hommes-femmes et le réchauffement climatique. Résultat : 70 % de l’audience est constituée de jeunes internautes, et Brut se positionne en tête des médias mondiaux suscitant des commentaires. “L’essence de ces commentaires, ce sont des personnes qui nous remercient de montrer le monde dans lequel on vit vraiment, le monde tel qu’il est. Il y a beaucoup de sujets importants pour les jeunes générations dont les médias traditionnels ne parlent pas ou très peu, comme la valorisation des origines africaines et nord-africaines de jeunes Français, mais aussi la santé mentale, surtout depuis les débuts de la pandémie. Nous sommes également attentifs à donner une voix aux artistes à l’avant- garde du changement, comme notre partenariat avec le Festival de Cannes l’a montré.”
Ce sens de l’engagement, Guillaume Lacroix explique le tenir de sa mère, une jeune professeure célibataire qu’il a suivie dans ses affectations à travers la France. “Elle s’est très tôt engagée dans le combat pour l’écologie. La cause des femmes et l’écologie, je sais d’où ça me vient, car j’ai vu ma mère s’en prendre plein la gueule quand elle s’est engagée en politique.” Avec ces mots, le boss de Brut s’accorde une rare incursion plus personnelle. On lui découvre aussi une passion pour le snowboard, née durant ses études dans la capitale des Alpes. “J’ai commencé ma carrière en écrivant des piges sur le sujet, avant de monter un magazine. Lorsque je suis arrivé ensuite à TF1 auprès de Xavier Couture, j’ai été engagé à la rédaction des sports. Quand on n’a pas fait d’école de journalisme, on découvre une matière géniale et une dramaturgie de tous les instants. C’est là que je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup l’image.” Aujourd’hui, Guillaume Lacroix n’a plus beaucoup de temps pour façonner lui-même des images. Un quotidien débordé qu’il vit bien, tendu vers un objectif : “Nous portons les grandes valeurs humanistes à la française, et il se trouve qu’elles résonnent partout dans le monde.”