Rencontre exclusive avec le footballeur allemand Leroy Sané
Il y a des joueurs éteints que l’on remarque à peine tout au long de leur carrière. Et il y a Leroy Sané, faiseur d’étincelles, qui attire les regards à la ville, grâce à son élégance et son charisme, ainsi que sur les terrains de football, où il règne sur le couloir gauche. S’il est né et a grandi en Allemagne, l’ailier gauche du Bayern Munich a toujours su que le monde était plus vaste.
Sa mère, Regina Weber, a été médaillée de bronze en gymnastique rythmique aux jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Son père, Souleymane Sané, est un ancien footballeur international sénégalais qui a grandi en France. Sa femme, Candice, elle, est américaine. “C’est assez important pour moi, souligne-t-il. J’ai grandi en sachant qu’il n’y avait pas qu’une seule façon de voir les choses, que nous sommes tous les mêmes, que nous avons tous beaucoup à apprendre des autres.”
Un parcours marqué par la France
Prénommé Leroy parce que son père souhaitait rendre hommage à son ancien sélectionneur du Sénégal, le Français Claude Le Roy, il avoue qu’aucun francophone, ou presque, ne lui a jamais infligé de plaisanterie à ce sujet : “On m’a toujours appelé Leroy, à l’anglaise, mais à Manchester City, parfois, Bacary Sagna m’appelait ‘le roi’ juste pour rire. Je sais que j’ai des racines françaises, mon père parlait un peu la langue quand j’étais petit, mais je regrette de ne pas l’avoir mieux apprise, surtout quand je me suis retrouvé dans le vestiaire de Manchester City avec mes camarades francophones Bacary Sagna, Samir Nasri, Gaël Clichy, Vincent Kompany ou Yaya Touré. Cela m’aurait vraiment aidé.” [Sourires.]
La France a d’ailleurs été particulièrement présente dans son cœur lors de sa première sélection en équipe d’Allemagne, en novembre 2015, au Stade de France, alors que deux explosions venaient de retentir aux portes du stade et que Paris, cette nuit-là, allait être frappé et endeuillé par les attaques terroristes.
Il n’a jamais oublié : “Nous ne savions pas ce qui se passait pendant le match. Nous avions juste entendu le bruit des détonations. Quand nous sommes rentrés au vestiaire, nous avons tous été profondément choqués en apprenant qu’il s’agissait d’un attentat. Nous avons attendu très longtemps avant d’être autorisés à quitter le Stade de France, et je me souviens de Paris totalement désert quand nous sommes retournés à l’hôtel...”
J'ai grandi en sachant qu'il n'y avait pas qu'une seule façon de voir les choses, que nous sommes tous les mêmes, que nous avons tous beaucoup à apprendre des autres." - Leroy Sané
Si Leroy Sané a vécu une enfance et une jeunesse de joueur germanique, il est néanmoins français par son père et possède la double nationalité. Après avoir marché dans les traces de ce dernier, qui a longtemps joué lui- même pour le SG Wattenscheid 09, à Bochum, il a rejoint les centres de formation de Schalke 04, à Gelsenkirchen, et du Bayer 04 Leverkusen, avant de revenir à Schalke 04, de découvrir le Championnat d’Allemagne et la Ligue des champions de l’UEFA, et de se révéler suffisamment talentueux, notamment grâce à sa vitesse et ses dribbles, pour rejoindre Manchester City en 2016.
L’Angleterre a adoré son jeu, l’entraîneur Pep Guardiola aussi, mais Leroy Sané a fini par vivre le destin des meilleurs joueurs allemands : il est revenu en Allemagne pour signer au Bayern, depuis 2020, dans un pays qui, comme le Royaume-Uni, valorise les dribbleurs et les attaquants.
Dans le football moderne, apporter l’étincelle comme le fait Leroy Sané reste un combat de tous les instants. Il sait bien que les joueurs de charme se heurtent parfois aux critiques. C’est le prix à payer quand, suivant son inspiration, on risque de perdre un ballon que le travail de toute une équipe avait permis de récupérer.
Leroy Sané : un joueur ambitieux au sommet de son art
“Je crois que les dribbleurs sont parfois incompris, acquiesce-t-il, parce qu’en créant du jeu, ils menacent de perdre le ballon. Mais il faut vraiment que ce genre de joueurs existe, parce qu’ils sont essentiels au spectacle et à l’enthousiasme des fans. Les entraîneurs les laissent généralement faire car ils savent créer des occasions. Le problème vient plutôt des commentateurs et du public, qui sont les premiers à s’insurger : ‘Mais comment peut-il perdre le ballon ?...’ Pourtant, les étincelles qu’apportent les joueurs créatifs sont essentielles dans le football. On en a besoin. Sans Messi, Ronaldo, Neymar, Hazard, tous ces dribbleurs, le sport aurait été différent. On a besoin de magie, d’électricité.”
À 28 ans, Leroy Sané aime être imprévisible, que ce soit sous le maillot du Bayern et de l’équipe nationale d’Allemagne, ou dans sa manière de s’habiller. Sur les terrains comme à la ville, sa personnalité se lit dans son refus de s’autocensurer, de s’interdire un dribble ou un look un peu exubérant.
Il résume : “J’essaie de prendre les choses comme elles viennent, de profiter de ce que je vis, d’emmagasiner le maximum de souvenirs, le temps passe si vite... Je ne cherche pas à me distinguer à tout prix. Je veux juste être moi-même, que ce soit dans ma façon de jouer ou de m’habiller.”
On sait que la perfection n’existe pas, mais on la poursuit quand même. J’essaie toujours d’être la meilleure version de moi-même." - Leroy Sané
Habitué des podiums sportifs, au fil des saisons et d’un palmarès magnifique (cinq titres de champion en Angleterre et en Allemagne, une Coupe du monde des clubs avec le Bayern), il avoue qu’il ne détesterait pas tester ceux des défilés de mode. Si ce jour arrive, il sera, comme toujours, perfectionniste et ambitieux : “Quand on joue, on poursuit des objectifs, on veut aller de plus en plus haut, explique-t-il. On sait que la perfection n’existe pas, mais on la poursuit quand même. J’essaie toujours d’être la meilleure version de moi-même.”
Leroy Sané est encore un jeune homme dans un football moderne qui ne cesse de repousser les limites des attaquants : jadis à la retraite à 32 ans, ils continuent aujourd’hui de jouer jusqu’aux rivages de la quarantaine grâce aux progrès de la diététique et de leur préparation sportive sur mesure. Il ignore combien de temps encore ses semelles de vent le porteront, dans un secteur de jeu où les dribbleurs ne peuvent pas survivre s’ils perdent leur rapidité d’exécution.
Mais plus il prend de l’âge, plus l’horizon recule : “Je vais essayer de jouer le plus longtemps possible au top niveau, conclut-il. Mais je ne sais pas combien de temps je resterai compétitif. À partir de 32 ans, je verrai comment je me sens et j’imagine que j’adapterai mes décisions au fur et à mesure. Mais le football est toujours ma passion, je serais heureux s’il me restait encore dix ans de jeu devant moi.”
Match retour Arsenal - Bayern Munich, quart de finale de la Ligue des Champions de l'UEFA, ce soir à 21h sur Canal+.