Thaddaeus Ropac aura réalisé une arrivée à Londres à son image, élégante et diablement efficace. Dans la fastueuse demeure xviiie qui accueille son nouvel espace de 1 500 m2, entre réminiscences Arts and Crafts, escalier en marbre et rampes en cuivre, volumes labyrinthiques habillés de moulures et sol en damier, le message envoyé au marché est clair : Brexit ou pas, Ropac a les reins solides. Le galeriste autrichien accueillait d’ailleurs les convives (tout ce que le monde de l’art compte de collectionneurs et d’art advisors) avec un sourire aux lèvres et l’œil pétillant, dans son habituel costume bleu foncé, parfait, comme à son habitude : mesuré, sobre et déterminé.
Photo : Joseph Asgar
Le chemin parcouru par ce nouveau souverain britannique depuis le petit village du Tyrol dont il est originaire a de quoi fasciner. Thaddaeus Ropac n’a que 17 ans lorsqu’il est confronté au “choc” Joseph Beuys exposé à Vienne. Les œuvres de l’artiste le hantent. Il finira par se faire embaucher dans son studio de Düsseldorf en 1981… et par comprendre qu’il ne sera jamais aussi bon artiste que le maître. L’art, il le défendra en tant que galeriste. D’abord à Salzbourg, en 1983, où il ouvre sa première galerie (il n’a que 23 ans), puis à Paris, en 1990. Toujours fidèle à Joseph Beuys, il représente aujourd’hui l’estate de l’artiste et réserve à ses dessins une place de choix au sein de son nouvel espace londonien.
Oliver Beer, composition, photo par Mark Blower.
C’est l’un des jeunes et très bons talents défendus par Thaddaeus Ropac. Le Britannique Oliver Beer s’est fait remarquer depuis déjà plusieurs années pour ses pièces sonores ou œuvres liées à la musique (récemment à Paris au Centre Pompidou et pendant la Nuit Blanche). Avec Resonance Project, “joué” dans la galerie de Londres, Oliver Beer demande à des chanteurs classiques de stimuler l’espace grâce à une technique vocale créant une vibration extraordinaire et “révélant la voix du bâtiment“.
La programmation tout entière, lors de l’inauguration, tient d’ailleurs de la démonstration de force, couvrant toute la panoplie des possibles d’un galeriste d’envergure mondiale : représentation des grandes légendes (une salle dédiée à Gilbert & George, et une autre à Joseph Beuys donc), promotion de jeunes talents (l’excellent Oliver Beer au rez-de-chaussée), et enfin, représentation de fonds ou de collections prestigieuses (en l’occurrence des œuvres d’art minimal de la Collection Marzona). Une belle occasion d’exposer (et de vendre) Dan Flavin, Sol LeWitt, Donald Judd et Richard Serra – artistes historiquement représentés par des galeries concurrentes. Et ainsi d’enfoncer le clou. Un nouvel acteur est en ville, plus britannique que le roi (les artistes anglais présentés et la demeure “so british” en témoignent), et il compte bien rebattre les cartes.
Galerie Thaddaeus Ropac à Londres, Ely House, 37 Dover Street, Londres.