Loin des sirènes du trendy, du cool et des décorations finalement toutes interchangeables, Indra Carrillo a conçu son restaurant comme une alcôve intimiste de 24 couverts, nichée dans le IXe arrondissement de Paris. À 31 ans, le très jeune chef, décoré cette année de sa première étoile au Guide Michelin, assume des choix forts : là où sa génération chante les louanges de la bistronomie, lui opte pour un authentique restaurant gastronomique à l’élégance simple et aux prix démocratiques, débarrassé des excès de snobisme du genre. Avec sa cuisine semiouverte, La Condesa vibre de la passion calme de son capitaine qui, tout en préservant son espace de création, demeure perméable à l’échange avec ses clients. L’humilité et l’ouverture caractérisent en effet cet homme avide de connaissances, né au Mexique, qui a commencé à œuvrer en cuisine, dans un centre culturel, à l’âge précoce de 12 ans. Désireux de se former au meilleur de l’art culinaire français, il décide ensuite de suivre le cursus de l’Institut Paul Bocuse à Écully, près de Lyon, puis rallie Le Meurice où il exerce sous la direction du chef Yannick Alléno.
Aujourd’hui encore, Indra Carrillo s’applique à trouver le juste équilibre entre les nombreux voyages qui enrichissent sa palette et sa présence nécessaire à La Condesa
Son parcours initiatique continue de le mener de pays en pays. Entre Enoteca Pinchiorri à Florence, le Ritz de Londres, plusieurs expériences au Japon ou encore le très renommé Noma à Copenhague, un melting-pot de cultures culinaires et de saveurs vient peu à peu nourrir sa créativité personnelle, dans un dialogue fertile avec les solides bases techniques acquises lors de sa formation française. À cela, le jeune maître en devenir ajoute aussi plusieurs stages auprès des meilleurs ouvriers de France (boulangerie, poissonnerie…). Aujourd’hui encore, Indra Carrillo s’applique à trouver le juste équilibre entre les nombreux voyages qui enrichissent sa palette et sa présence nécessaire à La Condesa. “J’ai toujours voyagé pour la cuisine, explique-t-il, pour travailler dans les meilleurs restaurants, pour faire des stages, pour découvrir une gastronomie que je ne connaissais pas… ou encore, pour rencontrer des producteurs. Ce sont des découvertes essentielles, que je fais en permanence.”
Pour Indra Carrillo, la cuisine est un art total mobilisant tous les sens
L’insistance qu’Indra Carrillo met à se maintenir hors de sa zone de confort se mue en une philosophie de l’éveil où le voyage se niche au cœur du quotidien. “Réaliser un dîner à quatre mains au Japon, c’est inspirant, cela permet d’élargir mon répertoire, poursuit-il. Mais il est également important que je sois au restaurant pour créer et pour rencontrer la clientèle. La Condesa, c’est un atelier que j’ai envie d’utiliser pour me former, pour grandir en tant qu’artisan et en tant que chef d’entreprise. L’inspiration peut venir de n’importe où.” Soucieux du moindre détail, ce créatif, distingué dès 2016 par le prix Jeune Talent du Gault & Millau, a par exemple fait concevoir sa vaisselle par un potier rencontré en Nouvelle-Zélande. Un an avant l’ouverture de La Condesa, les deux hommes ont commencé à échanger sur les formes, les couleurs et la brillance des assiettes… Pour Indra Carrillo, la cuisine est un art total mobilisant tous les sens. Ses harmonies uniques de saveurs variées – lieu jaune mariné façon tikin xic, ananas rôti, mousseline d’avocat et salade aromatique avec cassolette de haricots noirs… cœur de quasi de veau mariné au kombu, haricotto de salicornes-persil, émulsion de champignons et jus de viande – ne sauraient tolérer n’importe quel écrin. Cette créativité, ce souci du détail alliés à la connaissance sans faille des techniques traditionnelles françaises auront bien sûr convaincu les inspecteurs très scrupuleux du Guide Michelin, qui, en lui accordant en 2019 sa première étoile, ont placé ce jeune talent hors pair sur une trajectoire assurément stellaire.