Rencontre avec le champion de basket Dwyane Wade
Longtemps, on a vu Dwyane Wade courir comme un fou vers le panier, buter contre des joueurs plus grands et plus lourds que lui, mais marquer quand même, comme si la dureté du choc conditionnait la pureté de son geste d’attaquant. En Europe, certains se levaient la nuit pour le voir jouer dans la grande ligue de basket américaine, l’inimitable NBA où il a brillé durant seize saisons, entre 2003 et 2019, remportant trois fois la bague de champion avec son équipe fétiche du Miami Heat.
À divers stades de sa carrière, le joueur de 1,93 m a foulé les parquets aux côtés de LeBron James et Shaquille O’Neal, deux superstars qui ne l’ont pas empêché de se faire une place au soleil. Au début de l’année, le légendaire Pat Riley (ex-coach et actuel président du club de Miami) a annoncé que Dwyane Wade aurait à la fin de 2024 sa propre statue, érigée juste devant le Kaseya Center, l’enceinte où joue l’équipe du Miami Heat. Le privilège des mythes, dans un pays où la balle orange traverse toutes les couches de la société, et fait rêver n’importe quel enfant qui a pénétré un jour sur un playground.
Un parcours sportif semé d'embuches
Si on le voit aujourd’hui, presque quatre ans après sa retraite sportive, multiplier les interventions publiques pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur, raconter son art divin du basket sourire aux lèvres, le natif de Chicago aurait pu rester un invisible parmi les invisibles. “J’ai longtemps été ce gamin transparent, mais j’ai appuyé sur pause”, dit-il. Dwyane Wade évoque son coach à l’université Marquette, à Milwaukee (Wisconsin), où il est arrivé au début des années 2000, dressant en creux son autoportrait en ado éparpillé : “Quand j’ai croisé Tom Crean, je me trouvais à un tournant. J’étais ce mec de 18 ans, pas au niveau du point de vue académique, dont la mère était en prison, à la relation cassée avec son père. J’allais avoir un enfant peu après. Tom a été un leader pour moi, à la fois un ami et un coach, une figure de père. Il m’a empêché d’abandonner. Dans nos communautés, cela n’arrive pas si souvent de croiser quelqu’un qui croit en vous. J’ai pu rendre fière ma famille.”
Pas une trace de misérabilisme dans le ton. Dwyane Wade, 42 ans, s’affiche assez libéré et heureux pour parler de son histoire avec lucidité. Ne pas y voir un conte de fées, ni une profession de foi, même si la spiritualité ne se niche jamais loin des paroles de l’athlète. “Le chemin que j’ai parcouru, je sais qu’il était écrit, ordonné quelque part. Quelles que soient vos croyances, vous êtes face à vous-même, mais il existe une entité plus grande que vous.”
La persévérance d'un champion de basket à toute épreuve…
Sur terre, un être plus grand que lui stimulait les rêves d’un paquet d’enfants de sa génération. Ils n’avaient qu’un seul nom à la bouche : Michael Jordan, le “GOAT”. “Regarder Michael Jordan avec les Chicago Bulls, me nourrir de ces images, tout cela a façonné mon rêve depuis l’âge de 5 ans. Dès que j’avais un ballon entre les mains, je revivais. Parfois, on part avec peu d’options dans la vie. Il y a le basket, le foot, l’athlétisme. Si vous voulez réussir, vous donnez tout. C’est ce que j’ai fait, y compris dans les moments où je n’étais qu’un gamin de plus qui aime le basket.”
De son propre aveu, Wade a connu une éclosion tardive, loin des petits génies dont les exploits animent aujourd’hui les vidéos qui font trembler Internet. “Je n’ai jamais été le meilleur partout. Mais j’ai eu le mérite de ne jamais m’arrêter. De persévérer. Ce qu’ils n’ont jamais pu m’enlever, c’est mon cœur, ce qu’il y a à l’intérieur, ce qui le couvre... C’est du Teflon, baby.” La punchline lui ressemble : elle sort sans qu’on l’ait vue venir mais comme une indécrottable vérité, la parole de celui qui sait pourquoi et comment il est arrivé très haut, très fort.
En plus de ses titres de champion NBA, Dwyane Wade a aussi remporté les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 avec l’équipe nationale américaine, et revêtu treize fois la tunique du All-Star Game, qui réunit chaque année les meilleurs joueurs NBA lors d’un match spécial. Il a été intronisé au Hall of Fame, à Springfield (Massachusetts), en août 2023, un privilège réservé aux légendes du jeu. Ce soir-là, il est monté sur scène les larmes aux yeux, sous le regard de Tony Parker, le basketteur français élu dans la même promotion, qui fut aussi l’un de ses plus valeureux adversaires.
Dwyane Wade, légende de la NBA
On ne peut s’empêcher de mentionner la finale NBA de 2013, durant laquelle les San Antonio Spurs, menés par le joueur français, sont passés très près de la victoire lors du sixième match face au Miami Heat de Wade, avant de baisser les armes. L’un des duels les plus célèbres de l’histoire contemporaine du jeu, où l’Américain a fréquenté le camp des vainqueurs.
Il n’a aujourd’hui que des mots empreints de classe pour évoquer ce souvenir. “Je tiens à saluer Tony Parker, contre qui j’ai eu la chance de jouer cette finale avant d’apprendre à le connaître en dehors du terrain, pour en faire bien plus qu’un adversaire.” Ce serait aussi ça, l’essence du sport : comprendre ses adversaires, appuyer sur leurs faiblesses, admirer leurs qualités.
Je n’ai jamais été le meilleur partout. Mais j’ai eu le mérite de ne jamais m’arrêter. De persévérer.” Dwyane Wade
La génération de Dwyane Wade a peut-être compris cela mieux que toute autre dans l’histoire du basket. La dernière époque “pure” aura été la sienne ? On ne sent aucune pointe de nostalgie de sa part devant ce qu’est devenue la NBA : un business monumental, mondialisé à l’extrême, un terreau individualiste où les statistiques comptent beaucoup trop, mais aussi un monde où tout devient possible, avec l’arrivée de talents hors normes.
“Je ne compare pas les époques, je n’ai pas une âme de juge, affirme l’intéressé. Je pense que la vie est faite d’avancées, d’évolutions. Je suis heureux de pouvoir faire partie des piliers qui ont permis au jeu de continuer à progresser. Le terrain fait toujours 94 pieds de long, ça ne changera pas. Mais le reste, pourquoi pas ?”
Michael Jordan, LeBron James et Kobe Bryant comme références
Une dernière fois, dans la conversation, Wade revêt ses habits d’expert de la balle orange pour passer un message. Selon lui, la France peut être fière de compter parmi ses concitoyens la plus belle perle actuelle, le prodige Victor Wembanyama, 20 ans tout juste, qui traverse sa première saison dans la grande ligue après avoir été sélectionné par les San Antonio Spurs. Plus qu’un espoir, l’ex-joueur des Metropolitans 92 de Levallois-Perret est une raison d’aimer le basket.
“Je suis comme tous les fans, éberlué par ce qu’il est capable de faire, avec sa taille de plus de 2,20 m. Il est un mélange de tant de joueurs différents, et il réussit des gestes qui n’ont aucun sens [rires]. Voler un ballon, dribbler dans le dos devant un meneur de jeu et ‘dunker’ sur un pivot, normalement ça n’existe pas ! Si c’est la nouvelle direction du jeu, vers ce genre de talent et de capacités, donnez m’en encore ! On ne sera plus globaux, mais interplanétaires. J’ai vu Michael Jordan, Shaquille O’Neal, LeBron James, Kobe Bryant, et maintenant il est là. Victor est jeune, il a beaucoup à apprendre, tant de matches à jouer. Mais je le trouve déjà admirable. J’ai juste envie d’apprécier tout ça en espérant que ses rêves se réalisent et qu’il devienne le joueur que son travail lui permettra d’être.”
Mon ambition n’a jamais rien eu à voir avec les codes des personnes riches et célèbres, les belles voitures, tout ce qu’on associe à la réussite. Je voulais d’abord prouver que je pouvais accomplir quelque chose.” Dwyane Wade
Il y a toujours un message, y compris dans l’éloge, de la part de Dwyane Wade. Un plaidoyer pour le travail, vertu absolue pour durer au plus haut niveau, que l’on ne prend pas toujours assez au sérieux chez les sportifs, souvent réduits à la caricature de types plus ou moins décervelés, prêts à se frapper la poitrine pour exprimer leur force. Wade l’a fait, il était un joueur expressif, souvent explosif, mais il ne s’agissait que de la partie émergée de l’iceberg – pas la plus importante.
À l’image des footballeurs ou des basketteurs, ceux qui pratiquent des disciplines populaires restent dévalorisés. On ne voit d’eux que ce qui brille, les signes extérieurs de richesse. Au mieux, on les envie, au pire, on les méprise. Sur ce point, Dwyane Wade a deux ou trois choses à dire. “Mon ambition n’a jamais rien eu à voir avec les codes des personnes riches et célèbres, les belles voitures, tout ce qu’on associe à la réussite. Je voulais d’abord prouver que je pouvais accomplir quelque chose. Beaucoup d’enfants n’ont pas eu les opportunités que j’ai eues, alors j’ai saisi ce que j’ai pu. Cela a donné une carrière de seize ans en NBA, et tout ce qui va avec.”
Un pied dans le monde du cinéma
Le fond était solide. Voilà comment, plusieurs années après avoir déserté les parquets, l’ancien roc de la NBA paraît bien décidé à redistribuer ce que la vie lui a offert. Le voilà à la tête d’une maison de production, 59th & Prairie Entertainment, dont l’un des premiers projets a été nommé aux Oscars 2024, dans la catégorie des meilleurs courts-métrages documentaires. The Barber of Little Rock suit, dans la ville de l’Arkansas, le quotidien d’une école de barbiers, lieu historique de socialisation entre élites et personnes défavorisées dans la communauté noire aux États-Unis.
Le film s’intéresse particulièrement aux inégalités économiques et aux grandes difficultés d’accès au crédit pour les personnes racisées. Fin 2022, Wade s’est aussi associé à sa femme, l’actrice Gabrielle Union, ainsi qu’à RuPaul, star des drag-queens et producteur acéré, pour le spectacle joué sur Broadway Ain’t No Mo’, une comédie qui aborde par l’absurde le racisme au pays de l’Oncle Sam. Que se passerait-il si le gouvernement américain cherchait à “résoudre” la question en offrant aux personnes noires un billet d’avion en aller simple pour l’Afrique ? Telle est la question que pose la pièce.
Un engagement auprès de la communauté noire et de la cause LGBT
L’époque, ses reculs, ses espoirs, tout cela intéresse Dwyane Wade peut-être davantage depuis qu’un événement l’a aidé à prendre la mesure de son engagement, notamment en faveur des personnes LGBT : le coming out trans de sa fille (née garçon) en 2019.
“Comme souvent, quand les choses deviennent personnelles, tout change, raconte-t-il. On prend du temps pour comprendre et agir. Un jour, notre fille Zaya est rentrée de l’école, s’est assise et nous a annoncé : ‘Voici la manière dont je m’identifie et la communauté dont je fais partie.’ Quand ma fille appartient à une minorité, en tant que parent je me dis que j’ai une responsabilité, car je ne connais pas grand-chose sur le sujet à ce moment-là.”
Maintenant, je vais me battre pour la communauté LGBT comme je me bats pour la communauté noire, pour être certain qu’ils et elles soient entendus et vus.” Dwyane Wade
Très vite, Wade est devenu un “étudiant”, conscient du pas effectué vers lui par sa fille, de la confiance dont elle a fait preuve à son égard. “Le fait que l’une de mes enfants ait eu envie de me raconter qui elle est, cela signifie que j’ai fait quelque chose correctement en tant que parent. Je pose des questions, je visite des lieux avec elle, j’ai envie de savoir ce qu’elle vit, ce qu’elle a appris. Je suis heureux chaque jour d’être le père de Zaya.”
La cause transgenre et les problématiques LGBT en général font partie des valeurs que Wade partage avec la marque italienne Versace. Pour lui, chaque collaboration doit avoir du sens. Au quotidien, il profite de son aura pour mettre en avant des questions souvent ignorées par le grand public, voire méprisées. “Maintenant, je vais me battre pour la communauté LGBT comme je me bats pour la communauté noire, pour être certain qu’ils et elles soient entendus et vus.”
Une fondation au service des minorités
Cela passe par des actions, notamment à travers la Wade Family Foundation, qui utilise sa visibilité et ses ressources pour venir en aide aux populations marginalisées et démunies. Sur la communauté trans en particulier, Wade dit s’intéresser de plus en plus à la question de l’accès aux soins, parfois extrêmement difficile pour les personnes concernées. Avec sa famille, l’ex-basketteur a d’ailleurs quitté la Floride – un État notoirement répressif envers certaines communautés LGBT – pour s’installer de l’autre côté des USA.
“L’une des raisons pour lesquelles nous avons déménagé en Californie, c’est pour trouver une communauté capable de soutenir ma fille. Vivre dans des espaces sécurisés est un vrai défi. On s’entraide, on avance ensemble. On s’exprime. La question n’est pas que ma fille fasse les gros titres, mais de trouver des solutions pour tous et toutes. On fait notre part du travail, et Zaya, elle, se retrouve en première ligne.”
On peut avoir envie d’être riche, d’avoir une énorme carrière de champion, mais ces choses sont temporaires. Elles s’évanouissent.” Dwyane Wade
Tout cela a un prix, celui de la haine, malheureusement endémique dans des sociétés aussi divisées que les nôtres, et décuplée par la chambre d’écho des réseaux sociaux. Wade et sa fille y font face. “Je dis tout le temps aux gens qu’ils peuvent se moquer de ma famille, ou d’autres familles, de toute une communauté, mais nous sommes confrontés à ces questions dans la vraie vie, chaque jour et à chaque heure. Certaines personnes qui ont du pouvoir, parfois qui nous gouvernent, tentent de rendre invisibles les minorités, de les effacer. En tant que Noirs, nous avons connu cela.”
Wade loue alors le courage de Zaya, qui s’expose et prend des coups, ce qu’une enfant de son âge ne devrait “pas avoir à supporter”. Une émotion surgit, pas forcément négative, ni paralysante. “Zaya comprend aussi que tout cela est plus grand qu’elle.” Contrairement à tant d’autres grands sportifs tombés à la renverse après leur retraite, comme rattrapés par la vie, Dwyane Wade semble avoir trouvé la force de ne pas regarder en arrière. “Il y a tant de confusion qui circule, tant de changements. Au milieu de tout ça, on risque de se perdre. On peut avoir envie d’être riche, d’avoir une énorme carrière de champion, mais ces choses sont temporaires. Elles s’évanouissent. Alors, je me concentre sur l’amour.”
Le basket est une forme d’expression, la mode en est une autre.” Dwyane Wade
Le sport mène loin, même quand on n’en sort pas complètement. Wade intervient toujours en tant que consultant sur des matchs, mais il s’épanouit dans la multiplicité. “La balle rebondit encore, même si moi, je ne la fais plus rebondir comme avant ! Créer cette vie, ces opportunités, c’est fort. L’un de mes seuls regrets, c’est de ne pas avoir été un meilleur étudiant : j’ai une excellente mémoire et des capacités.”
Le basket lui aura servi d’école de substitution, à partir de laquelle il s’est forgé un principe personnel – selon lui, une leçon de vie. “Dans une carrière, beaucoup de choses doivent bien se passer au milieu de toutes celles qui peuvent mal se passer.” On le note. Il faut dire qu’une forme de zénitude et de calme se dégage de lui dans le choix des mots. On la retrouve dans sa manière d’apparaître au monde, boostée par son intérêt pour la mode.
Au cours de sa carrière, il suffisait de jeter un œil sur les tenues hors terrain de Dwyane Wade pour comprendre sa touche singulière, son élégance tranquille. Le show off n’était pas vraiment son affaire. “Le basket est une forme d’expression, la mode en est une autre. C’est la seule question : comment s’exprimer ?”
Dwyane Wade : un ami proche de la maison Versace
Depuis plusieurs années, le quadra a noué des liens avec Versace, qui lui permettent aujourd’hui d’être le visage international de la marque italienne pour les lunettes masculines. “Je suis ravi d’avoir ma tête sur les billboards à travers le monde, plaisante-t-il. Nous avons bien travaillé ensemble sur cette deuxième collection, plus edgy que la précédente. Je suis un homme d’attitude et de détails et je partage cela avec Versace. On croise quelqu’un dans la rue, on aperçoit la Méduse sur le côté, la chaîne, le logo plaqué or... J’aime les couleurs et le style de ces lunettes. Cette ligne est assez personnelle pour moi. Une relation avec des gens qui prennent le temps de me connaître et de me présenter des pièces qui me ressemblent, c’est fabuleux.”
Avec Donatella Versace, Dwyane Wade a tissé une relation fondée sur un partage de valeurs qu’il met en avant avec conviction. “Versace est une marque iconique, mais pas seulement. J’ai envie de travailler avec des gens qui se lèvent tous les jours pour les mêmes raisons que moi. Tout le monde le dit, Versace, c’est une grande famille, et c’est vraiment ce que l’on ressent. Moi, je suis un père de famille. Immédiatement, j’ai compris que cela marcherait. Ce que nous menons à bien, Versace ne l’a pas entrepris depuis longtemps avec une célébrité, et encore moins avec un homme.”
La masculinité n’est pas univoque, elle peut prendre plusieurs aspects.” Dwyane Wade
Dwyane Wade insiste sur le mot “homme”, qui prend dans sa bouche une connotation particulière, loin des clichés associés aux sportifs soi-disant machos – souvent par ceux qui refusent de les regarder vraiment. Ses ongles n’y sont pas étrangers. On les observe depuis un moment pendant notre entretien. Ils sont soigneusement peints, de plusieurs couleurs. Wade les arbore avec fierté, même si cela n’a pas toujours été le cas.
“Je me peins les ongles depuis longtemps, raconte-t-il. J’ai commencé en 2007. Mais durant plusieurs années, j’enlevais le vernis au moment où la saison de basket commençait. Je n’ai rien montré publiquement avant 2010. Je me faisais plaisir discrètement l’été, et à la rentrée, j’effaçais tout. Je n’avais pas assez confiance en moi.” Wade est décidément un homme de détails.
Celui-ci raconte beaucoup, notamment un rapport au style masculin en phase avec une époque où plusieurs expressions sont heureusement possibles. “La masculinité n’est pas univoque, elle peut prendre plusieurs aspects, confirme la star. Mes ongles, certains ne trouvent pas cela masculin. Mais j’ai confiance quand je suis comme ça, et pour moi, c’est la masculinité même. C’est ce que je veux pour notre époque.”