Francis Kurkdjian : de Jean Paul Gaultier à Christian Dior
“Je suis un peu devenu parfumeur par défaut, avoue d’emblée Francis Kurkdjian. Adolescent, je rêvais d’être danseur, mais ayant les bras trop longs, j’ai dû abandonner l’idée. La mode m’intéressait également, mais je ne savais pas dessiner. Vers 13-14 ans, je me suis donc vu répondre sur une fiche scolaire destinée à mon orientation professionnelle future : parfumeur. Depuis, je ne me suis plus jamais questionné sur ce choix, je m’y suis tenu... Et, finalement, j’avoue que c’est un mode d’expression qui me correspond bien car il faut de la rigueur – et ça, j’en ai – dans les compositions, comme de la sensibilité.”
Jeune homme, ce Français aux origines arméniennes mène des études à l’ISIPCA, l’école des parfumeurs, puis à l’Institut supérieur de marketing du luxe. Il intègre la société Quest International à Paris mais file rapidement rejoindre sa filiale new-yorkaise. Très vite, il se fait remarquer. À 25 ans, Francis Kurkdjian signe Le Mâle de Jean Paul Gaultier et le succès est au rendez-vous, la fragrance s’inscrivant durablement au firmament des ventes.
D’emblée, Francis Kurkdjian impose sa marque de fabrique : un style olfactif empreint de volupté. “Au milieu des années 90, à l’époque où j’ai composé Le Mâle, les senteurs masculines se devaient d’avoir des notes de départ assez fraîches – même si ma composition évoluait par la suite vers des touches beaucoup plus orientales. La parfumerie masculine était alors très codifiée. Elle l’est toujours, mais petit à petit, les choses évoluent. Depuis une quinzaine d’années, avec le succès grandissant des parfums dits ‘de niche’ – ces senteurs d’exception proposées dans des flacons standardisés et unisexes, comme celles de ma propre griffe, les créations de la Collection Privée Christian Dior ou encore les parfums Serge Lutens, pionnier en ce domaine –, les hommes se sont mis à adopter des choses plus florales, plus surprenantes aussi. L’évolution du marché aura permis celle des goûts. La parfumerie accompagne les évolutions sociétales, économiques et scientifiques.”
“Chez Dior, tout réside dans la tension entre l’idée de tradition et celle de la modernité.”- Francis Kurkdjian
Depuis ses débuts, Francis Kurkdjian se plaît à faire bouger les lignes. Après s’être essayé en 2001 aux parfums sur mesure, il lance en 2009 sa propre maison qui, outre des senteurs gender fluid, propose également des bulles de savon parfumées ou encore des lessives aux fragrances fraîches et aériennes. Sa griffe rejoint en 2017 l’escarcelle du groupe LVMH et, en octobre dernier, le voilà promu Directeur de la Création Parfum de Christian Dior. “Chez Dior, tout réside dans la tension entre l’idée de tradition et celle de la modernité.”
À vrai dire, la maison de l’avenue Montaigne n’est pas franchement une inconnue pour Francis Kurkdjian, qui signait déjà en 2004 deux colognes commanditées par Hedi Slimane, alors en charge des collections masculines. Deux senteurs ciselées : Cologne Blanche, aux extraits de fleur d’oranger enveloppés d’un accord de violette poudré, et Eau Noire, une lavande aux accents orientaux. Des créations inaugurales aujourd’hui rééditées dans un coffret, accompagnées de Bois d’Argent, un arôme d’iris conçu par la parfumeuse Annick Menardo à la même époque. “Quand je suis arrivé chez Dior, j’ai été assailli de demandes d’amis me réclamant ces senteurs ! Elles ont presque vingt ans et sont devenues des classiques ; elles me guident dans mes explorations futures pour la maison.”
Le documentaire “Inside The Dream” par Matthieu Menu est disponible sur myCANAL.