Après Zones de confort en 2015, le Centre national des arts plastiques (CNAP) – collectionneur public qui gère le Fonds national d’art contemporain composé de près de 100 000 œuvres – met en lumière ses nouvelles acquisitions avec l’exposition de design Le Grand Détournement. Un angle inédit qui témoigne de cette volonté de dépasser les carcans traditionnels du design et les diktats du standard. Les jeunes designers refusent désormais la pression et le rythme effréné liés à la commercialisation de leurs pièces et privilégient l’artisanat, le fait-main, le DIY (do-it-yourself). Un détournement des grands codes du design, qui laisse place à des créations uniques, loin des éditions commerciales sans cesse rééditées.
De la “cuisine d’objets” conçue par les 5.5 designers, qui propose de créer soi-même ses œuvres en suivant une recette simple, à la série Les Ensembles de Jerôme Dumetz qui permet de réaliser, avec un ensemble de pièces définies, son propre mobilier, en passant par la pratique du “Ikea hacking” grâce à laquelle il est possible de détourner et de personnaliser les produits de la firme suédoise, l’exposition s’intéresse avant tout à l’aspect “bricolage” du design et au schéma d’autoproduction hérité de grands créateurs comme Maarten Baas ou Nacho Carbonell. Comme l’explique David des Moutis et Juliette Pollet, commissaires de l’exposition : “Des designers cherchent à reprendre le pouvoir […] et inventent de nouveaux modèles économiques.” Les process industriels ne sont pour autant pas exclus et conduisent certains artistes à créer leur propre machine-outil, à l’image de Jólan van der Wiel, qui a créé une machine mettant en jeu les forces telluriques qui nous entourent comme la gravité et l’attraction magnétique. De cette machine découle un matériau inédit, un plastique chargé de limaille de fer qui lui sert à modeler différentes pièces de mobilier comme un tabouret.
Point fort de l’exposition, la scénographie conçue comme un collage de tous les objets exposés. Ni classés ni catégorisés, ces derniers évoluent librement sur un long socle où sont également disposés des miroirs qui diffractent l’espace. Le visiteur joue ainsi avec ces différents points de vue et voit les pièces se répondre entre elles. Le thème du jeu et du plaisir lié à la création se retrouve également sur la mezzanine de la Galerie Poirel, lieu qui permet au visiteur de se placer dans la posture du créateur en découvrant du mobilier créé pour l’occasion in situ par des étudiants de l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy. L’acte créatif est alors placé à la portée de tous, encouragé par cette nouvelle génération de designers aussi aventureuse qu’innovante. Beau programme !